Dans la vie, j’apprécie me laisser porter mais j’aime bien choisir les choses aussi. Comme l’a dit un grand sage un jour, Maxime Le Forestier, « on choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille ».
Si on était dans un film, là, il y aurait un plan de mes parents, de mes trois frères et de ma sœur en train de rire autour de moi. Une voix off dirait « Ça c’est moi. Vous vous demandez comment j’en suis arrivée là, pas vrai ? ».
Eh bien laissez-moi vous raconter l’histoire.
Être l’aînée d’une famille nombreuse, mon origin story
Un jour, Papa Palace et Maman Palace ont un coup de foudre. Trois jours après, ils décident de se marier, parce qu’ils sont comme ça : plutôt intenses. Un an et neuf mois plus tard, ils ont leur premier bébé. C’est là que j’entre en scène.
Moi j’ai juste été la plus vieille, celle qui arrête vite d’être un bébé.
Idylle, bonheur et soleil au pays des vedettes des enfants uniques. Certes, je suis tout le temps malade… mais je kiffe. À deux ans, je parle tout à fait couramment, j’aime discuter, danser avec ma mère, lire des histoires et reconnaître des peintures.
Dans le milieu des bébés, on m’appelait Stéphane Bern.
Le premier petit frère
Deux ans après ma naissance, mon premier frère naît. Dire que je le kiffe serait un euphémisme.
Je m’en occupe comme si ma vie en dépendait, je prends soin de lui au point de parler à sa place pendant très longtemps ! Parce que je suis aussi empathique qu’il est flemmard et que j’aime bien rendre service.
On est restés à deux comme ça un petit moment. Quand j’ai eu 9 ans, frère numéro 3 est arrivé, puis frère numéro 4 deux ans après, et enfin petite sœur quand j’avais 17 ans.
Grande sœur forever
Être la plus grande, pour moi, c’est une évidence. C’est aussi simple que de respirer, aussi évident que jaune et bleu ça fait vert, aussi automatique que deux et deux font quatre.
Je suis l’aînée de mes frères et sœurs, de mes cousins et cousines. Maintenant j’écris même pour un magazine destiné à des go plus jeunes que moi car j’aime aider toutes les petites sœurs qui n’ont pas forcément d’aînée.
J’essaie d’être la grande sœur que j’aurais aimé avoir en fait !
Être l’aînée, c’est aussi évident que de respirer
Je ne me suis jamais vraiment posé de questions sur mon rôle puisque, tout simplement, j’ai toujours été la plus grande. Littéralement, vu que je suis physiquement grande, mais aussi dans ma vie de tous les jours.
C’est toujours difficile de prendre conscience d’un truc quand c’est son quotidien, un peu comme quand on ne se rend pas compte que quelqu’un grandit jusqu’à ce qu’on passe quelques semaines loin de lui. Il suffit d’un peu de recul !
Moi j’ai juste été la plus vieille, celle qui arrête vite d’être un bébé, celle qui est trop grande pour aller dans les manèges et à qui on parle comme à une adulte. Parce que je savais très bien discuter, porter les bébés, les consoler, parce que j’étais grande.
Quand est-ce qu’on se rend compte qu’on est l’aînée et que ça a un vrai impact dans la vie, autre que ne plus monter dans le siège du caddie ? Plus tard qu’on pourrait le penser.
Être l’aînée dans une famille nombreuse, ça fait un CV chargé
Pour mes frères et ma soeur, je suis leur mouchoir, leur journal intime, leur défouloir, leur stock de blagues Carambar.
Je suis leur psy, leur modèle, leur avocate devant les parents, leur bouc émissaire s’ils ont déconné, leur infirmière quand ils se cognent encore aux portes. Je suis leur nounou, leur conseillère d’orientation, leur prof d’anglais, leur coach émotionnel et amoureux.
Je suis leur grande gueule, leur bélier. J’enfonce les portes pour eux.
Être l’aînée, c’est plein de petites choses mises bout à bout qui font que, d’un coup, il est impossible de ne prendre des décisions que pour soi. On renonce toujours à un truc à un moment donné.
Mon rôle a évolué avec le temps mais je dirais qu’aujourd’hui, je suis un pôle. J’ai une relation particulière mes frères et sœurs et ils savent tous qu’en cas de problème, j’aurai toujours une épaule ou une oreille à leur tendre.
Je suis celle qu’ils appellent quand ça ne va pas, celle qui réconcilie les frères entre eux, qui fait la diplomate. Leur cellule de crise.
Je suis leur grande gueule, leur bélier. J’enfonce les portes pour eux. Un peu comme quand je parlais à la place de mon frère, je suis la première à ne pas être d’accord avec les parents, la première à avoir un amoureux, la première à tester à peu près tout.
Parfois, j’aurais bien laissé ça à un grand frère ou une grande sœur
, quelqu’un qui m’aurait défendue comme je défends ma fratrie.
Quelqu’un pour se battre à ma place quand il fallait user des poings, quelqu’un pour me défendre au collège ou pour me conseiller sur ma vie amoureuse parce que, quand on est ado, on n’a pas forcément envie de tout dire à sa mère.
C’est là que c’est compliqué, d’être l’aînée. On ne peut pas changer, on ne peut pas se créer un grand frère magique qui part en premier de la maison, on ne peut pas se séparer de cette vieille culpabilité dès qu’on fait quelque chose sans les autres.
Quitter la meute quand on est l’aînée
Quand on quitte la meute, on s’en veut un peu, on a peur que tout se casse la gueule.
C’est souvent à ce moment que la vie devient plus compliquée, parce que moi, à dix ans, j’avais déjà l’impression d’être une adulte. Quand j’ai commencé à vraiment le devenir et qu’il a fallu quitter la maison familiale, c’était là, la vraie coupure.
Non pas que j’aie loupé quoi que ce soit de mon enfance hein, n’en déplaise aux clichés sur les familles nombreuses façon Zone Interdite…
ILS ONT 12 ANS, N’ONT JAMAIS EU D’ENFANCE CAR ILS S’OCCUPENT DE LEUR FRATRIE, VOICI LEUR HISTOIRE.
J’ai joué aux Barbie hyper longtemps, j’ai dérangé ma chambre, je suis bordélique et tête en l’air, mais il n’empêche que j’ai toujours été la troisième adulte de la maison.
La « grande ».
Être la plus grande de sa famille, ça a un côté maman louve. Quand on quitte la meute, on s’en veut, on a peur que tout se casse la gueule, de louper des moments importants. On en manque certains, d’ailleurs. Et on se fait du souci.
Alors qu’en fait, les petits font leur vie, eux.
Toutes ces petites premières fois
Un déménagement, c’est pas la fin du monde, c’est pas la mort, on se parle toujours et la vie continue.
Mais je suis quand même la première à avoir quitté la vie quotidienne de la famille, la première à ne plus dormir tous les soirs chez les parents, la première à appeler un autre endroit « la maison ».
Je suis la première à avoir appelé un autre endroit que le domicile familial « chez moi ».
Le jour de mon déménagement a été un des trucs les plus difficiles et libérateurs que j’ai fait de ma vie, et pourtant je savais qu’en faisant ça j’allais ouvrir la porte et montrer aux plus petits qu’après, ça allait. Qu’on peut vivre sans être sur le palier à côté de celui des parents.
Devenir adulte quand on est l’aînée d’une fratrie
C’est difficile de devenir adulte quand on est partagée entre l’envie de ne jamais décevoir ses frères et sœurs, et celle de vraiment s’accomplir.
C’est difficile de faire le tri entre ce que je voudrais être pour les autres, ce qu’on attend de moi et ce que j’aspire à vraiment devenir. Sauf qu’accepter d’être adulte et de faire sa vie, c’est aussi montrer l’exemple.
Pouvoir dire que c’est ok d’être grande, partager ce que j’apprends de la vie avec mes petits frères et ma petite sœur. Leur montrer qu’on peut devenir nous-mêmes sans toujours être d’accord avec ses parents, sans perdre leur amour et leur fierté, sans se renier soi-même et sans arrêter d’aimer sa famille.
C’est aussi ça, être une bonne grande sœur. Pas parfaite, pas idéale, mais humaine. Avec assez d’énergie pour quatre frères et sœurs et deux parents hauts en couleurs.
Eh ouais, c’est moi l’aînée !
Je suis extrêmement fière d’être leur bélier, d’enfoncer les portes qui ressemblent à des murailles quand on est petit et qui, en vrai, ne sont que des portails de jardin. En plastique.
Je suis devenue la grande sœur que j’aurais aimé avoir et comme je suis débrouillarde, les repères qu’il me fallait, je les ai trouvés ailleurs : sur Internet, chez les meufs inspirantes de la vie, sur madmoiZelle, chez mes profs, mais aussi chez mes petits frères et sœur.
S’inspirer de ses petits frères et sœurs c’est aussi ça devenir adulte.
J’ai beau être l’aînée, je suis surtout une sœur et s’inspirer de sa fratrie pour grandir, c’est aussi ça devenir adulte.
Toujours puiser mon énergie dans ma fratrie, savoir que ce que je fais c’est aussi pour eux, c’est ça qui fait avancer. Accepter qu’on est pas parent, qu’être un modèle c’est aussi avoir sa vie et se battre pour soi-même, c’est aussi ça être l’aînée.
On m’a souvent demandé si je n’aurais pas préféré n’avoir que des sœurs, si je n’aurais pas voulu être enfant unique… Ces questions-là, je les ai jamais comprises parce que j’aime mes frères et sœurs comme s’ils étaient des extensions de moi, des bébés loups que je veux voir quitter la meute aussi épanouis que moi.
C’est normal et sain de faire sa vie sans toujours inclure les plus petits.
Mes parents nous ont autant communiqué leur intensité que leur amour et jamais de la vie je ne voudrais être autre chose que la grande sœur de ces quatre personnes si cool et inspirantes.
Je me sens riche d’avoir ces personnalités aussi différentes les unes que les autres qui m’aiment et qui me soutiennent comme je les soutiens depuis toujours.
Être l’aînée, ce n’est pas être mère-bis
Sa place dans la famille, on ne la choisit peut-être pas mais on peut choisir la façon dont on veut la vivre. C’est pas quelque chose qui doit nous empêcher d’avancer, nous empêcher d’être nous-même et d’être fidèle à ce qu’on croit et à ce qu’on est.
J’aurai toujours cette curiosité et cette excitation en moi devant un bébé, à me demander comment il/elle va grandir, comment il/elle rira, ce qui le/la vexera, ce qui fera qu’il/elle sera triste. Mais c’est pas pour autant que je veux mille enfants autour de moi plus tard. Ça n’a aucun rapport.
Être l’aînée, c’est pas être un des parents, en tout cas c’est pas censé l’être. C’est normal et sain de faire sa vie sans toujours inclure les plus petits.
C’est pas parce que vous êtes l’aîné•e qu’il faut que vous ayez une sorte d’instinct maternel. Ce n’est pas parce que vous avez une famille nombreuse que vos besoins doivent passer après ceux des autres.
Être l’aînée et avoir une famille nombreuse, pour moi, c’est pas mieux ou moins bien qu’autre chose : c’est juste ce que je suis.
À lire aussi : Ne pas être la plus douée de la famille — Histoire de fratrie
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Les Commentaires
En tant que grande sœur, j'ai un amour inconditionnel, une grande complicité et une très grande fierté pour mon frère. Mais. Je ne suis pas maman bis. Je ne m'approprie pas ses succès. Je ne fais pas tout avant lui, à sa place. Il est libre de faire absolument ce qu'il veut - je lui donne mon avis, mais certainement pas ma permission, ni même le mode d'emploi.
Est-ce qu'on en parle des cadets qui doivent subir la pression de toujours faire aussi bien que l'aîné, ou au contraire de ne pas refaire les mêmes erreurs ? Qui n'a jamais l'occasion de faire quelque chose de nouveau, qui lui appartienne à lui, sans être comparé au modèle ? En me mettant à la place de mon frère, j'ai souvent ressenti ma présence comme étouffante et quasi systématiquement, alors qu'on se ressemble beaucoup, je l'ai vu choisir des voies différentes des miennes, comme un besoin subtil de se démarquer. Exemple : j'ai un bon coup de crayon. Le dessin a été ma passion dès très jeune et j'ai beaucoup été encensée là dessus quand j'étais gamine. Mon frère ? J'ai découvert à peine il y a quelques années qu'il était en fait, lui aussi excellent... Mais il ne l'a jamais montré, ne l'a pas développé, et a dirigé sa pratique artistique vers la musique, un domaine que je n'ai pas touché. Même chose avec la photo. Alors j'ai moi aussi de la reconnaissance pour lui - ça ne va pas que dans un sens.