J’ai besoin de coucher mes mots sur le papier car, pour l’instant, j’ai encore du mal à décrire ce que je ressens.
Et peut-être que ceci pourra faire du bien à quelqu’un d’autre.
Mes troubles anxieux avant le confinement dû au coronavirus
Mon agoraphobie est apparue suite à un traumatisme lié à un souci de santé pour lequel j’ai été hospitalisée et opérée il y a quelques années.
On m’a trouvée tardivement une malformation de naissance au rein pour laquelle j’ai dû subir une opération reconstructrice et qui impliquait un temps assez conséquent d’alitement avant l’opération, et beaucoup de temps dans des hôpitaux et le milieu médical.
Cet événement a réveillé en moi des craintes par rapport à ma fragilité, et depuis, j’ai régulièrement peur que quelque chose de grave m’arrive lorsque je ne suis pas chez moi et que je ne puisse pas m’échapper à temps.
Je suis en psychanalyse depuis plusieurs années et au cours de ce travail on m’a diagnostiquée un trouble anxieux, avec une sorte de prédisposition aux anxiétés sociales, dont l’agoraphobie.
Selon le site Internet anxiete.fr, l’agoraphobie est :
« La peur des lieux d’où il serait difficile ou gênant de s’échapper ou d’être secouru.
C’est une phobie fondée sur la peur de ne pouvoir trouver aide et sécurité dans l’endroit s’il arrivait quelque chose et non sur le lieu en tant que tel. »
Le situations redoutées par une personne agoraphobe peuvent prendre place dans plusieurs lieux comme :
- de grands espaces : grands magasins, centres commerciaux, grandes places, voies dégagées ;
- des espaces clos : voitures, cinémas, ascenseurs, tunnels, avions ;
- des lieux publics : restaurants, foules, files d’attente, transports en commun, réunions ;
- des lieux en hauteurs : escaliers roulants, ponts, étages ;
- le fait d’être seul, de quitter son domicile ou ses proches.
Selon anxiete.fr, de nouveau, les troubles anxieux sont :
« Des pathologies fréquentes qui regroupent plusieurs entités cliniques aujourd’hui bien caractérisées avec comme dénominateur commun l’anxiété.
De nombreux patients présentent des symptômes anxieux mais ne relèvent pas pour autant d’un diagnostic avéré de trouble anxieux qui nécessite la présence de symptômes bien précis. »
Par exemple, je peux avoir peur de faire un malaise dans la rue, d’avoir la nausée, ou peur d’une montée d’angoisse… Le tout va avoir un effet boule de neige, au point qu’il m’arrive de vraiment avoir des difficultés à sortir de chez moi.
Avant le confinement je souffrais de mes troubles anxieux au quotidien, mais j’arrivais à gérer à peu près cela dans la mesure où je faisais toujours peser dans la balance le plaisir que je pouvais éprouver aussi via mes sorties : voir mes amis, flâner dans les cafés et les rues de Paris…
Il m’arrivait d’annuler des sorties et d’avoir de grosses montées d’anxiété mais j’arrivais toujours à peu près à mettre en perspective l’agréable.
Et surtout, SURTOUT, j’arrivais à rationaliser la situation en me disant qu’elle était inventée de toutes pièces par mes scénarios catastrophes, et que le monde extérieur n’était pas une agression.
Pourquoi j’ai très mal vécu mon confinement, mais qu’il me sécurisait
J’ai été confinée seule, dans mon studio parisien et en télétravail.
Je l’ai très mal vécu, d’une part car j’ai eu le virus et je me sentais loin de mes amis, de ma famille… L’incertitude collective, ainsi que la peur et la tristesse ont été très pesantes pour moi.
Par ailleurs, ayant des prédispositions à l’anxiété, je lutte souvent pour ne pas m’isoler, car c’est un peu la porte ouverte aux pensées « catastrophe ».
Avec le confinement j’ai pu renforcer ces pensées ou ce cycle vicieux, et le fait d’être seule m’a donné beaucoup plus de mal à me raisonner.
Au début du confinement, je ne réalisais pas ce qu’il se passait. Quand j’ai attrapé ce satané virus, j’étais trop malade pour vraiment comprendre ce qui se passait autour de moi.
Puis suite à ma guérison, j’ai commencé à voir les étalages vides dans les supermarchés, le gel, les masques… toutes ces choses qui depuis deux mois font partie de notre nouveau quotidien.
Penser à respecter les gestes barrières, réaliser que le contact avec autrui tel qu’on le connaît allait être délaissé pendant un temps pour le bien collectif, voir les chiffres aux infos…
Toutes ces choses ont participé progressivement à ce que mon cerveau enregistre que le monde dehors actuel n’était pas très accueillant ou « safe ».
Même si je n’ai pas aimé le confinement, au moins, je me sentais « à l’abri » de ce quotidien que deux mois plus tard, je n’accepte toujours pas.
Mes angoisses liées au déconfinement
Il est encore bien trop tôt pour faire un bilan de ce déconfinement, mais ce qui est certain, c’est que je n’aurais imaginé la terreur que je viens de ressentir ces derniers jours en sortant de chez moi
.
Pourtant, je n’ai pas encore vraiment vu mes proches. Je ne suis pas sortie de mon quartier. Je suis simplement allée légèrement plus loin que ce dont j’ai eu l’habitude ces deux derniers mois.
Je me sens fragile, vulnérable, effrayée. Je suis aussi en colère, car j’ai l’impression que nos politiques nous demandent de repartir relancer l’économie et faire comme si de rien n’était, alors que nos vies ont été absolument chamboulées.
J’imagine que l’impact se constatera avec un peu de recul, mais il y a une forme de solitude psychologique dans le fait d’être « relâchée dehors ».
Aujourd’hui, par exemple, je suis allée chercher un colis dans un relai où je me rends souvent d’habitude, mais je n’y avais (évidemment) pas été depuis le confinement.
Au lieu d’être contente de pouvoir à nouveau faire ce trajet, je n’arrivais pas à respirer avec le masque et surtout je me sentais loin de mon cocon.
J’ai perdu l’habitude de voir les bouchons, les foules, entendre beaucoup de bruit sur les boulevards. J’ai eu l’impression que j’allais faire un malaise et surtout je me disais :
« Qui va venir m’aider si toutefois cela m’arrive ? »
Puisqu’on est dans une crainte de l’autre et de sa capacité à porter le virus ou non.
L’incertitude et l’insécurité pendant le déconfinement
Je ne pense pas que ce qui m’effraie soit le virus, même si j’ai énormément de compassion pour les personnes qui ont cette peur aussi.
C’est surtout de me sentir envahie par ce virus partout où je vais, au point de ne plus vivre de la même façon et de ne pas savoir quand les choses vont revenir à la normale.
D’être dans une situation qui n’affecte pas que moi, mais bien le monde entier, dans une sorte d’urgence et d’immédiateté qui donne le tournis.
De ne pas savoir quand le quotidien réel va revenir et s’il va vraiment revenir comme tel.
Même des choses toutes bêtes comme faire la bise à quelqu’un que je n’ai pas vu depuis longtemps est devenu maintenant un geste dangereux.
Puis la sensation d’impuissance, je ne suis pas médecin, je ne peux pas sauver les malades…
Finalement, j’ai réussi ma « mission » colis du jour, mais j’ai eu si honte en arrivant chez moi car jamais je n’aurais pensé être dans un état pareil pour une sortie aussi triviale.
Depuis deux mois, c’est très difficile de saisir et d’apprécier des moments de légèreté, surtout en sachant que l’on continue d’avancer en étant plein d’incertitudes face à l’avenir.
Nos univers se sont rétrécis depuis le confinement, c’est un fait. Mais alors comment se retrouver au milieu de tout ça ? Comment respecter les règles, tout en essayant d’intégrer que le monde extérieur n’est pas une menace permanente ?
Prendre le temps et prendre soin de moi pendant le déconfinement
Pendant les jours qui arrivent, je vais continuer à télétravailler de chez moi, tout en appréhendant cette nouvelle réalité, même si c’est très dur pour l’instant.
J’essaie de me forcer à sortir tous les jours, même si je finis en larmes ou en crise d’angoisse, voire découragée. Disons que je rentre en mode self-care un peu intensif.
Je sais que pour l’instant je dois prendre le temps de prendre soin de moi, de travailler avec un professionnel de santé et de voir mes proches dans des circonstances qui me rassurent en attendant de me sortir plus forte.
Je crois que j’ai voulu vous faire part de mon témoignage car je me compare beaucoup sur les réseaux sociaux aux gens qui ont l’air de vivre cette transition avec plus de fluidité (bien que ce ne soit pas facile dans tous les cas).
Je voulais me déculpabiliser et potentiellement déculpabiliser quelqu’un d’autre qui serait dans mon cas.
Je pense qu’il est important de s’écouter, et même s’il faut relancer l’économie et se relancer dans le monde, peut-être que certains et certaines comme moi vont avoir besoin de plus de temps et de travail pour surmonter d’autres aspects plus sournois de cette pandémie.
Et ce n’est pas grave.
J’essaie de me convaincre que nous vivons une période inédite, et que de fait, elle a et aura son impact psychologique. Qu’au lieu d’avoir honte et de me comparer non-stop, je peux partager ceci avec vous.
À lire aussi : Un an sans crises d’angoisses : voilà comment j’y suis arrivée !
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Les Commentaires
Ma sœur a eu en partie ce sentiment que tu décris.C'est un cercle vicieux hélas.
Elle elle s'est servit (malgré elle) du confinement pour fuir les conflits, au point qu'en retournant travailler elle ne voulait plus affronter aucun conflit, ne serai-ce qu'un désaccord classique et calme.
J'ai développé une sorte d'agoraphobie mais pas exactement comme toi, j'ai développé une peur des voisins qui m'ont mis la misère pendant des années, au point que le weekend j'allais à ma boite tellement j'aimais pas être chez moi (de peur que la sonnette sonne) et j'allais déménagé enfin, après 7 ans, mais le confinement est arrivée.
Et alors ça a été horrible. Mes troubles alimentaires sont revenus, je sentais mes voisins h24 chez eux, comme si ils étaient à coté de moi tout le temps etc etc.
Donc à la fois je voulais pas sortir, ou je voulais partir TREEEES loin d'eux. Je veux pas aller à la boite au lettre, pas aller dans les couloirs...
J'ai eu comme toi beaucoup de mal avec ces gens qui profitaient parfaitement du confinement, moi j'arrivais pas, pourtant je suis pas hyper active, mais je me sens si mal dans cet appart, je n'avais rien envie de faire, rien envie de construire, moi qui d'habitude créait.
Bref.
Les peurs c'est très dur, et ce que je vais te dire est très banal mais, le meilleur moyen d'y survivre c'est de vouloir y survivre. Même si tu n'y arrives pas, c'est de la confronté tous les jours.
Je te dis pas "FAUT que tu affrontes, soit forte, ne dis rien !".
Non tu as raison de t'écouter, mais par contre, je te conseille de t'écouter toi et pas tes peurs, car c'est ton verroux mental, et le temps risque pas de changer ça mais de l'empirer si tu ne travailles pas dessus. Même si tu ne fais que le titiller, en micro dose, ça peut t'aider.
Courage :/ c'est dur, mais tu peux t'en sortir, en tout cas tu as pris soin de toi et ça c'est déjà un grand pas !