Depuis 2005, les faits divers provoquant le plus d’animosité ont souvent conduit à la mise en place de nouvelles lois. C’est ce que l’on appelle la mise en place dans l’agenda politique. Un meurtre sanglant, un viol froid et sans apparent regret du délinquant, jeune et récidiviste : ce genre d’actualité est à chaque fois l’occasion potentielle de remettre sur le tapis le débat autour des sanctions. Cette fois, c’est l’affaire du viol et de l’assassinat de Agnès au Chambon-sur-Lignon qui a mis en lumière les éternels « dysfonctionnements de la justice ». Que se passe-t-il exactement ?
En ce moment
Hier sur France 3, Jean-François Copé a annoncé que dans le cadre de son projet pour 2012, l’UMP proposerait « l’élaboration d’un code pénal spécifique pour les mineurs » afin, explique le document, d’affronter les « nouveaux phénomènes de délinquance » et de « lutter contre le sentiment d’impunité ». Le sujet étant délicat, le secrétaire général du parti majoritaire a précisé qu’il ne s’agissait pour le moment que d’une « piste ».
Pourquoi ?
Il y a 10 jours, en Haute-Laure, une jeune fille (qui aurait eu 14 ans aujourd’hui) a été violée puis tuée par un lycéen de 17 ans, scolarisé dans le même internat. Des images du lieu du crime (une forêt avoisinante), de nombreuses chansons en hommage à la victime postées sur YouTube par des jeunes du même établissement, une réaction poignante des grands-parents sur BFM TV, à mi-chemin entre fureur stimulante et profonde tristesse plus tard : la France entière s’émeut de cette affaire et se prend d’intérêt et de sympathie pour la famille Marin, endeuillée. Le crime aurait-il pu être évité ? Le délinquant était effectivement déjà connu des services sociaux (pour une autre affaire de viol) et comme la première fois, l’agression avait été pensée à l’avance. Récidive et préméditation lui incombent donc, et avec elles, le reproche fait à la justice française de présenter un système défaillant et incapable d’éviter le pire. En marge de ces accusations, la question de savoir si l’internat était au courant du passé judiciaire du jeune homme s’est posée à maintes reprises.
Réaction de la classe politique
– La semaine dernière, le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, avait lui aussi plaidé pour un code pénal des mineurs, « un travail pour après les élections » de 2012. L’UMP souhaite « rendre possible les travaux de réparation des actes commis dès 12 ans, avec l’autorisation des parents ». Ses propositions ne vont pas jusqu’à proposer formellement d’abaisser de 13 à 12 ans l’âge de la responsabilité pénale et donc de l’incarcération, ni soutenir l’abaissement à 16 ans de la majorité pénale voulu par le député-maire de Nice, Christian Estrosi.
– François Fillon
avait profité d’une réunion interministérielle à Matignon pour proposer que « tout mineur auteur d’un crime sexuel grave » soit placé en centre éducatif fermé.
– Six jours après le drame, le gouvernement avait annoncé « sa volonté de légiférer en quatrième vitesse, avec un projet de loi dès mercredi sur « l’évaluation de la dangerosité » des délinquants, tandis que l’équipe Hollande, chargée des questions de justice a tenu en fin de journée une conférence de presse sur l’affaire » (selon Libération).
– Il y a quelques jours encore, les retombées médiatiques de l’affaire Agnès étaient encore fréquentes dans Google Actualités :
Autres promesses
Des établissements mieux informés. La direction du collège-lycée Cévenol (où étaient scolarisés la victime et le suspect) affirme qu’elle était au courant des ennuis judiciaires de l’adolescent, sans toutefois en connaître la nature. Lundi dernier, François Fillon a demandé à Michel Mercier (Justice) et Luc Chatel (Education Nationale) que les inscriptions scolaires pour les élèves sous contrôle judiciaire « dans des cas aussi graves » que celui du meurtrier présumé d’Agnès ne soient plus possibles sans avoir fourni une information « complète », notamment au chef d’établissement et au psychiatre chargé du suivi. Ceci « dans le respect des règles sur le secret des enquêtes », précise le communiqué de Matignon.
Le placement en centre éducatif fermé. « Toute personne qui a commis un crime sexuel particulièrement grave doit être placée en centre éducatif fermé (CEF) lorsqu’il est mineur », a expliqué le ministre de la Justice, Michel Mercier, à la sortie de la réunion. En fait, cette décision concernera les mineurs en attente de jugement (ce qui était le cas du meurtrier présumé d’Agnès) dans ce genre de dossier. « Pour les crimes les plus graves, le garde des Sceaux demandera aux parquets de requérir le placement en centre éducatif fermé jusqu’au jugement », a précisé Matignon un peu, plus tard dans un communiqué.
L’évaluation de la dangerosité. Pour Michel Mercier, « il faut aller vers une évaluation pluridisciplinaire de la dangerosité ». « Il y a des rapports qui ont été faits par des psychiatres de grande qualité mais il faut probablement aller plus loin que le rapport d’un seul (psychiatre) sur lequel se fonde le juge dans sa décision », a expliqué le Garde des Sceaux. Une déclaration qui se rapproche d’un autre souhait de Matignon, qui « a demandé à Michel Mercier et à Nora Berra (secrétaire d’Etat chargée de la Santé) d’évaluer précisément les moyens de prise en charge psychiatrique des criminels violents, tant pour évaluer leur dangerosité que pour leur délivrer les soins que l’autorité judiciaire leur impose de suivre ».
— Source : Le Parisien
Rachida Dati regrette que son projet de code pénal des mineurs soit resté sans suite
Entre temps, Rachida Dati a déploré que le projet de code pénal des mineurs qu’elle avait élaboré en tant que garde des sceaux, ait été « laissé sans suite » depuis 2009 :
« Le sujet de la criminalité et de la délinquance des mineurs reste indiscutablement au coeur des préoccupations des Français et le drame qui survient démontre à nouveau la nécessité évidente d’adapter notre droit, entièrement conçu en 1945, à la violence des mineurs du XXIe siècle », a fait remarquer l’eurodéputée UMP.
Les autres faits divers qui avaient donné lieu à des lois
« Depuis l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, en 2007, les textes s’empilent à chaque fait divers. Les syndicats de magistrats n’ont de cesse de dénoncer l’accumulation de textes, alors que le manque de moyens mis à la disposition de la justice est criant », commente le Nouvel Obs.
– En 2005, alors ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy intervient sur la remise en liberté conditionnelle du meurtrier présumé de Nelly Cremel, enlevée et tuée le 2 juin 2005 à Reuil-en-Brie (Seine-et-Marne). [Voir vidéo Ina]
– Peu de temps avant d’être élu, Nicolas Sarkozy promet de « régler le problème des multirécidivistes dans l’été 2007 en faisant voter une loi qui punira les multirécidivistes à la hauteur de ce qu’ils méritent ». [Voir vidéo YouTube]
– « Notre devoir, c’est de protéger la société de ces monstres » déclarait aussi Nicolas Sarkozy en février 2011 à la suite du meurtre de la jeune Laëtitia Perrais à Pornic. [Voir vidéo YouTube]
— Sources : Le Parisien, Le Nouvel Observateur, Libération.
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos podcasts. Toutes nos séries, à écouter d’urgence ici.
Les Commentaires
J'avais bien lu. Mais tu utilises le mot folie qui n'est pas juste. Avoir planifier la mort de quelqu'un, ça peut vouloir dire qu'on est psychopathe. Pas fou. Merci pour les autres "fous", ceux qui ne sont pas dangereux, mais dont tout le monde à peur parce que tout le monde pense que folie = dangerosité.