Publié initialement le 19 juillet 2016
Il y a peu, chez madmoiZelle, on est tombé•es sur le site afterbaiz.com. Et autant vous le dire tout de suite : ce qu’on y a découvert ne nous a pas réjoui du tout.
Un blog pour « réinformer » sur la sexualité
Le site se présente comme un blog qui s’adresse aux jeunes pour leur parler d’amour et de sexualité. On y trouve différentes rubriques consacrées aux sentiments, au plaisir, à la violence ou encore à la santé.
Sur un ton qui se veut décomplexé, avec des articles plus ou moins légers, les auteur•es « informent » – ou plutôt « réinforment », selon le terme qu’ils/elles utilisent – en explorant des thèmes tels que les règles, la contraception ou encore les sex friends.
Un article apparemment inoffensif.
Le premier problème qui peut mettre la puce à l’oreille du/de la lecteur•trice, c’est que ces articles sont vite culpabilisants.
Vous n’êtes pas heureux•ses ? Selon le magazine, c’est parce que vous privilégiez plans cul et sex friends aux relations longues et stables. D’ailleurs, vous ne rencontrerez pas l’amour sur les sites de rencontre. Quand au porno, il rend accro et va par la même occasion gâcher votre vie. C’est bizarre, je sens comme un relent réac…
À lire aussi : Je veux comprendre… le slut-shaming
Sous couvert d’éducation sexuelle, les idées rétrogrades transparaissent
Le véritable objet du site est de nous décourager d’avorter, à grand renfort d’arguments à sens unique.
Mais là où le bât blesse vraiment, c’est lorsqu’on jette un coup d’œil aux rubriques consacrées à la grossesse et à l’IVG. Rapport que le vrai but d’AfterBaiz, c’est de décourager les personnes envisageant un avortement.
Un article NETTEMENT moins inoffensif.
Le site fourmille de « témoignages » concernant la grossesse et l’avortement, mais je vous le donne dans le mille : ils vont tous dans le même sens.
Que ce soit pour promouvoir la maternité au sens large, à travers des clips tels que la pub Coca Cola Life, ou expliquer à quel point avorter est une mauvaise idée – la « preuve » : Patricia Kaas a regretté son avortement car elle n’a jamais pu avoir d’enfants par la suite – le message est toujours le même : vous portez la vie, et c’est si précieux qu’il ne faudrait tout de même pas penser à avorter.
Le meilleur exemple est la vidéo qu’on trouve dans leur rubrique « Avorter ou le garder », qui vise à donner des conseils aux jeunes filles qui découvriraient leur grossesse. Elle diffuse des propos qui portent souvent sur un élément précis :
« [L’importance de] faire un choix qui soit raisonnable et pour ton bien et pour le bien de la vie que tu portes… parce qu’il ne faut pas oublier qu’être enceinte, c’est attendre un bébé. »
Le ton est donné.
À l’origine d’AfterBaiz : Émile Duport, activiste anti-IVG
Émile Duport, à l’origine d’AfterBaiz, n’en est pas à son coup d’essai en matière de lutte contre l’IVG.
Pour en avoir le cœur net, je suis remontée jusqu’à l’initiateur du site Internet. Je n’ai eu qu’une demi-surprise en découvrant qu’il s’agissait d’Émile Duport. Ce communicant d’une trentaine d’année qui, selon La Croix, fait partie des « dix jeunes qui font bouger l’Église », n’en est pas à son coup d’essai en matière de lutte contre l’IVG.
La Life Parade, le mouvement anti-IVG créé en 2005, c’était déjà lui. On le retrouve aussi en tant que porte-parole du mouvement Les Survivants, ce groupe qui a refait surface début juin avec le slogan « Un sur cinq », estimant qu’un cinquième de la population française manque — sur la base du nombre d’avortements pratiqués chaque année dans le pays.
Et comme si ça ne suffisait pas, Émile Duport était aussi le directeur artistique de la Manif Pour Tous.
After Baiz, un message anti-IVG planqué sous une bonne stratégie de com
La méthode qu’il utilise n’est pas nouvelle : c’est déjà celle que madmoiZelle avait dénoncée au sujet d’IVG.net, un site faussement informatif mais très très anti-IVG.
Leur stratégie consiste, encore une fois, à ne pas frontalement s’opposer à l’avortement mais à tenir un discours qui donne l’impression qu’on vous laisse le choix… tout en vous guidant insidieusement vers une seule solution : mener la grossesse à terme.
En ne présentant que les côtés positifs de la maternité, en ne parlant que des aspects négatifs de l’avortement, le site vise à modeler l’opinion de ses potentiel•les lecteur•trices.
https://instagram.com/p/BHPjIBtBUPX/?taken-by=afterbaiz
Ce nouveau site anti-IVG s’adresse tout particulièrement aux jeunes et emprunte leurs codes, avec une doctrine anti-choix en prime.
La nouveauté ici, c’est la forme. Alors que les précédents sites tels qu’IVG.net avaient pris une apparence institutionnelle, celui-ci s’adresse tout particulièrement aux jeunes et emprunte leurs codes. Couleurs vives, ton décomplexé, réseaux sociaux : tout y est… avec l’idéologie nauséabonde anti-choix en prime.
Vers qui se tourner ?
C’est d’autant plus inquiétant que le public du site est effectivement jeune, donc potentiellement plus vulnérable et influençable.
Rappels de base donc : multipliez les sources d’informations ou, à défaut, renseignez-vous auprès d’un planning familial.
Comme les témoignages des lectrices de madmoiZelle l’ont montré, les conseiller•es de ces structures vous fourniront une information complète qui n’est pas biaisée, ni dans un sens ni dans l’autre. De même, le site du gouvernement fournit des renseignements fiables sur la question.
Et pour parler CORRECTEMENT de santé sexuelle et reproductive, direction l’interview de deux super sage-femmes, le guide du vagin et celui de la contraception ! Ajoutez à tout ça un abonnement aux chaînes YouTube de Martin Winckler et de Laci Green, ça sera un (très) bon début.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
17 mai 1990, d'où le 17 mai d'ailleurs.