Je sais, j’ai mis 502 ans à écrire ce troisième épisode.
Pour ma défense, j’avais oublié. Ça n’est pas une excuse ? Certes.
Pour me faire pardonner, j’ai mis une photo tout à fait ridicule de moi‑même en couverture de cet article.
Tu vois comme mon âme est charitable.
Il y a quelques semaines, je te laissais sur ma rencontre émouvante avec un guépard peu farouche.
- Ma vie d’apprentie ranger, épisode 1
- Ma vie de ranger épisode 2 : Comment je me suis installée dans un refuge d’animaux sauvages en Afrique du Sud
Voilà la suite de mon voyage. Le plus beau de ma vie.
De jolies rencontres dans le refuge pour animaux sauvages
Le premier vrai jour de travail, j’ai compris que tout serait difficile. En témoigne mon état de fatigue sur la photo ci‑dessus.
Mais rien ne pouvait altérer ma motivation. Très vite, je me prenais d’amitié pour Tom, un Français plus jeune que moi de deux ans.
Sa bouille ronde était envahie par des cheveux blonds très fins, qui encadraient un regard doux. Tom mettait un point d’honneur à tout prendre par-dessus la jambe, surtout lorsqu’il s’agissait de travail.
De l’affection pour les bêtes et les paysages, il en avait à revendre. Mais l’utilisation de râteaux, de brosses et autres ustensiles manuels ne l’intéressait pas !
Avec tendresse, je repassais derrière lui. Il est très vite devenu un ami, et a signé pour un road trip de plusieurs semaines avec moi en Inde l’année suivante.
Quelques jours après mon arrivée, j’ai fait la connaissance de Maggie, une superbe Anglaise aux longs cheveux vénitiens.
De prime abord, je l’ai détestée. Trop belle, trop drôle, trop proche de Tom. J’étais jalouse.
Une jalousie qui s’est évaporée en 3 minutes quand elle m’a souri de ses 200 dents blanches pour la première fois !
Maggie est le genre de filles qu’on ne peut qu’aimer. Elle a le soleil dans les cheveux. Nous sommes devenues amies quasi-instantanément.
Née à Londres, elle vivait désormais en Afrique du Sud, avec ses parents, et rêvait de passer un peu de temps auprès des bêtes. Comme nous tou·tes.
L’amour, interdit dans la réserve africaine
S’est jointe à notre groupe Sarah, une jeune Canadienne qui n’a pas tardé à s’amouracher de Tom. Et puis il y avait Eve, une grande Sud-Africaine qui sortait en cachette avec un ranger !
Leur relation était vouée à l’échec.
Car les rapports sexuels et amoureux étaient formellement interdits aux rangers. Ils étaient là pour travailler, un point c’est tout. Aucune exception ne serait tolérée.
Terriblement injuste.
Ça nous fendait le cœur. Mais bien sûr, il est impossible d’interdir l’amour. Alors à tous les coins de parcs, on pouvait croiser les regards passionnés…
Leurs joues rosissaient, le danger augmentait leur excitation. Les mains se frôlaient, au détour d’une sortie dans le bush ou d’une mission de sauvetage.
J’observais avec envie. Toutes ces histoires secrètes étaient très romantiques, encore plus dans la chaleur sèche et érotique de la savane !
L’autre pendant du romantisme était, forcément, la tristesse. Celle des filles qui partaient du centre en pleurant, celle des hommes qui restaient.
Au milieu, je me sentais l’âme d’une romancière, à capturer leurs amours dans un journal de bord, le soir à côté de ma cahute.
Mais peu importait ces séparations finalement, car l’amour de ces travailleurs acharnés était surtout dédié à leurs animaux. Jamais je n’avais vu autant de dévouement, ni d’amour dans les yeux d’un homme, pour une bête sauvage.
De l’homme pour la bête, et inversement
George, l’un des rangers, était « le maître » d’une guépard femelle. Ils ne se quittaient JAMAIS. Ensemble du matin au soir, ils vivaient l’un pour l’autre.
Tom et moi, sans cesse collés tous les deux, regardions ces scènes avec étonnement.
Que se passerait‑il le jour où la belle tachetée mourrait ? Peut-on mourir d’amour pour un animal ?
Je vivais quelque chose de fou, au bout du monde. Les interrogations agitaient mon corps, et m’obligeaient à une réflexion constante.
J’adorais ça. J’avais envie d’écrire mille livres sur tous ces personnages romanesques, plus humains que tous les hommes de mon entourage. Il était donc là-bas, l’amour pur…
Et il était en constante évolution.
Lorsqu’un nouvel animal arrivait dans la réserve, chaque ranger trouvait en lui un peu d’affection à lui donner
. Même le plus petit des pensionnaires avait droit à de douces pensées, tous les matins, et tous les soirs.
Je prenais une leçon. Mon coeur se gonflait. Parce qu’un jour, il faudrait partir.
Mon pire ennemi
Avec ma petite troupe, nous avions vite pris nos habitudes !
Le matin, nous travaillions en silence dans le froid glacé de la savane endormie.
Ensevelis sous des montagnes de pulls et de k-ways, nous attendions que le soleil réchauffe les arbres bas, et se réverbère dans les bassins des wild dogs. La chaleur grimpait vite.
Les premières matinées étaient rudes. Le travail nous accablait.
Les après-midis étaient plus paresseux, et nous profitions des heures de pause pour dormir à l’ombre des constructions en dur, parfois sur le dos de Dany, le bébé rhinocéros.
Le soir, nous nous promenions avec Einstein, le vieil oiseau hautain, qui daignait à peine marcher à côté de nous.
J’aimais les animaux dont la garde m’avait été attribuée.
Le bush baby Muffin grimpait sur mon bras sitôt que j’entrais dans son enclos, et les vautours toléraient ma présence.
La mangouste était affectueuse, et venait nicher sa tête dans le creux de mon cou dès que je la portais.
J’étais bien.Mais la vie est ainsi faite qu’il y a TOUJOURS un emmerdeur qui traine dans le coin.
Ledit emmerdeur du Moholoholo n’était pas un patron relou ou une meuf geignarde, c’était Stuffler, un affreux ratel aux griffes acérées et au regard méchant.
Si tu ne connais pas cet animal, laisse-moi t’en faire le bref portrait.
Le ratel est une espèce de gros blaireau (dans tous les sens du terme) qui sent mauvais, est agressif, et TRÈS intelligent.
Je m’occupais déjà d’un bébé ratel, qui pour le coup était adorable et portait le nom d’Athena.
C’est elle que je tiens sur la photo qui illustre l’article. Ne te fie pas à mon regard plein de dédain, je l’aimais beaucoup ! Mon air de dégout est simplement provoqué par son odeur… perfectible.
Athena était un animal joueur et heureux, qui a malheureusement décapité un faucon que j’aimais beaucoup. Les aléas de la vie en centre.
Mais Stuffler était une saloperie de la pire espèce, même si j’ai finalement une petite tendresse pour lui.
Il m’a fait GALÉRER plus que n’importe qui. Le mec n’avait qu’une volonté : emmerder ses soigneurs.
Toujours vénère, il mettait des coups de tête à quiconque l’approchait, bousillait le matériel et surtout échafaudait des plans d’évasion dignes des Rapetous.
Il nous a beaucoup fait rire. Mate‑moi l’intelligence de cette bête !
Huhu, il est si doué.
Alors ça a l’air drôle, mais en pratique, ça l’est beaucoup moins. J’ai passé un temps infini à lui courir après.
Et je te laisse imaginer son état quand tu le captures. Il est VÉNÈRE. On dirait Thor.
Absolument pas conscient du fait qu’il est là pour être soigné, il mène la vie dure à l’ensemble de l’équipe.
Mais bon, je l’aime un peu quand même !
Voilà mon esturgeon, c’est tout pour aujourd’hui. Mais promis, je serai plus régulière sur l’écriture des suites.
La prochaine fois, tu trouveras un très gros serpent, la recherche d’un hippopotame, le sauvetage d’un vautour, et un écureuil devenu mon meilleur ami…
En attendant, si tu veux toi aussi tenter l’expérience, tu peux te rendre sur ce site, où tout est expliqué !
À lire aussi : Ma vie à aider des animaux sauvages en Afrique du Sud
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos podcasts. Toutes nos séries, à écouter d’urgence ici.
Les Commentaires