On l’imagine muselée, confinée sous une burqa anonyme, victime de la barbarie des Talibans. La femme afghane cristallise bien des clichés dans notre imaginaire occidental. Une vision réductrice que détricote finement la reporter Solène Chalvon-Fioriti dans un documentaire bouleversant, diffusé dimanche 12 mars à 20h55 sur France 5.
Trois questions à Solène Chalvon-Fioriti, réalisatrice du documentaire « Afghanes »
Madmoizelle. Pourquoi donner la parole à quatre générations de femmes ?
Solène Chalvon-Fioriti. La parole des femmes afghanes leur a longtemps été confisquée. Je voulais les laisser parler pour elles-mêmes. C’était primordial qu’il n’y ait aucun homme, aussi bien à l’écran qu’au sein de l’équipe ou dans la pièce où l’on tournait. Le cas de l’Afghanistan est inouï : comme les femmes font des enfants très jeunes, 4 générations consécutives ont connu la guerre. Les plus âgées ont aussi bien vu la jupe que la burqa obligatoire ou la privation d’éducation, le capitalisme que le communisme. On a l’impression que rien ne change, et pourtant elles ont traversé des séquences de vies très différentes. Avec les Talibans, elles craignent un retour en arrière terrifiant. Pour les plus jeunes, c’est une autre forme de peur qui se dessine. Elle ressemble davantage à de la sidération : elles n’ont pas connu cette figure fantôme et ne pouvaient pas imaginer les horreurs actuelles.
Vous dites dans le documentaire que « L’ennemi de la femme afghane a plusieurs visages ». Qu’entendez-vous par là ?
Dans notre imaginaire, l’ennemi de la femme afghane est le taliban. Mais cette image est réductrice. On oublie que la première violence de n’importe quelle femme afghane se joue dans son foyer. C’est son mari, son frère, les hommes de son village. Ce sont aussi les autres femmes, et ce, dès la naissance. Dans des communautés closes se perpétuent des traditions imperméables au monde extérieur. On voit notamment, dans le documentaire, une scène de lapidation. Derrière, on entend les cris appelant à détruire cette femme, dans une volonté de l’effacer complètement. Les femmes sont un exutoire, et cela n’a pas commencé avec les talibans. Cela fait 40 ans que les gens sont dépossédés de leurs biens, confrontés à une pauvreté endémique. Dans ce contexte, les femmes sont devenues une possession symbolique.
À quand remonte cet effacement des femmes afghanes ?
Cela a commencé avec les Soviétiques. Depuis, la société afghane se façonne dans la violence. Nos pays, nos institutions internationales y ont participé. Nous avons cantonné les Afghanes à la propagande politique, nous avons plaqué nos désidératas sur elles. Ce documentaire est une prise de parole historique et sentimentale. L’Afghanistan est un pays qui sonne très masculin, car il a très longtemps été raconté par des hommes. Je voulais permettre à ces femmes, que j’ai rencontrées lors de reportages ou pendant mes années en Afghanistan, de se raconter. Et c’est à travers leurs mots que se dessine une autre histoire du pays.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Il me semblait que s'il y avait eu des avancées (et des reculs) avant, le décret de l'égalité des droits entre hommes et femmes (étude, travail) + école obligatoire des filles + suppression de la dot datait de la république pro soviétique (par contre interdiction de porter la burka et bon, plus globalement, les soviétiques ne sont pas connus pour leurs positions pro-religion) puis que c'est suite à la victoire des talibans soutenus par les USA vers 1989 que la charia talibane avait été progressivement instaurée (retour de l'interdiction d'étudier et d'exercer un métier + burka obligatoire) jusqu'à la nouvelle intervention militaire de 2001... Est-ce que je fais erreur ?