C’est d’abord dans un roman que la parole a commencé à émerger. Quand Florence Porcel publie Pandorini en 2021, certaines personnes reconnaissent Patrick Poivre d’Arvor et son mode opératoire supposé. La romancière porte dans la foulée la première plainte pour viol contre l’ancienne star du 20h de TF1, en février 2021. En novembre de la même année, dans Libération, huit autres femmes témoignent, dont sept à visage découvert, de viols, d’agressions sexuelles et de harcèlement. À ce moment-là, elles sont 23 à avoir parlé à la police contre PPDA, sans forcément l’ébruiter dans les médias. Mediapart a même réuni 20 victimes présumées pour expliquer leur version des faits, dont le caractère systémique est glaçant.
Le 19 septembre 2022, Libération publie trois nouveaux témoignages. Si les précédents provenaient plutôt de personnes venant du journalisme, c’est au tour du milieu de l’édition, où PPDA exerce encore une immense influence.
3 nouvelles victimes présumées de PPDA l’accusent dans les médias
Il s’agit de Bénédicte Martin, qui raconte une agression sexuelle survenue en 2003. Elle en aurait immédiatement parlé à celui qui l’éditait à l’époque, Fréderic Beigbeder, qui aurait minimisé les faits avant que Michel Houellebecq n’entre dans le bureau :
«Qu’est-ce qu’il se passe ?» «Il se passe que PPDA a essayé de sauter Bénédicte.» Houellebecq aurait conclu : «Rien ne change alors.»
Il s’agit aussi de l’écrivaine Margot Cauquil-Gleizes qui revient sur son témoignage (d’abord diffusé sous le pseudonyme d’Anne en novembre 2021). Elle a déposé plainte le 9 septembre 2022 pour un viol qui aurait été commis en mai 1985 et une agression sexuelle en 1991 ou 1992. Dans Les Femmes de ma vie, paru en 1988 chez Grasset, PPDA évoquerait même le viol supposé de l’autrice, rapporte Libération :
Anne est comparée à un «homard» qu’il faut prendre «pouce et index derrière les pinces. Alors seulement, elle cessait d’agiter ses longues jambes et se mettait à ronronner »
Le troisième nouveau récit, publié par Libération, revient sur l’histoire de Juliette, un nom d’emprunt – elle préfère garder l’anonymat pour ne pas troubler la parution prochaine d’un roman : le 12 septembre 2022, elle a écrit au procureur de la République pour ajouter à son témoignage un viol qui aurait eu lieu en 1998 ou 1999 dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte sur PPDA.
L’impunité de Patrick Poivre d’Arvor va-t-elle continuer longtemps ?
Dans le sillage de ces nouveaux témoignages, Hélène Devynck, l’une des plaignantes les plus connues du grand public, publie un essai, Impunité (publié au Seuil le 23 septembre 2022) pour décrypter la « machinerie » de Patrick Poivre d’Arvor et tenter de comprendre ce qui permet l’impunité dont il jouit encore :
« Pour construire ce système criminel et le faire tourner sans anicroche pendant une trentaine d’années, il ne suffit pas d’un homme, de phénomènes de cour, de la lâcheté d’un groupe social et de cette tendance profondément humaine à confondre l’autorité avec la vérité. Il faut aussi un immense échafaudage, des superpositions de légendes sur le pouvoir, la sexualité, la séduction, les hommes et les femmes. »
Pendant ce temps, Patrick Poivre d’Arvor a porté plainte pour « dénonciation calomnieuse » contre 16 plaignantes qui l’accusent de harcèlement, d’agressions sexuelles ou de viol. Après une première plainte classée sans suite en février 2022, il a redéposé plainte pour le même motif en avril, rapporte France Info.
Près de 90 femmes seraient victimes de PPDA, dont une vingtaine de plaignantes
Sa carrière si peu entachée par ces accusations, Patrick Poivre d’Arvor devait même siéger au jury du Grand prix du rayonnement français. Cette cérémonie, qui récompense celles et ceux qui font briller le pays à l’étranger, se tiendra le 4 octobre 2022 dans les salons du Quai d’Orsay.
Épinglée à ce propos par de nombreuses féministes, l’organisatrice de ce prestigieux prix, Joëlle Garriaud-Maylam (Sénatrice des Français de l’étranger, Vice-Présidente de l’Assemblée parlementaire OTAN, et Présidente de l’Association du Rayonnement) vient d’annoncer sur Twitter l’exclusion de l’ancienne vedette de TF1.
Désormais en collectif, les victimes supposées de PPDA estiment être au moins 90, d’après les témoignages reçus par les premières plaignantes. Pour deux d’entre elles, les faits présumés ne seraient pas prescrits, mais elles n’osent pas porter plainte.
Toutes les personnes nommées sont, en l’état, présumées innocentes.
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Crédit photo de Une : éditions JC Lattès, collection La Grenade / Patrick Poivre d’Arvor dans le parc de la Médiathèque Noailles de Cannes, en 2012. Frantogian Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported / éditions Seuil.
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