« Si je suis un monstre, je m’en vais. Si tout le monde pense que c’est ça, alors je m’en vais. »
Ce sont des mots tragiquement prémonitoires, que l’on entend dans le reportage de Sept à Huit diffusé ce dimanche 9 janvier. Celle qui les prononce, c’est la youtubeuse MavaChou, qui s’est suicidée le 22 décembre.
Quelques semaines avant son passage à l’acte, elle avait accepté de donner une interview dans le cadre d’un sujet sur les chaînes familiales sur Youtube. Pourtant, ce n’est pas simplement sa carrière d’influenceuse et mère au foyer que MavaChou a abordé avec l’équipe venue la rencontrer.
On est bien loin de la jeune femme solaire qui racontait son quotidien de maman sur Youtube : les images la montrent éteinte, vidée de toute force. Au bout du rouleau. Et que dire de ce moment où elle relève sa manche et dévoile la cicatrice qui traverse son bras, marque de sa dernière tentative de suicide.
L’émission de TF1 a reçu l’accord de son compagnon pour pouvoir diffuser la dernière interview de Maëva Frossard, alias MavaChou, 32 ans et mère de quatre enfants installée dans les Vosges, connue pour ses vlogs où elle partageait sa vie de famille auprès de ses 150 000 abonnés.
Ce reportage lève le voile sur la détresse de cette mère de famille, et tente de faire la lumière sur les circonstances de sa mort, notamment au regard des vagues de cyberharcèlement qu’elle subissait, conséquences de sa séparation houleuse avec son ex-conjoint.
MavaChou harcelée par la communauté de son ex
Il y a moins d’un mois, quelques jours avant Noël, la famille de MavaChou a annoncé son décès sans donner davantage de précisions sur les circonstances de sa mort. Ce n’est que quelques jours plus tard qu’une autre information a été rendue publique : une enquête pour harcèlement moral ayant poussé au suicide a été ouverte.
Depuis plusieurs mois, MavaChou subissait de violentes vagues de cyberharcèlement et recevait des centaines de messages sur son compte Instagram et sur Twitter.
Point de départ de ces attaques : sa séparation avec Adrien Czajczynski (qui tient Adrien Vlog & Blabla) début 2020, avec lequel elle a eu quatre enfants et en compagnie duquel la trentenaire tenait une chaîne YouTube très populaire depuis 2015.
Leurs réseaux sociaux sont alors devenus le théâtre de règlements de compte. Leurs communautés respectives ont assisté au grand déballage public d’une séparation à coups d’accusations de tromperies, d’escroqueries, voire de maltraitance sur leurs enfants.
Selon le reportage de Sept à Huit, Adrien a commencé à lancer des rumeurs début 2021, provoquant le début du harcèlement de la part de sa communauté : insultes, menaces, propos diffamatoires sur sa vie sexuelle, insinuation d’actes pédocriminels à l’encontre de leurs enfants, montages pornographiques. La vie de MavaChou devient un enfer.
Un suicide qui aurait pu être évité ?
Au total, cinq plaintes ont été déposées pour harcèlement, ainsi qu’un courrier au procureur de la République rédigé par le psychologue de MavaChou, qui la suivait depuis sa première tentative de suicide au printemps 2021.
Plusieurs plaintes et un signalement en juin, sans aucun effet. « Elle a l’impression qu’elle ne sera jamais crue », raconte le médecin Saïd Dib ; il décrit une patiente dans une profonde détresse, qui ne trouvait pas d’issue et surtout aucune aide. Malgré le soutien de ses proches, malgré une communauté fidèle, MavaChou a sombré.
La justice a-t-elle pris à la légère le cas de MavaChou ? Son avocat – et désormais celui de son conjoint – Stéphane Giuranna a bien l’intention de faire « reconnaitre la responsabilité pénale » de celles et ceux qui ont harcelé MavaChou et appelle à une loi pour imposer aux plateformes la levée de l’anonymat en cas de harcèlement et faciliter ainsi l’identification des auteurs de ces comportements.
Le compagnon de Maëva Frossard, Romain, livre aussi son témoignage terrible dans le reportage de Sept à Huit, mais anonymement pour ne pas être la cible de représailles. Auprès du Midi Libre, il raconte aussi comment MavaChou cherchait à s’en sortir :
« Elle avait commencé à ralentir ces derniers mois. Elle était en train de créer deux sites d’e-commerce pour passer à autre chose. Mais elle ne voulait pas abandonner sa communauté. »
Encore une preuve, s’il en fallait une, que le cyberharcèlement ne s’arrête pas si l’on ferme son ordinateur ou qu’on s’éloigne des réseaux sociaux. Il a un impact dévastateur sur la santé mentale, et a des conséquences sur le quotidien.
Une enquête pour établir les responsabilités dans la mort de MavaChou
Constat terrible à lire dans l’enquête du Parisien sur l’affaire : la réactivité de certains internautes pour ne pas être identifiés comme les acteurs du harcèlement de MavaChou.
« À l’annonce de son décès, des anonymes effacent à la hâte leur compte des réseaux sociaux. »
Comment établir qui est responsable de quoi dans la mort de MavaChou ? Comment mesurer l’impact des milliers de messages que cette youtubeuse recevait de façon quotidienne ? Comment mesurer aussi le rôle d’Adrien Czajczynski dans l’escalade des messages haineux que recevait jour après jour la trentenaire ?
Lui nie toute participation au harcèlement subi par son ex-compagne, harcèlement qu’il ne cautionnait pas, rappelant à l’ordre les membres de sa communauté qui s’évertuaient à le défendre. Aujourd’hui Adrien Czajczynski affirme que les torts sont partagés et que MavaChou « balançait aussi des infos à ses abonnés pour menacer » :
« Tous les deux on s’est attaqués sur les réseaux sociaux depuis le début. C’est elle qui a commencé et moi j’ai répliqué. »
L’avocat Stéphane Giuranna a déposé une plainte au nom de Maëva Frossard et de son conjoint Romain pour harcèlement moral et provocation au suicide contre son ex-mari et contre X.
Il aura fallu que MavaChou mette fin à ses jours pour que son histoire soit enfin prise au sérieux.
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Crédit photo : Sept à Huit – TF1 (capture)
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