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Cinéma

Ode aux ados cyniques et boudeuses des séries américaines

Les ados, aux États-Unis, ça semble être soit des cheerleaders talentueuses, heureuses d’avoir 16 ans et pleines de vie, soit des filles un peu à part et très désabusées. Autant vous dire que LadyDandy préfère de TRÈS loin la seconde option.

Des ados cyniques avec de la répartie à revendre, il y en a un paquet, il y en a même des très bien comme Veronica Mars ou encore Willow Rosenberg. Mais des ados qui tirent la tronche en permanence, on en trouve moins et leur espèce (qui a toujours été écrasée par la classe dominante des smilers par devant / bitcheurs par derrière de Beverly Hills et compagnie) survit tant bien que mal.

Ode à ces créatures attachantes et insupportables, tête à claques mais profondes, jusqu’au-boutistes et surtout résolument entières !

Georgia « George » Lass (Dead Like Me)

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George Lass, la première weird girl cynique qui tire la tronche à laquelle j’ai été confrontée, est restée mon personnage de fiction préféré pendant des années. George Lass a arrêté la fac parce que ça la gonflait, elle enchaîne les petits boulots et apprend peu à peu à devenir une adulte, George Lass a aussi 18 ans…

Pour l’éternité.

Tout simplement parce que George Lass est morte (tuée par la lunette des chiottes de la station Mir) et c’est à ce moment-là (comble de l’ironie) que sa vie démarre vraiment.

Ellen Muth et sa voix profonde et cassée nous accompagnent dans un au-delà aussi bordélique et bizarre que la vie. Son rôle de faucheur d’âme s’accorde tout à fait avec son statut d’ado en retrait mais au cours des deux saisons (le film ne compte PAS et il ne faut JAMAIS le regarder) que compte Dead Like Me, on voit sa carapace se fendiller doucement.

Le pire a beau lui être déjà arrivé, George Lass continue d’être déçue mais elle a parfois des surprises extraordinaires et tisse des liens profonds — bien que teintés de sarcasme — avec certains personnages, notamment sa patronne adoratrice de chats (« Dolores Herbig… like Her big fat ass… ») et ses camarades faucheurs déjantés.

Enid Coleslaw (Ghost World)

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Ce n’est pas vraiment une ado de série, mais il fallait que je la cite.

Tohra Birch avait déjà joué un genre d’Enid dans American Beauty, puis elle a été engagée pour donner vie sur grand écran à l’héroïne de l’excellent comics de Daniel Clowes. Le personnage n’a pas beaucoup changé lors de son passage du papier à la pellicule : Enid vient de finir le lycée et peine à rompre avec son environnement et son passé qui la retiennent pourtant en arrière.

[dailymotion]https://www.dailymotion.com/video/xx2z94_trailer-ghost-world-de-terry-zwiggof-vostfr_shortfilms[/dailymotion]

Elle a la langue acérée et passe son temps à critiquer les gens avec son amie Rebecca (Scarlet Johansson dans le film), mais alors qu’elle prétend ne pas se soucier du regard des autres, elle court se reteindre les cheveux en noir dès qu’on critique sa chevelure verte.

Paradoxale, mais entière dans ses excès, elle fait souffrir son entourage par son indécision mais finit par rompre avec son passé pour évoluer enfin et cesser de se débattre, empêtrée qu’elle est dans ses contradictions.

Elle a l’air insupportable quand j’en parle mais elle ne l’est pas : Enid est avant tout drôle et touchante. Une magnifique outsider qui grandit au fil du temps.

Angela Chase (Angela, 15 ans)

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Angela vient de plonger dans cette période transitoire douloureuse qu’est l’adolescence et ses illusions s’effritent. Comme les autres ados de cette liste, elle est en situation de rupture et commence par rejeter en bloc ce qui faisait son passé (son pote choupinou à côté de ses pompes — et qu’elle traite comme une sous-merde — et sa copine miss parfaite qui se révèle bien plus intéressante que ça) pour se rapprocher de gens « différents ».

Angela, c’est le cul entre deux chaises. Elle refuse de se conformer bêtement aux règles absurdes de son passé mais elle n’est pas assez naïve pour embrasser complètement les excès des « rebelles ». Elle est aussi entre un semblant d’intelligence avec quelques réflexions très drôles et pertinentes et… une stupidité extraordinaire (mais la série a du recul dessus et est intelligente).

C’est cet entre-deux qui donne à la série un aperçu plus large de la situation, qui contourne assez joyeusement les caricatures (Angela elle-même manque de recul ; forcément, elle a le nez dessus, ce qui n’empêche pas les spectateurs d’avoir une vision d’ensemble).

Et puis… Jared Leto en teenager.

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Jordan Catalano et Trent Lane, les crush typiques des ados hétéros torturées : beaux à mourir et totalement insortables.

Lindsay Weir (Freaks and Geeks)

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Comme Angela, Lindsay a le cul entre deux chaises. Elle vient de subir un évènement plutôt traumatisant (la mort de sa grand-mère) et ça a complètement chamboulé sa vision du monde.

Du coup, elle se met à porter une veste d’armée trop grande pour elle (il faudra que je vous parle un jour de mon amour des surplus militaires et des vestes d’hommes) et largue du jour au lendemain ses amis matheux pour aller squatter avec les Freaks

qui fument au fond de la cour de récré.

Au début de la série, Lindsay est une paumée qui se jette la tête la première vers l’opposé de ce qu’elle était mais au fur et à mesure, elle gagne en profondeur et en vient même à avoir une certaine influence sur ses amis marginaux.

Elle voudrait se conformer à ce qu’ils attendent d’elle au début, elle voudrait ne plus penser et devenir une vraie tête brûlée mais elle ne peut pas. Trop calme, trop réfléchie…

Et c’est cette dualité qui la rend si intéressante et enrichissante à fréquenter, qu’on soit d’un côté de la force ou de l’autre. Dans Freaks and Geeks, où l’humanité semble divisée en deux, la dualité de Lindsay révèle les nuances des autres personnages.

Claire Fisher (Six Feet Under)

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La plus paumée de toutes les ados a eu du mal à remporter mes suffrages au début (pourtant, l’actrice porte le même prénom que moi et qui porte mon prénom mérite ma sympathie !) : elle erre de drogues en avortements et pourrait être la grande drama queen typique des séries pour ado.

Mais non, Claire est plus profonde que ça (tu me diras, quand on grandit dans une morgue, y a de quoi se poser des questions très tôt sur le sens de la vie) et si elle est un peu autocentrée, on dira que c’est de son âge.

https://youtu.be/iOnbphzOZ4o

Freak au lycée, relativement épanouie dans une école d’art qui ne la prive pourtant pas de déceptions et désillusions, Claire, c’est un concentré des duretés de la vie en cinq saisons mais c’est avant tout une femme en construction qui, sous ses allures éthérées et paumées, se révèle forte et intègre et sort grandie de toutes ses épreuves (et puis, autant de traumas, ça donne un max de matos et d’inspiration quand on est artiste, faut voir le bon côté des choses).

Daria Morgendorffer (Daria)

daria

Daria est plus qu’un personnage, c’est un symbole. C’est elle la reine des ados cyniques de cette liste (si tant est qu’elles aient une reine… à mon avis, elles n’ont pas de hiérarchie comme le Fashion Club). Une marginale qui s’assume… pas tant que ça.

Daria, je l’admirais énormément et je m’y identifiais comme une folle au moment où je vivais les mêmes choses qu’elles (collège/lycée), mais quand j’ai revu la série récemment, je me suis rendu compte du recul qu’on peut prendre vis-à-vis d’elle (et du niveau supplémentaire de lecture et de la richesse incroyable de cette série du même coup).

Si Daria refuse d’essayer avec toute la fierté et la nonchalance du monde, c’est avant tout parce qu’elle a peur d’être rejetée. Si elle est très douée pour se plaindre ou critiquer et qu’elle touche juste, la personne avec qui elle doit se montrer la plus mauvaise, c’est elle-même.

Alors oui, comme les autres personnages de cette liste, cette fille a des valeurs (quoi qu’elle pique le copain de sa meilleure amie) dans un univers de compromission et d’hypocrisie, mais les paradoxes de son attitude sont relevés sans jamais qu’un côté ou l’autre soit stigmatisé (grâce notamment à l’excellent personnage de Jodie, ou à Jane, qui mettent Daria le nez dans ses contradictions).

Daria dit non à tout… mais la série a beaucoup plus de nuances que ce « non » massif.

Les ados cyniques, ces personnages fascinants

Pourquoi je les aime tant ? Sans doute avant tout parce qu’à travers elle, c’est l’ado que j’étais que j’apprends à aimer, vu qu’à l’époque, je ne m’aimais pas beaucoup et qu’assez peu de gens se risquaient à m’apprécier aussi (faut dire que je leur tendais pas la perche).

Mais aussi parce qu’elles étaient des personnages dynamiques qui évoluaient tout au long de leur série. J’adore les ados de Skins mais il faut admettre qu’ils ont assez peu de temps pour se transformer vue la durée assez courte de la série (et leur taux de mortalité élevé). Les « Weird Girls », elle, ont plus de place pour changer et leur portrait est peint à touches plus subtiles.

skins

Là où les héroïnes de Gossip Girl restent globalement les mêmes, et ne révisent leurs jugements que le temps d’un demi-épisode, ces ados-là sont forcées de se remettre en question constamment parce que peu de gens vont dans leur sens.

Là où dans Gossip Girl, un personnage supposément profond et intelligent type Vanessa ou Dan, n’est qu’un-e arriviste parmi les autres, dans Daria, on découvre que les cheerleaders aux allures de femmes-enfants, les crétins champions de foot ou les Mean Girls décérébrées peuvent parfois se révéler étonnement humain-e-s.

Les Weird Girls, ados cyniques et boudeuses, sont peut-être désabusées, déprimées et égocentriques mais c’est à la lueur de leur jugement rigoureux qu’on finit par trouver des perles dans des amas de médiocrité, et au final, j’ai quand même l’impression qu’elles donnent une vision bien plus optimiste de l’humanité que les délires creux des ados Disney Channel dont le sourire donne l’impression d’avoir été fixé aux agrafes.

colgate

Hihihi c’est tellement épanouissant l’âge ingrat !


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Les Commentaires

6
Avatar de MissMachine
22 août 2013 à 22h08
MissMachine
Haha ! Moi aussi j'ai toujours largement préféré les ados cyniques aux ados lisses et proprets dans les séries télés ^^

J'aime d'autant plus cet article que tu analyses très bien ces personnages, en soulignant notamment les paradoxes dont sont pétries des nanas comme Daria et Enid. D'un côté, elles jugent sévèrement tout ce qui les entoure, rien ne trouve grâce à leurs yeux, mais de l'autre, elles se complaisent totalement dans cette situation et ne cherchent en aucune manière à se différencier en s'accomplissant.

Et p'is de façon générale, un article qui cite Ghost World ne peut que recevoir un gros Big Up de ma part !
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