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J’ai adopté trois chiens rescapés d’Espagne, victimes de mauvais traitements

Maïlis a adopté trois chiens rescapés d’Espagne, et s’est depuis engagée dans la lutte pour la protection animale. Elle vous raconte sa passion pour les canidés et en quoi adopter des chiens traumatisés peut changer la donne.

J’ai toujours eu le contact facile avec les animaux et particulièrement les chiens. Vachement plus qu’avec les humains d’ailleurs.

Mais ma mère étant quelque peu maniaque ET allergique aux bêtes, en avoir à la maison relevait de l’impossible. Ça ne restait donc qu’un truc avec les animaux des autres, mais rien qui ne m’interpelle vraiment.

Ce n’est qu’à 18 ans que j’ai eu l’occasion de découvrir un peu plus le monde du chien, lors du stage de découverte qu’on nous proposait de faire en première année de DUT dans l’environnement.

J’ai alors fait appel à toute mon imagination pour trouver un sujet de stage qui me permettrait de bosser dans le refuge/pension où mes parents et moi mettions notre chat en vacances (car on avait quand même réussi à récupérer un chat, ou plutôt disons qu’il nous avait pas trop laissé le choix !).

Le calvaire des chiens d’Espagne

Pendant ces deux semaines de stage, j’ai découvert le calvaire des chiens d’Espagne, particulièrement celui des galgos. Ce refuge remontait alors pas mal de canidés de ce pays, raison pour laquelle j’ai d’abord commencé à m’intéresser au sort de ces chiens plutôt que d’autres.

Comme je suis d’un naturel hyper curieux, je me suis empressée de chercher plus d’informations sur Internet. Je peux vous dire que ce jour-là, j’ai perdu le peu de foi que j’avais encore en l’humanité.

En gros, en Espagne, la chasse aux lièvres avec des lévriers est autorisée. Dans les autres pays de l’Union européenne, cette chasse est interdite pour diverses raisons, notamment parce qu’elle ne laisse aucune chance de s’en sortir au gibier.

Le souci c’est qu’en Espagne, les lévriers (appelés galgos) ne sont pas considérés comme des animaux de compagnie mais comme des bêtes d’élevage, au même titre que les vaches ou les poulets.

Pas besoin de vous faire un dessin pour qu’on comprenne l’horreur que peuvent subir ces chiens au quotidien, étant donné que cette dénomination laisse la porte ouverte aux mauvais traitements.

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Les galgos et podencos en Espagne

Ils vivent neuf mois sur douze enfermés dans des bunkers, sans voir la lumière du jour, nourris de quignons de pain (quand ils sont nourris).

Ils vivent neuf mois sur douze enfermés dans des bunkers, sans voir la lumière du jour, nourris de quignons de pain (quand ils sont nourris), attachés à 30cm de chaîne pour qu’ils ne se dévorent pas entre eux.

Quand ils sortent, c’est pour s’entraîner (lire « se voir attacher derrière un quad ou une voiture et courir jusqu’à ce que mort s’ensuive ») ou chasser.

Si le galgo ne chasse pas bien (s’il ne suit pas exactement la trajectoire du lièvre, par exemple), il sera puni à la hauteur du déshonneur de son propriétaire.

La phrase favorite des galgueros (les chasseurs, donc), c’est « le galgo ne vaut pas la balle qu’il faudrait pour l’abattre ». Et leur technique phare c’est celle du pianiste.

Il s’agit de pendre le galgo de manière à ce que ses pattes arrières touchent encore suffisamment le sol pour qu’il entrevoit l’idée de s’en sortir et le gratte tant qu’il peut… Ça ou d’autres idées qui vont de l’acide au feu en passant par les puits… Bref, ces galgueros sont des individus très aimables.

Plus j’en savais sur la situation, plus j’avais envie d’en apprendre. À un moment, j’ai entendu parler d’une autre race de chien de chasse : les podencos. Grosso merdo, ce sont des lévriers avec de grandes oreilles et une tête vachement moins fine.

Eux ont ce qu’on appelle dans le milieu une double peine : ils souffrent tout autant que leurs compagnons galgos ET ne sont pas ou peu adoptés.

La raison est tout aussi simple qu’elle est bête : quand on cherche à en savoir plus sur cette race, on ne tombe que sur des sites qui la décrit comme étant primitive, fugueuse, indépendante, voleuse, j’en passe et des meilleures.

On s’imagine sans mal la réticence des gens qui souhaitent adopter face à un tel tableau. Mais comme en plus d’être curieuse je suis aussi vachement têtue, je me suis jurée qu’un jour, j’adopterais un pod’.

Du stage à l’adoption

Quand j’y repense, dès la première minute qui a suivi la signature de cette convention de stage, j’étais fichue. Encore maintenant, il me serait impossible d’imaginer quitter un jour le monde de la protection animale (PA pour les intimes).

Donc quand, au milieu de ces deux semaines de stage, un petit chien du nom de Pipo est arrivé tout droit d’Espagne pour trouver un foyer en France, mon cœur m’a dit : « Voilà. Ce sera lui, mon premier. »

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Ça ne s’est pas fait tout de suite, genre dans la seconde : il a fallu que je fasse mon second stage dans la même structure l’année suivante (de deux mois cette fois) pour prendre le traumatisme de Pipo comme un défi personnel.

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Personne n’arrivait à mettre la main dessus et quand on arrivait à le bloquer dans un coin pour le récupérer (le nourrir, le soigner, le rentrer au chaud, ce genre de choses), il se tendait comme un arc, la tête basse, la queue entre les pattes, les yeux exorbités de peur et tout son petit corps tremblant.

Les jours passant, j’essayais de l’approcher quand il était allongé au soleil, suffisamment doucement pour qu’il ne se relève pas. Au début, c’était impossible. Il me voyait arriver à trois kilomètres et s’enfuyait.

Puis un jour, j’ai réussi. Alors je l’ai allongé sur le flanc, pour que sa tête repose au sol et je l’ai caressé, caressé et caressé encore. Il s’est tellement détendu qu’il a poussé un profond soupir et s’est assoupi.

Je ne sais même pas comment j’ai fait pour ne pas me mettre à pleurer ce jour-là. Et là, ça a été la révélation.

Quand mon stage s’est terminé, j’ai dit à la patronne que je le réservais. Si personne ne l’avait adopté d’ici à ce que je puisse le prendre avec moi, je l’adopterais.

Je poursuivais alors mes études en alternance, un mois sur Chartres et un autre dans le sud de la France. Pour un chien traumatisé comme lui, c’était juste inenvisageable. Surtout qu’il était extrêmement destructeur, donc il n’était pas possible de le laisser seul la journée dans un appartement.

Pendant toute cette attente, j’ai réussi à retrouver le gars qui avait récupéré Pipo en Espagne. Il avait été trouvé sur une décharge alors qu’il n’avait que neuf mois. Comment avait-t-il atterri là ? Je ne le saurai certainement jamais.

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Une adoption particulière

Les semaines, puis les mois, ont passé. Je l’ai réservé le 7 juillet 2013 et je suis venue le chercher le 13 août 2014. Plus d’un an à l’attendre, à pleurer son absence au quotidien.

Lui aussi pleurait d’ailleurs. Quand je retournais dans mon Sud, je passais inexorablement le voir et chaque fois, quand je repartais, il s’asseyait devant le grillage et pleurait en voyant ma voiture s’éloigner.

Ce 13 août-là, je m’en souviendrai toute ma vie. C’était mon anniversaire. C’était à la fois le plus beau jour de ma vie et le plus stressant.

Je n’avais confiance ni en moi, ni en mes capacités.

Je n’avais confiance ni en moi, ni en mes capacités. Pipo était un chien TRÈS traumatisé, du genre à fuir à la moindre peur, à tirer au renard et enlever collier/harnais pour partir.

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Après cette première semaine difficile, je n’ai pourtant plus fait que profiter de ce truc qu’il y a entre lui et moi. Pipo, c’est comme le prolongement de moi-même et je suis comme le prolongement de lui-même.

On n’a pas besoin de se regarder pour se comprendre, de se parler pour s’entendre. Ce n’est pas facile à décrire, mais il y a une relation humain/chien très particulière.

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Une deuxième chienne au trauma différent

J’avais déjà pour projet d’avoir une meute de trois chiens. Pourquoi trois ? Aucune idée. Peut-être que c’était la limite du raisonnable… ! Toujours est-il que quelques mois plus tard, après avoir emménagé dans un appart, j’ai adopté mon deuxième chien.

Elle s’appelle Mori et elle aussi vient d’Espagne. On sait qu’elle a été trouvée dans une vieille grange alors qu’elle venait de mettre bas, mais on ne sait ni ce que sont devenus ses petits, ni ce qu’elle faisait avant ce jour-là.

Elle a vécu avec Pipo tout du temps qu’elle était au refuge. Ils se connaissaient bien et s’entendaient tout aussi bien. Quand on sait que Mori était une chienne sauvage, c’est un détail important à prendre en compte. Surtout que son esprit de meute est très développé : Pipo a vraiment un effet de pilier sur elle.

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Mais contrairement à Pipo, avec Mori, ça a été plus compliqué. Déjà, la relation que j’avais (et ai encore un peu) avec elle n’est pas autant fusionnelle qu’avec Pipo. Mori, je l’ai adoptée parce que sinon personne ne l’aurait fait. C’était un sauvetage, un vrai, pas un coup de cœur.

Et puis son traumatisme est différent : c’est plus comme si elle n’avait jamais vraiment eu de contact avec l’humain et que le peu qu’elle en ait eu, c’étaient pas des trucs cool.

Il fallait qu’on lui mette une couverture sur la tête pour l’attraper, au risque de se faire mordre.

Au refuge, il fallait qu’on lui mette une couverture sur la tête pour l’attraper, au risque de se faire mordre. Chez moi, je lui ai juste attaché une laisse au collier pour éviter d’avoir à lui courir après pendant vingt minutes au moment des sorties et qu’on se traumatise toutes les deux.

Ça n’a duré que quelques jours parce que Mori s’est révélée encore plus intelligente que ce que je pensais. Au refuge déjà, elle avait très vite compris ce qu’on attendait d’elle et obéissait au doigt et à l’œil.

Une fois adoptée, il a fallu une semaine pour que j’enlève la laisse, deux pour que je puisse la toucher vraiment et trois pour qu’on arrive à une relation plus ou moins cool.

Aujourd’hui, elle ne mange pas si je suis dans la pièce ou si quelqu’un la regarde et elle sort de son panier si un humain passe trop près. Mais elle fait des progrès tous les jours.

Elle joue avec moi, fait des bisous à mon père quand il vient nous voir, me met son pied sur la tronche quand on fait des câlins dans le lit le matin.

Actuellement, notre relation est toujours un peu conflictuelle, mais je pense que c’est juste une chienne qui restera à jamais distante avec l’humain.

Pas qu’elle ne m’aime pas, ou qu’elle n’aime pas les gens en qui elle a confiance, mais elle préfère rester en retrait, tranquillement dans son panier quand les autres sont des pots de colle. C’est ma chienne au caractère de chat : elle est indépendante.

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Une troisième chienne facile à vivre

Et la troisième alors ? Elle est arrivée un mois après Mori, je n’ai pas fait les choses tranquillement et posément. Elle s’appelle Afra et contrairement aux deux autres, elle est remontée directement d’Espagne.

Pour résumer, il existe deux façons d’y adopter un chien : dans un refuge français qui travaille avec des bénévoles espagnols pour faire remonter les animaux dans des structures françaises, ou via une association française qui bosse avec des refuges espagnols et fait remonter les chiens directement dans les familles d’adoption.

Pipo et Mori ont été adoptés selon la première méthode et Afra selon la seconde.

Là aussi, j’ai choisi cette chienne par esprit de sauvetage. Elle vivait dans un refuge qui tenait plus de la fourrière (donc euthanasies à la pelle, tout ça, tout ça), où s’entassaient des dizaines de chiens qui finissaient par s’entredévorer à cause du surnombre.

De plus, étant une croisée podenco, plus toute jeune et d’une couleur « banale », elle était en tête de liste pour la prochaine vague d’euthanasies.

Puis elle était triste… Tellement triste. Debout au milieu de son bloc de béton, les yeux dans le vague, comme résolue à ne plus rien attendre de la vie.

Afra n’est pas une chienne trauma, loin de là. Elle n’aime juste pas quand trop de gens se massent autour d’elle, et les enfants aussi, bien qu’elle n’ait jamais eu un seul geste agressif envers eux. Ce sont bien là ses seules peurs, c’est une chienne parfaite.

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Elle te montrerait presque ce qu’il faut faire. « Là, c’est l’heure de manger. Si tu veux, tu peux me donner ma gamelle. » « Là, il faudrait que j’aille faire pipi, mais te presse pas, ça peut attendre encore un peu. » J’ai tiré le gros lot quand j’ai adopté Afra !

Pourtant, la vie a été autrement plus difficile pour elle. Chienne de chasse destinée à n’être qu’un ventre, une usine à portée, son chasseur a dû finir par juger qu’il n’avait plus besoin de ses services et s’en est débarrassé.

C’est le personnel de la prison de la ville où elle a été trouvée qui a appelé le refuge parce qu’un chien en mauvais état errait depuis plusieurs jours. « En mauvais état » ouais… Elle était couverte de puces, de tiques et maigre à faire peur.

Parfois, quand je la regarde, je me demande comment elle fait pour n’en tenir aucune rigueur à l’humain. Je crois que c’est le propre des animaux : pardonner même quand c’est difficile.

La vie avec trois chiens anciens traumas

Quand je prends du recul sur ce que je vis avec ma meute, je me dis qu’en fait, ça n’est pas difficile de vivre avec trois chiens, même si deux d’entre eux sont plus compliqués.

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Pipo a arrêté de tout détruire le jour où j’ai adopté Afra. Entre eux, ça a été l’amour au premier regard. Mori a fait et fait encore tellement de progrès qu’elle est presque aussi gérable que n’importe quel chien. Et Afra, bon, pas besoin de vous faire un dessin : elle est très facile à vivre.

Le plus difficile, c’est de voir à quel point leur passé a des répercussions sur leur présent.

En fait, le plus difficile, pour moi en tout cas, c’est de voir à quel point leur passé a des répercussions sur leur présent, les voir souffrir à cause de quelques individus qui n’ont pas l’intelligence ou la présence d’esprit de remettre en question des traditions barbares.

Mori a vécu dans la peur tellement longtemps qu’il a fallu près d’une dizaine de séances d’osthéopathie pour débloquer son dos et deux mois de traitement anti-acide pour soigner son estomac.

Afra a dû être opérée pour qu’on lui enlève toutes ses dents — ou presque. Les années de non-hygiène générale ont eu raison de son système immunitaire buccal et la moindre couche de plaque sur ses dents agissait comme un allume-cigare.

À la fin, elle avait les joues et les gencives bourrées d’ulcères si bien qu’elle ne pouvait même plus boire tant elle avait mal.

Le reste, ce ne sont que de nouvelles habitudes à prendre. Penser à ranger ses peluches sous la couette si on ne veut pas qu’elles finissent éventrées. Sécher les pieds de tout le monde en rentrant d’une balade pluvieuse parce que passer la serpillère tous les jours, c’est chiant.

Mettre un plaid en plus sur le canapé parce que c’est plus facile à secouer que de devoir aspirer les poils à même le canap’.

C’est sûr que des fois, je donnerais cher pour ne pas avoir à les sortir à 23h, un soir de février, quand il fait -8000 dehors. Je kifferais aussi me réveiller sans avoir trois débiles qui me sautent dessus parce que « C’EST LE MATIIIIIIIN !! ».

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Mais quand je les laisse en pension parce que je pars quelques jours, j’ai à peine fermé la portière de ma voiture qu’ils me manquent déjà.

Parce qu’avec de la patience et de l’amour, franchement, je vous le dis avec mon cœur et mes tripes : on arrive à tout.

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– Pour suivre les aventures de Maïlis et sa meute, vous pouvez visiter leur page Facebook !

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Les Commentaires

22
Avatar de BigPurpleUnicorn
13 juin 2017 à 00h06
BigPurpleUnicorn
Bonjour à tout le monde!
Ce témoignage m'a bouleversé, je suis française d'origine espagnole et j'étais déjà un peu au courant de ses pratiques immondes... Dans mon petit village de montagne (d'Espagne donc), il y a des chasseurs qui ont plein de chiens enfermés toute la journée dans des box sans lumière et ils aboient toute la nuit. Ils sont très craintifs/agressifs envers les autres chiens et aussi envers les humains qui s'approchent d'eux...
Ça fait un bon moment que je veux devenir bénévole dans un refuge mais je suis un peu perdue, je tombe sur pas mal de sites cherchant principalement des bénévoles pour accueillir des animaux. J'ai 20 ans, et je vis chez mes parents donc impossible pour moi. Mais j'aimerais beaucoup donner de mon temps au sein même du refuge.
Je suis dans le 92, je cherche donc un endroit en Ile de France. Si quelqu'un peut me renseigner je lui en serait très reconnaissante!
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