Jeudi 22 janvier, 10 heures. Plus d’une centaine de sportif•ves, blogueur•ses et journalistes pénètrent dans les anciens locaux de JP Morgan, à l’angle de Wall Streetet Broad Street. De l’extérieur, c’est un immeuble de prestige comme tous ceux du quartier, les sièges historiques des banques américaines. À l’intérieur, la pierre est nue, seule la structure persiste, telle une bête éventrée dont la carcasse résiste.
Ambiance intrigante, entre musique électro et projections psychédéliques. Entre les affiches couvertes de slogans de motivation, et les animateurs et animatrices qui lançaient des « Join the Revolution ! » au mégaphone, j’avais le sentiment d’être accueillie dans la faction des Audacieux de Divergente, ou dans le District 13 de Panem, dans Hunger Games.
« No rules, no limits, no finish, Only the bold and rebellious. Abandon the ordinary when Energy takes over. Fear no run, surrender no race. The revolution is here, Your time is now.
Experience #ultraboost and join The energy running revolution. »
OKER D’AKOR.
Si Adidas a invité autant de gens pour trois jours à New York, c’était pour présenter au monde en simultané sa dernière chaussure de running : l’Ultraboost.
Ultraboost, une révolution
Passé le lancement en grande pompe (pardon, elle était facile), nous avons pu circuler à travers plusieurs ateliers techniques, pour nous permettre de comprendre la conception et le fonctionnement de cette chaussure.
Cette démarche était intéressante sur deux plans : elle visait à montrer plutôt qu’à convaincre, et elle s’inscrivait en rupture avec la tradition du « secret » qui enveloppe généralement les grandes innovations.
Cette fois-ci, nous avons littéralement disséqué la grande innovation d’Adidas. Plusieurs stands étaient tenus par des ingénieur•e•s ayant travaillé sur le projet, qui nous présentaient les différentes caractéristiques techniques de la chaussure.
L’Ultraboost n’a plus de secrets pour moi
Je me suis personnellement attardée sur la composition de la semelle, car c’est mon critère principal pour choisir une nouvelle chaussure.
En gros, quand je courais régulièrement (entre 10 et 30 kilomètres par semaine, sur surface dure), je tuais une chaussure en 6 mois. Au-delà, l’amortissement n’était plus suffisant et les chocs remontaient dans les articulations.
J’évitais donc d’investir un SMIC dans une nouvelle paire, puisque peu importait le prix, je finissais par devoir en changer au bout de 6 mois de toute façon. Il est évidemment trop tôt pour que je puisse évaluer la longévité de l’Ultraboost, mais le principe de sa conception laisse penser qu’elle pourrait repousser ma limite moyenne des 6 mois.
En effet, « boost » est le petit nom de cette matière chelou qui compose la semelle : ce sont des petites billes fusionnées ensembles, qui assurent une excellente absorption des chocs, tout en permettant une restitution de l’énergie supérieure aux semelles en EVA.
Je la refais : quand on court, le pied se déforme naturellement. Quand on porte une chaussure « rigide » (pas du tout adaptée à la course), elle ne permet pas au pied de se déformer. L’Ultraboost, entre sa semelle souple et sa chaussette maillée qui épouse parfaitement le pied, absorbe le choc tout en restituant l’énergie de l’appui au sol.
En imagerie technique, ça donne le comparatif suivant : à gauche, un pied en chaussette. Au milieu, l’Ultraboost, qui amortit le choc tout en permettant la déformation naturelle du pied. Et à droite, la chaussure d’un concurrent.
Ça surprend car la publicité comparative n’est pas légale depuis bien longtemps en France, mais aux États-Unis, elle est monnaie courante. C’est sans souci qu’Adidas a mesuré sa dernière création à celle de son concurrent à la virgule.
Avantage compétitif
J’ai passé le plus clair de la journée à discuter avec les ingénieurs, et plus particulièrement Angus Wardlaw, directeur des innovations running, ou plutôt « directeur du futur », comme il s’est d’abord présenté en riant.
Je l’ai interrogé sur les différences de gammes entre les chaussures pour femmes et pour homme, assez (agréablement !) surprise que l’Ultraboost soit un modèle unisexe,
moi qui déteste les produits « pour femmes » (j’estime avoir le même pied qu’un homme qui fait la même pointure).
Effectivement, il m’expliquait qu’il y a bien plus de différences dans les besoins de deux hommes qui ont des pieds et une morphologie différentes, qu’entre un homme et une femme dans l’absolu.
J’ai pu l’interroger sur la conception de l’Ultraboost, ce qui m’a permis de comprendre comment la chaussure avait été étudiée et conçue, comment le choix des matériaux avait été opéré pour optimiser la durée de vie du modèle, et lui permettre d’être adapté au plus grand nombre.
Par exemple, on pouvait voir la différence d’amortissement entre une surface en EVA (à gauche) et une surface en BOOST (à droite). La balle en métal rebondit beaucoup plus haut sur le BOOST, comme dans cette vidéo.
https://youtu.be/Pfk0zqFuhFQ
Et pour démontrer la souplesse de ce matériau comparé à l’EVA, on pouvait également prendre en main deux chaussures sorties d’un congélateur : impossible de tordre la semelle en EVA, mais on arrivait toujours à déformer la semelle en BOOST. Cette caractéristique s’est avérée intéressante pour le test en conditions extrêmes que nous avons fait le lendemain !
Test run à Central Park
Car en bons New-Yorkais d’un jour, nous sommes allés tester nos Ultraboost flambant neuves lors d’un run (très)(trop) matinal à Central Park, le vendredi matin ! Il faisait un bon -5°C vers 8 heures lorsque nous avons attaqué notre petit 5 km, sur les routes gelées du parc.
Il faut savoir que je n’avais pas couru depuis septembre (et c’était sur tapis), donc je m’attendais à mourir, perdre un genou et sacrifier une cheville, sinon les deux.
Et non. Incroyable. Une sensation de rebondir, comme si j’étais montée sur des suspensions en caoutchouc. Et de fait, c’était un peu le cas ! Je n’avais pas pris la peine de « faire » les chaussures la veille, aussi et surtout parce que le tissage est censé limiter les frictions et diminuer les risques d’ampoules.
Évidemment, ce test ne vaut que pour ma propre expérience et n’est pas scientifique, mais j’ai rarement eu des chaussures que je n’avais pas besoin de « faire » à mon pied, sans qu’elle ne me laissent d’ampoules. On a monté des côtes, couru dans des descentes, dévalé des escaliers, pendant 40 minutes, par des températures négatives. Et j’ai passé un excellent moment ! À tel point que je suis motivée pour me remettre au running en extérieur, ce qui était loin d’être gagné depuis ma dernière blessure (aux articulations, à cause des chocs de la course).
Gros gros gros bémol de l’Ultraboost, que je tiens ici à dénoncer, par souci d’éthique : malgré toute la recherche et l’innovation qui ont été investies dans son développement, elle ne donne ni l’heure, ni la météo, elle n’a pas le WiFi ni la 3G, elle ne fait pas le café et comble de tout : elle n’avance pas toute seule. Il faut encore mettre un pied devant l’autre et contrôler son souffle et sa foulée pour compléter un run.
Franchement, c’est abusé. Mais bon, elle est si confortable et légère que je vais passer outre ce manquement grave. (Je vous confirme d’ailleurs où j’écris ces lignes, je n’ai QUE des douleurs musculaires dues à mon inactivité des derniers mois.)
En espérant que la prochaine running du futur prenne en compte les attentes des sportives du dimanche telles que moi (doux euphémisme pour « feignasse chronique », mais ça reste entre nous)…
L’Ultraboost débarque en ligne sur l’e-shop d’Adidas le 11 février, et dans les magasins à partir du 25. Elle sera vendu au prix de 180€, ce qui n’est certes pas donné, mais qui constitue un investissement honnête quand on veut se faire plaisir en courant (sans risquer de se flinguer les chevilles, les genoux, le dos, au choix ou combiné).
NB : également du voyage, j’ai pu rencontre Camille, la taulière de Mange tes légumes, un blog qui se consomme avec bonne humeur et sans modération ! Et il y avait aussi Roberto de Un Dos Tres, parce que la vie est pleine de surprises.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Je pense que tu sous-estimes beaucoup l'effet marketing dans la blogosphère fitness/running. Je compte plus le nombre de fois où j'ai lu ou entendu des filles dont la plus grande motivation pour se mettre à courir était une jolie paire de Nike fluo. Je juge pas, c'est une motivation comme une autre, mais du coup pendant que Nike, Adidas et compagnie inondent Facebook et Instagram avec leurs pompes à 180€, il y a d'excellentes marques qui passent inaperçues auprès des gens qui veulent se mettre à la course. Je pense notamment à Asics, Mizuno ou Brooks.
Il y a eu un reportage de Capital là-dessus il y a quelques jours (en replay ici, il y a des images du lancement de l'Ultra Boost à NY d'ailleurs) et ils décortiquent assez bien le phénomène, dans le sens où le reportage ressemble pas (complètement) à une pub de 20 minutes. On y apprend par exemple que Camille de Mange tes légumes est employée par Adidas, donc pour l'objectivité on repassera. Ils parlent aussi des groupes de course (au like/partage) lancés par Nike et Adidas mais c'est pas le sujet ici donc j'irai rager plus tard sur le topic des coureuses.
C'est dommage qu'il y ait pas de petit rappel dessus dans l'article, mais la seule bonne manière de choisir ses runnings, c'est d'aller dans un magasin spécialisé et de se faire conseiller par un pro qui va identifier notre foulée (universelle, pronatrice, supinatrice) voire diagnostiquer certains problèmes d'appui/posture, puis orienter vers des modèles de différentes marques qu'on pourra essayer autant qu'on veut avant de trouver LA chaussure. (Perso c'est toujours un super moment pour moi quand je teste la moitié du magasin owant Il y en a pour tous les budgets et au pire on peut toujours attendre les soldes ou trouver le modèle qui nous fait de l'oeil moins cher sur internet (:shifty. Et puis c'est beaucoup plus safe que d'opter pour le "nouveau modèle révolutionnaire" de la marque au plus gros budget marketing qui, pour le coup, pourrait très bien nous flinguer les chevilles, les genoux, le dos, au choix ou combiné si (j'imagine) le modèle en question est fait pour les foulées universelles alors qu'on a une foulée pronatrice.
De toute façon, une chaussure de running a une durée de vie d'environ 1000 kilomètres (plus ou moins selon le poids du coureur et sa façon d'attaquer le sol) donc c'est parfaitement normal de devoir en changer tous les six mois dès qu'on court régulièrement. Le bon plan, c'est de se fournir à chaque fois pendant les soldes voire d'acheter en double si on a un modèle de prédilection, et pareil pour les fringues.