Suite aux difficultés de Fab pour se coupé de la Toile (cf. L’impossibilité d’une coupure et Vacances déconnectées, le bilan, sur son blog), j’ai eu envie de creuser cette question qui divise : peut-on être accro Internet ?
Addiction à Internet : une légende ?
Le Big Boss est-il malade des Internets ? Ou juste addict au flamboyant magazine madmoiZelle ?
Figurez-vous que la réponse à cette question est bien complexe et que nous pourrions commencer par expliquer qu’en sciences humaines, on pourrait dire que oui, il existe une addiction à l’Internet, et qu’en même temps, il n’en existe pas vraiment. Voilà.
Pour certain·es chercheur·ses, il pourrait effectivement y avoir un moment où les pratiques d’Internet ne seraient plus « normales » et deviendraient « pathologiques », mais il n’existe pour l’heure pas de définition consensuelle du trouble.
Selon les auteur·es, on peut ainsi parler de « cyberdépendance », de « trouble de dépendance à Internet », ou encore « d’usage problématique d’Internet ».
Young définit le trouble comme une utilisation problématique d’Internet en dehors d’un usage professionnel ou institutionnel.
La cyberdépendance n’est pas forcément liée au temps que vous passez devant un écran
En fait, le temps passé devant l’écran dépend de tout un tas de choses : de votre culture, de votre boulot, de vos études, de ce que vous faites devant l’écran (j’ai cru comprendre que lorsque mon bien-aimé joue à Arche Age ou WoW, il lui faut drôlement plus de temps que pour torcher une partie de Super Mario).
Addiction à Internet : l’impact de la dépendance
Pour que la pratique d’Internet soit considérée comme problématique, on ne se préoccupe pas seulement du temps passé devant un écran, mais plutôt de son impact sur la vie sociale, scolaire/professionnelle, personnelle.
Pour les psychologues, le trouble de dépendance à Internet peut se traduire par des signes physiques (des yeux secs par exemple), des troubles du sommeil (insomnies, troubles de l’endormissement, privation volontaire de sommeil…), un isolement social
(mise en danger ou perte de relations sociales ou familiales, perte de l’emploi)…
Comme pour d’autres addictions, lorsque nous sommes accros, nous serions particulièrement préoccupé·es par le fait d’être en ligne, nous aurions besoin d’utiliser Internet de plus en plus longtemps afin d’être satisfait·es et nous ne parviendrions pas à contrôler, réduire ou arrêter notre utilisation.
Addiction à Internet : diagnostiquer la cyberdépendance
Il existe plusieurs « tests » pour diagnostiquer cette dépendance, mais leurs résultats sont à prendre avec des pincettes, car ils sont très récents.
En 1996, Orman a mis au point un outil « d’auto-évaluation » qui mesure le risque de développer une conduite addictive.
Pour faire cette auto-évaluation, Orman propose 9 questions :
- Généralement, quand vous vous connectez à Internet, est-ce que vous y passez plus de temps que prévu ?
- Cela vous gêne-t-il de limiter le temps que vous passez sur Internet ?
- Des amis ou des membres de votre famille se sont-ils plaints du temps que vous passez sur Internet ?
- Est-ce qu’il vous est difficile de ne pas vous connecter à Internet plusieurs jours de suite ?
- Est-ce que le temps que vous passez sur Internet a perturbé votre performance au travail ou vos relations personnelles ?
- Est-ce qu’il y a des sites sur Internet que vous trouvez difficiles à éviter ?
- Avez-vous du mal à résister à vos envies de faire des achats sur Internet ?
- Vous est-il déjà arrivé d’essayer de limiter le temps que vous passez sur Internet, et de ne pas y arriver ?
- Est-ce qu’à cause d’Internet, il vous arrive souvent de ne pas faire ce que vous aviez prévu ou aviez envie de faire ?
Lorsque les sujets ont de 0 à 3 réponses positives, Orman considère que le risque de dépendance est faible.
Lorsqu’ils ou elles ont de 3 à 6 réponses positives, le risque de dépendance serait moyen.
Enfin, lorsqu’il y aurait de 7 à 9 réponses positives, le risque de dépendance serait élevé.
Plus récemment, Laura Widyanto et Mary Mc Murran (2004) ont créé « l’Internet Addiction Test », qui est l’échelle la plus validée pour le moment par la communauté scientifique – sur cette page, vous trouverez les 20 items évaluant votre degré de préoccupation lié à Internet.
I N T E R N E T
Dépendance à Internet : symptôme d’autres pathologies ?
La psychologue Kimberly Young, ainsi que d’autres professionnels de la santé mentale, espéraient faire accepter ce trouble dans le DSM-V (le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux) (mais bon, le DSM, c’est loin d’être la Bible).
Mais par manque d’études et de données, l’addiction à Internet n’a pas fait partie des troubles ajoutés dans la dernière version du DSM.
Une partie de la communauté scientifique interroge cette dépendance à Internet.
Pour ceux-là, il y a un hic : la cyberdépendance ne serait que rarement une pathologie isolée, et serait bien souvent associée à d’autres troubles. Ainsi, les cyberdépendant·es seraient également atteints de dépression, de troubles anxieux, de phobies sociales, de troubles du comportement alimentaire…
Pour certain·es, la dépendance à Internet ne serait donc qu’un symptôme, l’expression d’un autre trouble.
Addiction à Internet : la diabolisation du Web ?
Dans son ouvrage Cyberdépendance et autres croquemitaines (disponible ici), le psychologue Pascal Minotte note que la notion de cyberdépendance est bien « utile ».e
Elle permettrait de diaboliser un outil, de trouver un bouc émissaire et de ne pas se pencher sur une « réflexion plus profonde sur ce qui manque et/ou fait souffrance ».
Dans la préface de cet ouvrage, Serge Tisseron s’interroge sur l’engouement pour la cyber addiction. Il écrit :
« La notion d’addiction a été si étendue ces dernières années que plus aucune conduite ne semble pouvoir lui échapper.
Les frontières entre dépendance, compulsion et passion s’effacent. De plus, de gros intérêts sont en jeu, car la médicalisation d’un comportement dans une classification psychiatrique entraîne aussitôt la création d’un nouveau marché. »
Pour le docteur en psychologie, Internet est un espace de socialisation — un espace réel, avec des socialisations réelles.
Il questionne la notion « d’usage excessif » et, à ce sujet, il ajoute :
« Évitons de croire qu’être un peu sur le réseau serait bien, mais qu’y être très longtemps serait problématique.
Parlera-t-on encore « d’addiction au virtuel » lorsque la connexion au réseau sera la norme en tous lieux ? »
Finalement, si Internet est un lieu réel et que ce que nous y vivons est tout aussi réel, alors le Web pourrait simplement fournir un nouveau support à des formes de dépendance déjà existantes…
Et toi, qu’en penses-tu ?
box title= »Pour aller plus loin… »]
- Jeux et mondes virtuels – du plaisir à l’addiction – Sciences Humaines
- L’ouvrage de Pascal Minotte : Cyberdépendance et autres croquemitaines
- Tous accros – Sciences Humaines
- Quand peut-on évoquer une addiction à Internet – Serge Tisseron pour la MNH
- Un papier de Kimberly Young et son test d’évaluation
- À propos de l’absence du trouble de dépendance à Internet dans le DSM V
- Les usages problématiques d’Internet et des jeux vidéo – pour les Cahiers de l’Institut Wallon pour la Santé Mentale[/box]
À lire aussi : Être addict aux séries, le mal du siècle
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
L'horreur ! Surconsommation d'internet. Une vraie boulimie. J'avais aussi une addiction au shopping en ligne. J'achetais frénétiquement parfois 3 fois le même truc. Une fois arrivé chez moi je mettais plusieurs jours à ouvrir le colis et je renvoyais le tout et rebelote. Parfois je gardais les trucs. Toujours avec leur étiquette. Qu'est-ce que je déconnais!
Ça s'est beaucoup calmé depuis que j'ai un boulot mais j'ai eu quelques épisodes similaires 1 ou 2 fois l'année dernière. Parfois je m'endors les lumières allumées devant l'ordi et je me réveille complètement paumée à 4h du mat' en ne sachant plus où je suis l'instant de quelques secondes.