À partir du moment où le cinéma devient parlant, la voix des acteurs et actrices prend une importance cruciale. C’est par elle que passent les émotions du jeu, mais c’est aussi un critère fondamental de leur popularité ! Dans les représentations de ce qu’est la masculinité, la voix occupe une place de choix. Elle se retrouve alors exploitée sur grand écran chez des acteurs qui n’ont pas forcément un physique d’Apollon.
C’est le cas de ce bon vieil Adam Driver, qui ouvre le Festival de Cannes 2021 dans Annette, une comédie musicale où il donne — justement — de la voix.
Adam Driver ? « Il n’est pas beau, il… a du charme »
Alors qu’il semble parfois sortir tout droit d’un clip d’Avril Lavigne, l’ancien US Marine fait l’unanimité. Certes, sa musculature plutôt développée et sa grande taille aident… Mais le charisme qui se dégage de l’acteur passe aussi beaucoup par son visage aux traits si particuliers, et surtout par sa façon de parler : un peu pataude, un peu dangereuse.
Ce phrasé se trouve habillé par un timbre vraiment singulier, frôlant parfois le ridicule tellement les sons de sa voix sont étouffés dans sa gorge. Un peu comme s’il mangeait une patate chaude.
Le fait qu’il ait une voix rauque participe entièrement à bâtir son image de bad boy version 2021. Et il n’est pas le seul pour qui c’est le cas ! Il suffit de penser à Alan Rickman (professeur Rogue entre autres), Benedict Cumberbatch (Sherlock, Docteur Strange) ou encore Cillian Murphy (Tommy Shelby dans Peaky Blinders) pour comprendre qu’une belle voix enrichit n’importe quel physique.
Elle devient même l’atout numéro un des acteurs qui « ne sont pas beaux » — dans le sens traditionnel du terme — « mais ont tellement de charme » !
Vrai homme a une voix grave, au cinéma aussi
Mais au fait, une « belle voix d’homme », c’est quoi ? Un timbre éraillé de loubard sous Jack Daniel’s ? Un accent british vêtu d’un smoking trois-pièces ? Avoir une voix grave et profonde s’inscrit dans une perception de la masculinité très hétéronormée qui voudrait qu’un vrai homme parle limite en infrasons tellement il est puissant.
Car une voix d’homme — de vrai homme — est tout sauf aiguë ! Eh oui : qui dit aigu, dit féminin, émotif, hystérique…
Si l’on met côte à côte Janice de Friends et Arnold Schwarzenegger, on perçoit bien la différence genrée et sexiste qui se produit sur nos écrans. D’un côté, l’aiguë insupportable rappelant la bêtise, de l’autre le grave sans émotion rattachée au contrôle et donc… au pouvoir. La cruelle ironie, c’est que les actrices aux voix graves, si aimées soient-elles, jouent souvent des rôles de femmes fatales hypersexualisées.
De leur côté, certains acteurs aux voix nasillardes ou aiguës ont quand même rencontré le succès… en se la jouant humoristes ! Par exemple, Robin Williams était réputé pour sa palette d’accents allant de l’animateur radio survolté dans Good Morning Vietnam à la Mary Poppins sous testostérone de Mrs. Doubtfire. Idem pour Jim Carrey ou Eddie Murphy.
Les voix aiguës, c’est pour les rôles de mecs marrants, parfois hyperactifs, parfois dans la lune, ou pour les rôles secondaires. Rarement pour les héros désirables.
Et côté doublage, alors ?
Côté doublage aussi, il y a des choses à dire sur les voix. Le plus drôle, c’est quand la voix française plaît davantage que la voix originale de l’acteur ! Disons-le, quand on écoute Bruce Willis parler, on est déçues : on a l’impression d’entendre un bon vieux papa du Midwest américain prêt à faire griller quelques saucisses. Rien à voir avec celle de Patrick Poivey, son doubleur, qui étoffe le personnage en lui donnant un timbre d’aventurier rigolo mais toujours partant pour la castagne.
Mais il ne faut pas oublier que la voix, c’est connoté, et ça peut être discriminant. Parlons des acteurs afro-américains par exemple… Pendant des années, le milieu cinématographique a trop souvent traduit les voix des hommes noirs autour des mêmes stéréotypes racistes : graves, rocailleuses, teintées d’un accent. C’est la même chose lorsque l’on pense au doublage des acteurs asiatiques ou natifs-américains (souvent pris en charge par des blancs).
À une variété de voix doublées pour des acteurs blancs s’oppose une uniformité du doublage et des rôles pour les acteurs racisés. Preuve, s’il en fallait une, que la voix, décidément, est une composante essentielle au cinéma et mérite notre attention.
À lire aussi : On a rencontré Maïk Darah, voix de Monica (« Friends ») et l’une des rares comédiennes noires du doublage français
Les Commentaires
Et je précise que bien que je sois toujours mal à l'aise vis a vis du côté armée, il y a plein d'acteurs que j'adore avec qui je ne serai pas forcément d'accord politiquement Gary Oldman par exemple ou même Matthew McConaughey qui parfois semble super à gauche parfois bien conservateur (mais finalement il a même ce côté paradoxal dans les choix de rôle) et bref ce que cela montre c'est une certaine sincérité dans les propos.
Enfin quoiqu'il en soit, très bon acteur et je ne pense pas qu'il est une exception dans les physiques dit atypiques à l'écran....en fait des visages dans les canons hyper symetriques à la Aaron Eckart ou Luke Evans seront finalement hyper rares dans la vraie viz alors que des visages moins normés seront plus courants....
ce qui serait bien, c'est que les physiques féminins un peu hors des canons grecs soient AUSSI mis en valeur au cinéma (il y a quand même de belles carrières comme Frances McDormand, Toni Colette etc) mais en plus ce serait genial qu'elles soient considérés comme sexy! On en est loin je le crains!