Après La Nuée, un film d’horreur français qui ne ressemblait à aucun autre, le réalisateur Just Philippot pousse encore plus loin le curseur de l’effroi en mettant en image la fin du monde la plus atroce qui soit.
Quand l’effroi du cinéma d’horreur et l’angoisse de l’écoanxiété se rencontrent pour vous prendre aux tripes, il en ressort l’un des meilleurs films de l’année.
Acide, de quoi ça parle ?
Selma, 15 ans, grandit entre ses deux parents séparés, Michal et Élise. Des nuages de pluies acides et dévastatrices s’abattent sur la France. Dans un monde qui va bientôt sombrer, cette famille fracturée va devoir s’unir pour affronter cette catastrophe climatique et tenter d’y échapper.
La fin du monde, en vrai, c’est relou
En allant voir Acide, ne vous attendez pas à un énième flm où la Terre est envahie par des créatures que l’on peut toujours tuer, détruite par des ouragans que l’on voit arriver de loin, engloutie par un tsunami que l’on peut fuir dans un désert.
Ainsi, Acide n’est pas un « sous-film catastrophe américain », le budget et les effets spéciaux en moins, notre cher Guillaume Canet national en plus. C’est une proposition de cinéma complètement neuve, drôle et déprimante, un film de genre ultra-réaliste dans un bled du Nord de la France qui assume ce que tous les blockbusters américains édulcorent : en réalité, la fin du monde, c’est pénible.
Le réalisateur Just Philippot fait valdinguer la figure stéréotypée du daron banal qui se révèle être un génie de la stratégie façon Tom Cruise dans La Guerre des Mondes, ou du gosse qui finit par sauver l’humanité grâce au pouvoir de l’amour que lui porte sa maman. Acide assume la radicalité de son parti pris ultra-réaliste… et c’est pour cela que ses protagonistes sont plus ou moins insupportables.
Le mieux dans tout cela, c’est qu’ils ont de très bonnes raisons de l’être, car la fin du monde, c’est pénible : il faut s’organiser alors que la mort guette à chaque recoin, se mettre d’accord. On ne peut pas se permettre de se disputer, de s’arrêter quand on a faim, qu’on est fatigué ou qu’on a simplement une flemme immense. Quand la personne que l’on aime meurt dans d’atroces souffrances, il faut continuer à avancer, sinon, on va rater le bus qui nous permettra de survivre, pendant, peut-être, quelques heures de plus.
La beauté du désespoir
Nihiliste, déprimant, mais incroyablement lucide, le film de Just Philippot est bourré d’un humour pince-sans-rire et d’audace. Il s’avère aussi absurde et désespérant que l’obstination du capitalisme à continuer à surconsommer, piller et faire du profit malgré l’urgence climatique.
Pour autant, le réalisateur ne verse pas dans le cynisme. Il ne s’amuse pas à les torturer. Au contraire, il y a une grande beauté dans l’énergie de leur désespoir. On est troublé, touché, on s’identifie à leur façon de continuer à avancer tout droit pour aller nulle part, grappillent quelques minutes supplémentaires pour être rongé par l’acide une heure plus tard.
L’horreur et l’écologie ont pour point commun de forcer à être humble
Le plus intéressant est que cette rencontre entre le cinéma fantastique et le prosaïsme le plus total ne sont pas seulement divertissants, mais agissent comme un révélateur des rapports de pouvoir entre les genres et les âges.
Le film oblige les personnages à la plus grande humilité. Michal est un syndicaliste révolté au sang chaud. Au début du film, on apprend qu’il n’hésite pas à utiliser sa force physique pour lutter contre un système mortifère. Il a aussi quitté sa femme pour une autre. En temps normal, c’est un personnage volontaire, qui se croit maître de son destin.
D’ailleurs, le sentiment d’écoanxiété lui échappe complètement. Lorsque sa fille de 15 ans lui confie ses inquiétudes au début du film, il lui rit presque au nez. Il ne peut concevoir d’être impuissant. Tout au long du film, il continuera de croire que sa détermination, son intelligence – et quelque part, son égoïsme, lui permettront de se sauver.
Le seul avis qui compte, celui de Kalindi, sur Acide
Cette semaine, Kalindi a failli aller bien. Mais c’était avant de voir Acide, le splendide film de Just Philippot, qui lui a foutu le plomb pour les 70 années à venir (si tant est qu’on ait la chance de vivre jusque-là !).
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Les Commentaires
J'ai toujours du mal à prendre au sérieux ces critiques qui s'expriment en disant "oh là là ce film sera le plus marquant que vous verrez de votre vie ou de cette année", parce que c'est finalement un sentiment très subjectif et personnel.