La semaine dernière, une marque de fringues très attentionnée m’a envoyé un email me promettant un Black Friday complètement fou-fou, rempli de frusques et de promotions jusqu’à moins 200% (au moins). Figurez-vous que je suis vulnérable aux sirènes du marketing et, qu’une chose en entraînant une autre, j’ai fini par acheter un manteau (drôlement beau sur la dame de la photo, drôlement moins IRL sur moi-même) – en faisant une économie d’à peu près 1,30€, splendide (non) !
Ce matin, alors qu’une autre marque m’écrivait que BON SANG, ce week-end, je pouvais profiter de 30% de réduction sur une large sélection de quatre vêtements, j’ai failli retomber dans le panneau – est-ce que ce genre de trucs vous arrive, à vous aussi ? Êtes-vous du genre à acheter compulsivement ?
À l’approche des festivités de Noël et de la course aux cadeaux, je me suis dit que c’était sans doute un bon moment pour parler de tout ça : y a-t-il un moyen pour lutter contre nos impulsions consommatrices ? Comment résister aux achats impulsifs ?
Dans un article pour le New York Times, le psychologue David DeSteno explique que les stratégies marketing fonctionnent plutôt bien : en scandant qu’il n’y aurait plus que X téléphones à ce tarif-là, ou que telle réduction est seulement valable pendant X heures, les marques induisent en nous un sentiment d’urgence, l’impression que l’achat doit avoir lieu maintenant, ou jamais…
Le truc, c’est que nous aurions tendance à apprécier la gratification immédiate — autrement dit, cela serait particulièrement difficile pour la plupart d’entre nous de résister à une récompense immédiate, même si l’on nous promet une récompense plus importante dans le futur (nous avions abordé le sujet avec l’expérience du Marshmallow).
Une arme contre la tentation : le sentiment de gratitude
Pour DeSteno, nous pourrions travailler sur cette vulnérabilité à la consommation, nous serions capables de nous maîtriser… Selon le scientifique, l’une des manières les plus efficaces pour résister à l’achat impulsif, ce serait de cultiver un sentiment de gratitude, de reconnaissance. Eh oui, mesdmoiZelles : plus nous nous sentirions reconnaissant-e-s, moins nous aurions tendance à remplir nos paniers réels ou virtuels.
En fait, les chercheurs-es ont montré que les émotions négatives pouvaient nous pousser à prendre des décisions foireuses. Par exemple, la colère peut nous pousser à balancer nos téléphones sur le sol (ou les murs, c’est selon)… et nous pouvons tenter de noyer un chagrin sur un quelconque e-shop. Avec ce premier constat en tête, David DeSteno et son équipe se sont attelés à étudier les effets potentiels des émotions positives sur nos décisions.
L’équipe de recherche a mobilisé 75 personnes et a demandé à ces participants de se remémorer trois types de moments :
- Les un-e-s devaient se rappeler un moment où ils s’étaient senti-e-s reconnaissant-e-s
- Les autres devaient se souvenir d’un moment où ils avaient été amusé-e-s
- Enfin, les dernier-e-s devaient simplement se remémorer un jour typique.
Les chercheurs-es demandent aux participant-e-s de décrire ces moments par écrit. Ensuite, les sujets doivent répondre à 27 questions de type « préférez-vous avoir X dollars maintenant ou Y dollars dans Z jours ? ». Dans ces 27 questions, on proposait toujours une somme d’argent moins importante maintenant, et une somme plus importante plus tard ; l’intervalle de temps entre les deux pouvait aller de quelques jours à quelques mois. Pour rendre les choses plus concrètes, les chercheurs-es donnaient parfois réellement la somme d’argent proposée.
Préférez-vous 10$ aujourd’hui ou 50$ dans six mois ?
Figurez-vous que les résultats sont sans appel : nous défions toute logique et avons une nette tendance à vouloir empocher le cash maintenant, même si on nous propose d’obtenir plus de pépettes en attendant un peu plus.
Ainsi, le groupe de personnes qui s’est remémoré une journée-type a préféré la gratification immédiate (la plupart d’entre elles ont choisi de recevoir 17$ « maintenant » plutôt que 100$ un an plus tard), tout comme les participant-e-s qui se sont souvenus d’un moment où ils ont été amusés (ces dernier-e-s ont souhaité recevoir 18$ « maintenant », plutôt que 100$ un an plus tard)…
Les sujets qui s’étaient souvenus d’un moment où ils avaient ressenti de la gratitude ont également opté pour une gratification immédiate, mais plus élevée : il a fallu qu’on leur propose 30$ aujourd’hui, pour qu’ils laissent tomber les 100$ dans un an.
Autrement dit, le simple souvenir d’un sentiment de gratitude permet de résister un peu à la tentation d’une gratification immédiate. Pour DeSteno, la patience serait ainsi directement liée au niveau de gratitude que nous ressentons – plus nous sommes reconnaissant-e-s, plus nous sommes capables d’attendre… et moins nous serions susceptibles de céder aux achats impulsifs !
Pour aller plus loin…
- L’article de David DeSteno pour le New York Times
- L’expérience de DeSteno (et al.) expliquée sur Psychological Science
- Un article de Nicolas Guéguen sur la « pathologie » de l’achat compulsif
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Les Commentaires
Par contre comme @Munin, je pense que l'expérience est biaisée par le principe d'incertitude: un tiens vaut mieux que deux tu l'auras.