C’était une bien mauvaise date pour choisir de publier un droit de réponse, comme l’ont fait remarquer certains observateurs. Vendredi 18 novembre, à la veille d’une journée de mobilisation contre les violences sexistes et sexuelles en France, le youtubeur Léo Grasset, créateur en 2014 de la chaîne Youtube DirtyBiology, a publié une vidéo de 35 minutes dans laquelle il répond aux accusations dont il fait l’objet depuis l’été. En juin dernier, Médiapart avait publié plusieurs témoignages de femmes relatant des violences sexuelles et psychologiques de la part du youtubeur, figure de la vulgarisation scientifique sur Youtube. À ces témoignages, dont l’un relatait un viol qui aurait eu lieu en 2016, s’ajoutaient aussi les voix de plusieurs confrères et consœurs youtubeurs auprès desquels ces huit femmes se seraient confiées.
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Dans la foulée de ces accusations, le youtubeur s’était simplement fendu d’un texte publié sur son compte Twitter, dans lequel il contestait les accusations relayées à son encontre. « J’ai toujours été attentif au respect du consentement de l’ensemble de mes partenaires », assurait-il, précisant préférer faire « le choix de (s)’abstenir de tout commentaire supplémentaire à ce stade », sur les conseils de ses avocats.
Depuis, Léo Grasset était resté particulièrement silencieux, ne publiant plus de vidéos sur sa chaîne Youtube.
Une vidéo-plaidoyer, mais pas un mea culpa
Vendredi 18 novembre, le youtubeur est sorti de son silence, dans une longue vidéo publiée sur ses réseaux sociaux et sa chaîne Youtube, dans laquelle il entend « répondre à tout ça ». Face caméra, dans un décor sobre sur fond gris, Léo Grasset revient, pendant 35 minutes, sur les accusations dont il fait l’objet. Une vidéo sous forme de plaidoyer, mais pas de mea culpa.
Pour sa défense, Léo Grasset entend détailler comment, selon lui, l’enquête menée par les journalistes de Médiapart a dressé un portrait « qui est malhonnête », et comment celle-ci construit « un personnage toxique à coups d’insinuations et de citations tronquées », laissant entendre de façon à peine voilée (comme il le fait à plusieurs reprises dans la vidéo) que l’enquête n’a pas été réalisée avec les précautions nécessaires, voire a été bâclée, questionnant ainsi la déontologie des journalistes et décrédibilisant leur travail avant de nier complètement la parole des victimes. Dans ces conditions, le youtubeur promet à celles et ceux qui regardent la vidéo qu’il va leur « montrer quels procédés sont utilisés et donner (sa) version des faits ».
« Je ne reconnais absolument pas cette description des événements qui ne correspond pas à ma façon d’être dans les rapports sexuels »
Point par point, Léo Grasset se lance donc dans une énumération des faits qui lui sont reprochés et entend prouver qu’il est innocent, preuves à l’appui (les captures d’écran de conversations mentionnées dans la vidéo sont toutes accessibles en mettant sur pause, les noms seulement ayant été floutés).
Sur les accusations de viol sur la personne de Lisa, qui témoigne dans l’article de Médiapart, il affirme d’emblée nier « catégoriquement cette accusation. Je ne reconnais absolument pas cette description des événements qui ne correspond pas à ma façon d’être dans les rapports sexuels ». Il précise par ailleurs n’avoir jamais été en couple avec la jeune femme, comme elle le mentionne pourtant dans son témoignage.
En plus des accusations de violences sexuelles et psychologiques dont il fait l’objet, l’article de Médiapart mentionne aussi comment le youtubeur aurait contribué à mettre à mal la carrière de Lisa, si ce n’est tout simplement à la « griller » auprès du microcosme de Youtube. Des accusations que Léo Grasset réfute également, avec à l’appui, des captures d’écran de créateurs et créatrices de contenus Youtube, qui témoignent aussi dans l’article, et qui auraient pris part à la campagne de dénigrement de la jeune femme. « Comme vous allez le voir, de nombreuses personnes interrogées dans l’article avaient leur propre récrimination contre elle et c’étaient des choses avec lesquelles je n’avais rien à voir, qui se passaient sans moi et qui sont parfois allées beaucoup trop loin ».
Tricherie, mensonge et imposture
« Sans toute cette remise en contexte, il ressort de cette partie de l’article l’impression que j’avais conspiré dans l’ombre pour lui nuire (…) avec la remise en contexte, on peut admettre que si je n’ai pas fait grand-chose pour l’aider, je n’ai pas non plus particulièrement dépensé d’énergie pour dégrader son travail et sa réputation, et certainement moins que d’autres. Perso, j’ai jamais contacté de journalistes pour qu’ils fassent un papier sur elle dans la presse » plaide-t-il. Cependant, s’il met en lumière, à l’aide de ces captures d’écran, les diverses critiques émanant de la conversation, qui accusent Lisa de tricherie, de mensonge sur ses diplômes ou encore d’impostures et de certaines « méthodes », Léo Grasset ne montre à aucun moment s’il a répondu ou non à cette conversation, dont il dit simplement ne pas être l’origine, laissant par là entendre qu’il n’y aurait à aucun moment pris part en ne dépensant pas « d’énergie pour dégrader son travail ». Une défense sous forme de renvoi de balle.
« Il semblerait que plusieurs d’entre eux aient fini par se réconcilier avec cette personne, ce qui est une bonne nouvelle, et d’ailleurs cette ambiance stérile et anxiogène avait également fini par m’affecter » poursuit-il ensuite, laissant entendre que cette « conspiration » se serait peut-être finalement retournée contre lui.
Convaincant, ou pas ? Seul le temps de la justice le dira. Reste que Léo Grasset reconnait de lui-même avoir « une vie amoureuse parfois bordélique (…) faire des blagues de gros beaufs », des comportements loin d’être répréhensibles, mais à condition de savoir précisément ce que l’on met dedans.
En juillet dernier, la créatrice de la chaîne « Passé sauvage », Clothilde Chamussy, a déposé une plainte pour « propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste imposés de façon répétée ». Des blagues de gros beauf, c’est tout ?
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