Repeindre les murs, pousser les meubles, récupérer, détourner… Suffit de s’y mettre un peu pour choper le virus brico-déco. Et ils sont de plus en plus nombreux, les adeptes du « Faites tout vous-même » state of mind. Allez : que tous les accros lèvent le pinceau.
Déco Fever
Pas besoin d’être très fin observateur pour remarquer à quel point tout nous pousse à prendre soin de nos intérieurs. Pour preuve, le succès des salons déco/création qui encouragent tout un chacun à exprimer son individualité dans la nuance de son couvre-lit, ou encore la multiplication des chaînes et émissions consacrées à la déco.
Exemple : le très populaire Question Maison et son moment phare, SOS Maison, où un fringant architecte en blouson de cuir vient ravaler la chaumine des particuliers paumés :
– Mireille, voici le croquis de votre studio à l’origine.
– Oui, je reconnais bien cet agencement de merde et ces dimensions de placard, oui, c’est tout à fait ça. Vous dessinez bien.
– C’est mon métier, Mireille. Donc, voici l’idée : d’abord, je fais sauter la kitchenette.
– Oui…
– Ensuite, je fais sauter le placard à compteur
– Oui…
– Ensuite, je fais sauter la cloison de la salle de bain
– Oui…
– Ensuite, je fais sauter la mezzanine.
– Oui…
– Et là, je réaménage totalement l’espace pour l’optimiser, ce qui devrait donner… Ceci. Alors ?
– …
– Ca vous plaît pas ?
– C’est que… J’aurais voulu une salle de gym.
– Mireille, allons. C’est SOS Maison. Pas SOS Miracle.
Donnez à l’Homme une part de rêve, il exigera tout le gâteau.
« Faites tout vous-même » state of mind
Bien sûr, l’envie d’aménager son nid n’est pas nouvelle, mais se créer un univers vraiment propre à sa personnalité semble de plus en plus important aux yeux des moutons que nous sommes. Avec, chez les décorateurs amateurs, une envie grandissante de trouver l’ambiance qui n’appartiendra qu’à eux, de mettre la main à la pâte, bref, de se la jouer « faites tout vous-même et si possible, pas comme les autres ». Le hic : tout le monde n’est pas capable, comme moi, de dessiner, découper et assembler ses propres meubles *.
Les professionnels l’ont bien compris. C’est pourquoi, en marge des traditionnels cours de bricolage qui initient les néophytes aux charmes de la pose de parquet, les fans de déco se voient proposer de plus en plus d’accessoires de « personnalisation » plus ou moins standardisés. Exemple ? Les stickers à positionner soi-même sur les surfaces de la maison. Une alternative au papier peint classique qui donne l’impression de se créer une tanière vraiment différente de celle du voisin.
* Je déconne : le dernier meuble que j’aie fabriqué date de 1987. C’était une commode en rouleaux de PQ et boîte Beghin Say destinée à cette blondasse de Barbie.
L’effet Déco-thérapie
On comprend facilement cette fièvre quand on a soi-même goûté aux vertiges de l’aménagement d’intérieur et du bricolage amateur : ce sentiment de puissance l’outil à la main, cet effet exutoire qu’il y a à s’oublier dans le travail manuel, cette jubilation à intégrer dans nos vies un peu d’artisanat, le plaisir de réinventer son univers et d’exprimer sa créativité et enfin, cette fierté sans borne une fois le travail terminé. Le résultat n’a même pas besoin d’être parfait : ça bave, ça dépasse, ça branle et ça pendouille ? Pas grave : la déco perso, c’est un peu comme le collier de nouilles de maternelle. Ce qui compte, ça n’est pas forcément le résultat, c’est plutôt la démarche.
– Ce que ça a changé chez toi… Y s’est passé quoi ?
– J’ai changé de boulot.
– Je vois pas trop le rapport…
– Y me font tous chier, ces cons. Alors le soir, je ponce. Je coupe. Je cloue. Je badigeonne.
– Bah oui, ça détend…
– … Et ça m’évite quelques homicides.
Quand la vie te rend marteau, hop, déco.
Aménager n’est pas jouer
Bien entendu, si tu es un peu pratiquante, tu auras déjà nuancé cette description idyllique. A moins d’être une killeuz du kit, une queen du clou, une princesse du pinceau (oui, j’aime les allitérations – et alors ?), personne n’échappe aux dérapages. Personne ne réussit toutes ses tentatives de bricolage : suffit d’être un peu distrait, un peu fatigué, pas très patient ou pas très rigoureux pour se louper. L’erreur la plus répandue ? Le manque de préparation option grillage d’étape (outils oubliés, consignes mal lues, sol mal protégé etc.), péché qui transforme souvent l’atelier-déco en anti-chambre de l’enfer.
Pourtant, peu importe ces petits désagréments, car au fond, la déco, c’est un peu le Rallye Dakar du sédentaire, le Raid Gauloise de l’inactif. Plus on en chie pendant, plus on est fier après. A condition bien sûr… de réussir à terminer.
– Original, ce mur. Ce côté « moitié papier peint-moitié béton », c’est fait exprès ?
– Nan. J’arrivais pas, ça m’a gonflé, c’est resté.
– Ah. Et le quart de table poncé, c’est…
– Interruption par gastro.
– Et les bouts de bois, là…
– Des planches que j’ai récupérées. Je vais en faire des cadres.
– Cool. Je suis pas du tout bricoleur, moi, alors j’admire, vraiment.
– Tu devrais essayer, ça fait du bien. C’est une quête de soi dans la transformation du matériau.
– Et… Tu comptes finir quand ?
– Chais pas. La quête de soi, c’est long, tu sais.
– Evidemment.
Dans l’engrenage du changement
Attention toutefois : la déco tendance « faites tout vous-même », c’est fun mais c’est addictif. Mettre le doigt dedans, c’est souvent entamer une réaction de changements en chaîne diabolique. On commence par déplacer le bureau. Une fois le bureau déplacé, on le voit sous un jour nouveau. Un jour moche. On se dit qu’il aurait besoin d’un coup de pinceau. On le repeint. Puis on se rend compte que la pièce paraît plus fade. On la repeint. Puis on a envie de rhabiller le mur. Alors on ajoute un miroir. On récupère un cadre. On ajoute une guirlande. Et puis des boîtes de rangement rigolotes… Et ainsi de suite jusqu’à ce que ravalement total s’en suive.
La plupart du temps, ce cycle est interrompu par une période de calme pendant laquelle la victime, satisfaite du résultat, jouit de son nouvel environnement sans entreprendre de nouvelle modification. Mais chez quelques malheureux, le mouvement est perpétuel. Pour eux, la décoration est un besoin, le changement un réflexe. En langage Casto, on appelle ça « La décoratite ».
– Le vert anis est très tendance, cette saison.
– Hmmmm…
– Ca irait parfaitement avec le bois de l’étagère.
– Hmmm…
– Sauf que si je repeins le mur en vert anis, faut que je change les stores.
– Hmm…
– De toute façon j’aime pas ceux-là, je les avais choisis pour aller avec le canapé mais depuis qu’on l’a plus, ben je les aime plus non plus.
– Hm….
– En réalité, cette pièce devrait être un bureau. Pas un salon. Je vais faire un plan, je reviens.
– Par Ikéa et Leroy Merlin, par Casto et tous ses saints, je t’en conjure, Mr Bricolage, délivre-la de son addiction. Amen.
Au fait… T’aurais pas vu mon catalogue Ikea ?
(Source : Omodern.com)
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