Il y a un an, le hashtag #MeToo se répandait comme une traînée de poudre sur Twitter.
Toutes les femmes ayant joint leur parole pour qu’enfin on les écoute ont été distinguées, ont remporté des victoires, ont démontré leur force en lançant un mouvement d’ampleur…
Mais si le sujet est plus audible, le combat continue d’être d’actualité. L’occasion de relire cet article, et de se rappeler qu’il faudra encore du travail avant que la peur change réellement de camp.
– Article publié le 9 octobre 2018
Porter plainte est rarement une partie de plaisir, mais lorsque l’on est victime de violences sexuelles, la démarche peut s’avérer véritablement douloureuse.
Peu de victimes de viol portent plainte
Les faits sont là : seules 10% des victimes portent plainte. Les résultats de l’enquête menée par la Fondation des Femmes au cours du mois de septembre sont éloquents.
Un an après l’émergence du mouvement #MeToo dans l’espace public, le sondage visait à en mesurer l’impact dans la vie des femmes.
1169 femmes victimes de violence ont répondu au questionnaire, parmi elles 71% ont témoigné des violences subies mais seules 10,5% ont contacté les services de police et de gendarmerie.
Et plus de la moitié (55,2%) de celles qui l’ont fait déclarent être insatisfaites de leur expérience avec ces services.
Bien sûr, il peut exister 1000 raisons pour ne pas porter plainte et je n’en referai pas la liste ici, mais l’appréhension quant à la manière dont la parole sera reçue par la police et la justice est clairement l’une d’elles.
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Le CAUVA de Bordeaux, l’UMJ de Bondy : des modèles à dupliquer
Comment alors faciliter les procédures, soutenir et encourager le dépôt de plainte ?
Dans un très bon article du Monde, les journalistes Emeline Cazi et Jean-Baptiste Jacquin listent des initiatives locales qui gagneraient à être reprises à plus large échelle et/ou améliorées.
Exemple d’efficacité par excellence, le CAUVA de Bordeaux dont je vous parlais déjà dans l’article « Que faire après un viol ? ».
« Les victimes d’agressions sont accueillies à l’hôpital, dans un lieu unique, le Cauva. Des médecins légistes, des psychologues, des infirmières écoutent, prélèvent les indices nécessaires si c’est encore possible et facilitent les démarches judiciaires.
Et si les personnes hésitent à déposer plainte, les preuves sont conservées trois ans sous scellés. L’expérience est un vrai succès. Plus d’un tiers des femmes déposent plainte (contre 10 % d’ordinaire). »
Un dispositif similaire existe également au sein de l’Unité Médico-Judiciaire (UMJ) de l’hôpital Jean Verdier à Bondy.
Les victimes y sont prises en charge par un personnel spécialement formé,
ce qui peut être rassurant pour elles.
Des efforts à Paris pour faciliter la prise en charge des victimes
Dans une démarche similaire, Emeline Cazi et Jean-Baptiste Jacquin racontent qu’une convention a été signée entre le parquet de Paris et l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris au printemps dernier.
Elle permet que lorsqu’une victime se rend premièrement à l’hôpital plutôt qu’à la gendarmerie ou au commissariat, les médecins demandent systématiquement si elle désire porter plainte. Auquel cas ils font les prélèvements nécessaires, conservent les vêtements, et font venir la police pour prendre la déposition.
Mais là où la démarche pêche, c’est que si la victime ne souhaite pas déposer plainte immédiatement, les prélèvements ne sont pas conservés pour lui laisser la possibilité de le faire plus tard.
Cela témoigne cependant des efforts mis en œuvre pour pallier les problèmes de prise en charge à l’origine des réticences des victimes à déposer plainte. Dans la même veine, le procureur de Paris François Molins a donné de nouvelles directives aux services de police :
« [Il a exigé] que toute personne qui vient déposer plainte pour viol dans un commissariat soit aussitôt dirigée vers un service de police judiciaire, où des enquêteurs spécialement formés prendront la première audition.
Et pas question de la laisser s’y rendre seule, elle devra être conduite en voiture si nécessaire. « Le temps d’attente au commissariat doit être très réduit », ajoute le procureur.
Et « si les locaux le permettent, [la première audition] doit se dérouler dans un lieu adapté ». »
Des efforts à poursuivre en collaboration avec les associations
Bien sûr, toutes ces démarches ne garantissent pas une prise en charge optimale dans 100% des cas. Il y a encore de nombreuses failles, ne serait-ce que parce que ces services ne sont pas disponibles sur l’ensemble du territoire.
Mais les choses avancent et il faut continuer d’encourager ces évolutions indispensables pour la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
C’est ce que veut également réaffirmer la Fondation des Femmes grâce au résultat de son enquête, comme l’explique sa Présidente Anne-Cécile Mailfert :
« Les résultats de l’enquête démontrent que l’interlocuteur de confiance par excellence, ce sont les associations : 96% des témoignantes ont confiance ou très confiance en elles.
En revanche, seulement 18% ont confiance ou très confiance dans la police et la gendarmerie, et seulement 26% pour la justice.
Cela montre que si l’on veut mettre un terme aux violences sexuelles, accompagner les victimes, il faut soutenir les associations : faire en sorte qu’elles soient plus accessibles, plus nombreuses, plus développées, avec des moyens plus conséquents. »
Ces propos prennent encore davantage sens lorsqu’on garde en tête qu’une victime bien accompagnée est une victime qui a trois fois plus de chances de porter plainte.
En effet un tiers des personnes se confiant au numéro du Collectif Féministe Contre le Viol (CFCV) engagent ensuite des démarches judiciaires, contre seulement 10% globalement comme indiqué au début de cet article.
RDV sur Le Monde pour lire l’intégralité de l’article
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Les Commentaires
Courage à toi, les procédures sont longues et éprouvantes mais c'est important de faire tout ça.