Un des albums les plus attendus de l’année est sorti dans vos grandes surfaces favorites : A Woman A Man Walked By est, comme tout album de PJ Harvey, un véritable événement puisque la reine du rock alternatif s’est fixée comme ligne de conduite de ne jamais, ô grand jamais, faire deux fois la même chose. Faire toujours la même chose n’est pas obligatoirement une mauvaise idée, j’en veux pour preuve les Ramones ou AC/DC qui ont utilisé ou utilisent toujours les mêmes recettes et franchement, je ne m’en plains pas. Enfin. La plupart du temps. Bref, cet album-ci allait surprendre, forcément. Le précédent, White Chalk avait plus que surpris, puisque c’est une véritable métamorphose à laquelle on avait assisté : un piano, pas d’électrique… Le résultat était d’une beauté éblouissante. Qu’en est-il de celui-ci ?
Il est important de préciser qui est John Parish. Son nom apparaît pour la deuxième fois sur un album de l’Anglaise, après Dance Hall at Louse Point, mais il a largement participé à 3 de ces autres disques avant celui-ci, dont le dernier, White Chalk. Son rôle sur A Woman… est cette fois bien plus important puisqu’il a écrit toute la musique et joue d’à peu près tous les instruments, tandis que Polly – que j’appelle par son prénom, je vous expliquerai pourquoi plus bas – s’est “contenté” pour une fois d’écrire l’intégralité des chansons et de les interpréter avec sa classe rock’n’roll habituelle, en s’accompagnant au piano.
Cet album est donc celui d’un duo plus que de Polly seule. Je vous en parlais en introduction, un album de PJ Harvey est toujours une surprise, et celui ne déroge pas à la règle. Plus bordélique que White Chalk, dans le sens où les n’ont véritablement rien à voir les unes avec les autres et sont plus une collection de chansons concoctées par JP et PJ, A Woman… étonne d’abord par son éclectisme. On retrouve l’écriture sombre, parfois complètement dingue de Polly : "I WANT HIS FUCKIN’ ASS !" hurlé plusieurs fois avec une violence noire, ça ne peut pas laisser indifférente ! C’est limite du Orelsan dans l’texte ! On est bien loin du calme angélique de White Chalk et on retourne plus du côté de la période Rid of Me. L’écriture de PJ Harvey, les Anglais ont un mot pour la décrire : twisted. Je ne trouve pas un mot équivalent en français… Qu’on prenne ses textes au premier, au second ou au vingt-quatrième degré, il y a toujours de quoi s’interroger, de quoi être troublée, d’autant qu’elle a amorcé un virage plus intimiste depuis Stories from the City, Stories from the Sea (2000).
Je l’appelle par son prénom car c’est une des artistes qui me parle le plus, comme Bob Dylan, Lou Reed, et pas mal d’autres en fait. Pour moi la musique passe avant les mots : tant je peux aimer une chanson dont les textes sont à chier, tant je ne peux prendre plaisir à écouter un magnifique texte accompagné d’une musique qui m’écorche les cages à miel. Le plaisir avant tout ! En ce sens, ce disque est une putain d’orgie de 38 minutes.
Avec peut-être une pause pipi sur "April", où la voix de Polly alterne horreur et splendeur. La voix de Polly Jean, parlons-en. "Classe rock’n’roll" disais-je tout à l’heure, c’est tout à fait ça (oui, j’aime être en accord avec moi-même), un peu comme Lou Reed : ces gens-là peuvent chanter n’importe quoi, ils y mettront toutes leurs tripes et toute leur intensité. Polly Jean interprète ses textes plus qu’elles ne les chantent, elles les déclament même parfois, à la manière de Patti Smith qui serait vraiment, vraiment énervée ("A Woman A Man Walked By / The Crow Knows Where All the Little Children Go", ou le libérateur "Pig Will Not").
Tout n’est pas non plus grungy et agressif, avec des riffs dévastateurs et entêtants (le single "Black Hearted Love" et l’acoustique "Sixteen, Fifteen, Fourteen"). A Woman… contient plusieurs pistes très calmes, ce sont même les chansons les plus impressionnantes de beauté. "Leaving California" est une valse, mais une valse qu’on pourrait qualifier d’enfantine, sur laquelle Polly s’est éclaircie la voix pour la rendre aussi fragile et éblouissante que sur White Chalk. La même voix est accompagnée par piano et ukulélé sur la très émouvante "Soldier Tosk", à la fois légère et à l’atmosphère pesante, atmosphère qu’on retrouve sur "Passionless, Pointless", où Polly décrit une romance qui se déchire, tandis que "Crack in the Canvas" clôt le disque avec simplicité et mystére : "I’m looking for an answer, me and a million others".
C’est classe, en fait. Qu’elle hurle sur de la musique grunge, chante ou murmure sur de l’indie-rock aux riffs accrocheurs ou sur des mélodies troublantes de simplicité, le charme opère toujours. Sans jamais tomber dans la facilité, sans jamais se répéter, la collaboration John Parish/PJ Harvey a de beaux jours devant elle (vu la diversité des chansons, j’imagine qu’il y a dû y avoir pas mal de chutes et de chansons non-finies, ce qui promet une nouvelle galette bientôt !) et A Woman A Man Walked By est un des très grands albums de l’année !
Les Commentaires