Un film français qui parle de romance, a priori, ça ne donne pas envie. Au mieux, ce sera gnangnan, au pire, il fera gris tout le temps et les personnages seront dépressifs. À trois on y va, de Jérôme Bonnel, est mieux que ces idées reçues : le film n’est ni tout rose ni tout noir, et en sortant, je me suis dit que ç’avait été un bon moment isolé du monde extérieur sans être tout à fait détaché d’une certaine réalité.
À trois on y va est une histoire d’amour à trois, comme il y en a des milliards au cinéma et dans la littérature : Charlotte (Sophie Verbeeck), jeune femme un peu bohème et un peu désoeuvrée, est en couple avec Micha, alias Félix Moati, avec qui elle a acheté et retape un appart. Mais quand Micha n’est pas là, Charlotte couche avec Mélodie. Mélodie est une jeune avocate stressée dont le sensible Micha commence à tomber amoureux, et qui ne dit pas non.
Du coup, tout le monde ment à tout le monde, tout le monde est un peu paumé, et au fond, ce n’est pas bien grave.
L’amour, toi, plus moi, plus tous ceux qui le veulent
La bonne idée (qu’on trouve aussi ailleurs, bien sûr) c’est qu’on n’est pas ici dans une histoire où deux femmes se disputent un homme. La vision de l’amour est bien moderne, n’en déplaise à ceux et celles qui veulent le moraliser ! Dans À trois on y va, il n’est pas (presque) pas question de bisexualité : l’amour que porte chaque protagoniste à l’autre est une évidence et la question de l’orientation sexuelle, du couple homme-femme ou femme-femme ne se pose pas. Le triangle amoureux est équilatéral.
Ce sont des personnes qui aiment d’autres personnes, point, et cette absence de différenciation est tellement naturelle qu’elle fait vraiment du bien, et rappelle que oui, en 2015, on est libre d’aimer qui on veut.
Le réalisateur a aussi réussi à ne pas tomber dans la mièvrerie : dès que Micha s’embrouille un peu dans les déclarations d’amour lyriques, Mélodie le remet à sa place avec une ironie bien sentie, pas méchante mais terre-à-terre. Les quiproquos du mensonge sont assez attendus, mais jamais lourds. Il n’y a pas de drame, pas de déchirement qui se termine dans les cris et les larmes. Et, la plupart du temps et presque jusqu’au bout, Jérôme Bonnel évite les temps morts et les moments d’introspection interminable auxquels je me serais attendue.
Pour autant, À trois on y va n’est pas totalement déconnecté de la réalité. Il retrace bien l‘état d’instabilité dans lequel on peut se trouver en tant que jeune actif•ve sorti•e des études, plus sérieux qu’un ado mais plus frais qu’un « vrai adulte » : Mélodie, qui débute, est consciencieuse et totalement vampirisée par son activité professionnelle, Charlotte se cherche sans vraiment chercher, et Micha est tranquille, mais pas totalement sûr d’être à la place qui l’épanouit.
Pas d’allusion à leurs familles, à leurs autres amis, à leur passé… on ne sait pas grand-chose de ce trio si ce n’est ce qui se passe à l’instant précis où ils sont filmés, dans ce moment un peu fragile de leur jeunesse.
Anaïs Demoustier, le nombril du trio
À trois on y va pourrait être une histoire d’amour gentillette, peut-être même un peu bidon, si elle n’était pas portée par de très chouettes acteurs. Le réalisateur a eu la bonne idée de choisir trois jeunes qui montent dans le cinéma français mais ne sont pas des grosses têtes d’affiche, ce qui fait qu’on arrive à croire à l’alchimie des personnages et des personnes sans s’attacher aux acteurs en tant que tels.
Les personnages d’ailleurs, sont assez bien vus : si celui de Charlotte, la belle nana ténébreuse, distante et torturée, est un peu cliché, Micha, alias Félix Moati, est un mec bien d’aujourd’hui, ni caricature de macho ni loser complexé. Il est gentil, romantique, intelligent sans être trop niais, et pourtant un peu perdu entre ces deux filles qui ne le snobent pas, loin de là, mais n’ont pas vraiment besoin de lui pour exister (À trois on y va passe d’ailleurs haut la main le test de Bechdel).
Mais la meilleure prestation reste celle d’Anaïs Demoustier, que j’aimais déjà beaucoup et dont je suis désormais convaincue qu’elle est fantastique.
De la même façon que le couple du film a de plus en plus besoin de la présence du personnage de Mélodie pour continuer à exister, Félix Moati et Sophie Verbeeck n’ont vraiment de consistance qu’autour d’Anaïs Demoustier. Mélodie secoue les deux autres, elle s’énerve, elle pleure, elle court partout, sans en faire des tonnes, bref, c’est la plus vivante des trois personnages, la plus changeante, la plus trouble, plus subtile et donc la plus intéressante.
J’ai le sentiment que l’actrice montre vraiment ce qu’on appelle de manière un peu bateau et dans une métaphore de la peinture un jeu « plein de nuances ».
Éloge de la beauté (et de Lille)
Et surtout, les acteurs sont beaux. Pas seulement parce qu’ils ont un beau physique (certes, c’est une romance, mais on s’en moque un peu), mais parce qu’ils sont bien filmés. Les visages, les regards, la peau sont bien éclairés, rendent les personnages à la fois proches de nous et suffisamment irréels pour que ça fasse rêver, parce qu’après tout, on est quand même au cinéma. Les images et les lumières sont belles, les plans sur la ville de Lille aussi, de jour comme de nuit.
Et l’esthétique d’À trois on y va ne s’arrête pas au visuel, elle atteint même tes oreilles. Le film bénéficie d’une très bonne bande originale, suffisamment présente pour éviter les creux et les blancs façon film français d’auteur, mais pas trop marquée non plus. On y entend en vrac de la musique dite classique (essentiellement du baroque et du romantique), mais aussi des artistes français bien portants, comme le groupe électro-rock Poni Hoax, ou le rock indé de Stuck in The Sound.
Je t’ai donc concocté une petite playlist, que tu peux écouter avant ou après avoir vu le film, selon que tu estimes qu’il s’agit ou non d’un spoiler auditif :
https://embed.spotify.com/?uri=spotify:user:madmoizelle:playlist:2aYfknKtlZGRN9aGaiilWj
Bref, À trois on y va est une oeuvre à te recommander si tu aimes les jolis films à la fois réfléchis et pas prise de tête qui parlent d’amour : j’ai envie de te dire vas-y, à trois, à moins ou à plus.
À lire aussi : « À trois on y va », le coup de coeur ciné de la rédac, raconté par ses acteurs et son réalisateur
À trois on y va est diffusé en avant-première au cinémadZ à Paris le 19 mars !
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Les Commentaires
Aprés je trouve l'idée du "Trouple" viable pour parler de polyamour c'est a dire chacun des personnages aime les deux autres ! Par contre le super article du plus qui parle d'une certaine Sophie qui frequente un autre en dehors de son petit ami et que du coup il a fait pareil (ben oui hein, bizzarement elle a eu du mal l'accepter ^^ c'est sur que pour lui ça a du etre facile ^^) c'est un couple libre, mais avoir plusieurs relations exclusives dans le sens ou chacun fait son biz de son coté je conçois pas ça comme du polyamour.