Bon. Je t’avoue que cet article, j’ai eu du mal à l’écrire. Mais je le fais en réaction aux multiples commentaires que j’ai pu recevoir sur Facebook suite à la parution de mon article « Ma fille est rentrée à la maison, et j’en ai déjà ras les ovaires« , lui-même écrit après le premier volume « Le confinement sans ma fille, une liberté déchirante« .
Dans ce dernier, je t’expliquais ma situation personnelle, à savoir que mon mec et ma fille étaient confinés chez mes beaux-parents loin de la maison, sans moi, et que c’était dur d’être séparés.
Dans le deuxième, je te parlais de leur retour à la maison, de la joie que ça me procurait, mais aussi du fait que j’en avais passablement ras les miches, rapport au fait que je devais bosser à plein temps en télétravail avec ma fille dans les pattes, et que c’était bien tendu comme situation.
Avoir des enfants et les aimer, mais surtout ne jamais s’en plaindre
Voilà, tout est parti de là, du fait que je me plaignais. Parce que ce mois sans elle m’avait permis de retrouver un semblant de « liberté », et que j’avais du mal à lui dire déjà adieu.
Parce que j’étais certes heureuse de la retrouver, tout en étant frustrée de ne plus avoir à penser qu’à moi. J’ai osé m’en plaindre, j’ai osé dire que la maternité n’était pas qu’un long fleuve tranquille, j’ai osé avouer avec honnêteté que le confinement tous les 3 n’était pas facile pour nous, pour moi.
Tu te rends compte ? J’ai osé dire que je n’étais pas pleinement heureuse de mon rôle de mère. Que n’avais-je donc pas écrit là ! Visiblement pour la police des bonnes moeurs, je mérite le bûcher.
Plus précisément, et je cite, je mérite de « me faire stériliser, » parce que j’aurais dû (et encore une fois, je cite), « réfléchir un peu plus avant de faire des enfants », que j’étais à la pointe de la mode en étant « un parent égoiste », et que franchement je n’avais « pas de quoi me plaindre » parce qu’EN PLUS j’avais la chance d’avoir un mec à mes côtés qui gérait l’intendance de la maison. Mauvaise femme que je suis dites-donc. Ci dessous, un petit florilège :
Heureusement, j’ai également reçu tout autant de messages bienveillants, non culpabilisants, de celles et ceux qui avaient lu l’article et l’avaient compris, sans me prêter des propos que je n’avais pas tenu. A ces personnes-là, je leur dis merci. Merci d’avoir lu jusqu’au bout, d’avoir compris ce que j’avais voulu dire, de ne pas avoir cherché à m’enfoncer et à me culpabiliser.
Les autres, je vous plains. Mais grâce à vous, je peux voir qu’effectivement, il reste du boulot pour arrêter de faire peser sur les femmes ce rôle complètement con de « mère parfaite », de « mère courage » et autres sobriquets d’un ancien temps. Grâce à vous, je sais qu’il y a encore des barrières qui doivent tomber, et ça me file une patate dingue, vous n’imaginez même pas.
La mère parfaite : en finir avec ce mythe bien réel
Ah ça, la « mère parfaite », on l’aime bien, n’est-ce-pas ? Déjà, on aime bien imaginer qu’elle existe, pour essayer de suivre son exemple fictif. Sympa, la pression.
La mère parfaite, en plus de savoir tenir une maison, est dévouée à celui ou celle qui partage sa vie, mais aussi et surtout à ses enfants. On aime bien imaginer que cette femme est irréprochable, qu’elle fait toujours passer les désirs de ses enfants avant les siens, parce qu’ils priment sur tout le reste.
La mère parfaite n’a pas le droit d’être égoïste, elle n’en a même pas envie d’ailleurs. Pourquoi le serait-elle ? Comment pourrait-elle regretter sa vie d’avant, alors qu’elle est aujourd’hui absolument et pleinement comblée ?
Elle est totalement dévouée à ses enfants et elle s’occupe d’eux sans rechigner voyons, après tout elle est faite pour ça, la mère parfaite. C’est le rôle de sa vie, son but ultime, sa raison d’exister.
La mère parfaite ne se plaint jamais ou alors si peu, elle esquisse seulement un sourire un peu gêné quand son môme se roule par terre dans les allées du supermarché, elle ne se cache jamais aux toilettes pour pleurer de nerfs quand la journée avec ses mômes dans les pattes la pousse à bout, non non.
La mère parfaite a un plaisir sans faille à élever et éduquer ses enfants, elle ne s’en lasse jamais, ne s’en plaint jamais, ne soupire jamais, ne rêve jamais d’une autre vie, même quand son gamin vient d’étaler l’intégralité de sa couche sale sur les murs, et qu’il n’est pas encore 8h du matin.
Non, la mère parfaite savoure chacun de ces instants de grâce, ça n’est « que du bonheur » après tout.
Mais faut pas lui en vouloir à la mère parfaite, parce que tout ça, ces grands principes de maternité épanouissante, c’est tout ce qu’on lui martèle depuis des années. Parfois même depuis l’enfance, depuis qu’elle a compris qu’elle était une fille et qu’elle aurait sûrement des enfants plus tard, on lui dit comment il faudra se comporter quand le moment arrivera. Peut-on en vouloir à quelqu’un qui est conditionné depuis toujours ?
Je suis désolée, mais ça, ce n’est pas moi. Je ne suis pas une mère parfaite, je ne suis rien de tout ça. Et si toi c’est ton cas tant mieux ! Crois bien que je suis ravie pour toi, que tu t’épanouisses et que tu y trouves ton compte, mais ne viens pas me culpabiliser de ne pas être comme ça, de ne pas être comme toi.
On est en 2020, mais il faut rappeler que la mère parfaite n’est pas toutes les mères, et que ce même sujet est largement discuté depuis des années.
Il y a grand nombre de lectures sur le sujet, comme Mères Anonymes de Gwendoline Raisson et Magali Le Huche, ou Il n’y a pas de parent parfait d’Isabelle Filliozat, mais aussi des séries comme The Servant, tout comme Josépha Raphard et sa série documentaire MÈRES.
Yep, le mythe de la mère parfaite ne date pas d’aujourd’hui, et je n’ai clairement pas inventé la roue en t’en parlant.
La vision de la parentalité n’est pas la même pour toutes
Je ne suis pas ce genre de personne. Je ne suis pas de celles qui trouvent que la parentalité est le meilleur boulot du monde. Je ne suis pas de celles qui se traînent sans râler hors du lit la nuit parce que ma fille est réveillée et qu’elle m’appelle. Oui, je n’aime pas être réveillée la nuit, shame on me.
Attention, police des bonnes moeurs, je ne dis pas que je n’aime pas ma fille et ma famille, loin de là. Je ne pensais pas devoir avoir à justifier un jour ce point, c’est assez dingue.
Je n’ai pas à justifier à qui que ce soit mon amour pour elle, je n’ai pas à le prouver à qui que ce soit non plus, à part à elle.
Pour celles qui pensent que si ma fille tombe un jour sur mes articles et qu’ils lui feront de la peine, je peux vous répondre simplement : vous ne nous connaissez pas.
Vous ne savez pas comment on fonctionne en famille, vous ne connaissez pas la personnalité de ma fille, vous ne savez pas comment on l’élève, comment on communique avec elle.
Et effectivement, si un jour elle doit lire mes articles, je sais qu’elle n’en sera pas blessée, car ce qu’elle y lira ne sera rien d’autre que ce qu’elle a toujours su. À savoir : on peut aimer ses enfants, et avoir envie de moments pour soi, sans pour autant être la pire des personnes.
Savoir s’exprimer, sans avoir peur des jugements
Je lui souhaite, si un jour elle désire avoir des enfants à son tour, pouvoir communiquer avec eux comme nous le faisons avec elle. Et même si elle n’en veut pas, je lui souhaite de ne pas avoir de mal à exprimer ses ressentis, ses émotions, ses colères, ses peines, ses joies, ses doutes.
Je lui souhaite de ne pas être frustrée de ne pas pouvoir s’exprimer par peur d’être jugée, je lui souhaite de pouvoir toujours s’écouter et écouter ce qu’elle ressent. Je lui souhaite d’être libre.
« La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. » C’est vrai que pour l’instant, c’est mon cas. Tant qu’elle sera petite et en demande, ma liberté sera limitée. Plus elle grandira, plus ça s’atténuera, je le sais.
Est-ce une raison de me taire et de ne pas exprimer que cette liberté me manque ? Non. Est-ce que pour autant, l’amour que je porte à ma fille est remis en questions ? Pas une seule seconde, non.
Je ne suis pas une mère parfaite. Je ne trouve pas que cette période soit la meilleure de ma vie. Non pas à cause de l’existence de ma fille, mais parce que je me sens moins libre. J’ai hâte de la suite.
Et oui, je vais continuer à en parler, qu’importe si ça gène. Je ne veux pas participer à l’omerta, je ne veux pas faire croire qu’être mère c’est génial et parfait, et que c’est un bonheur permanent et sans tâches.
C’est sûrement le cas pour certaines, et tant mieux pour elles. Mais ce n’est pas le mien, et je sais que je ne suis pas la seule.
Les Commentaires
Il n'y a pas encore de commentaire sur cet article.