On l’a vu avec la troublante accessibilité des deepfakes, qui, utilisés à mauvais escient dans le porno peuvent ruiner des vies : l’intelligence artificielle est de plus en plus manipulable par le commun des mortels. Un tuto et quelques connaissances en informatique peuvent suffire à générer des contenus parfois très sophistiqués.
Les milliers de fichiers disponibles gratuitement en open source sur internet permettent aux internautes les plus patients de produire des paysages cauchemardesques, d’étranges glitchs ou des vidéos truquées criantes de réalisme. Plus récemment, l’IA a commencé à servir de support aux artistes digitaux qui conçoivent de curieux tableaux guidés par les algorithmes.
Et comme aucune tendance n’échappe à TikTok, la plateforme est devenu le lieu privilégié de ces créateurs et créatrices. Une poignée d’entre eux et elles utilisent même l’IA pour façonner des œuvres capables de reproduire certains troubles mentaux, comme la dépression, la bipolarité ou encore l’anxiété.
Certaines oeuvres contiennent des éléments très perturbants, proches de l’horreur et du gore.
À quoi ressemble la dépression ?
Tout a commencé lorsque Kier Spilsbury, une chercheuse de Brisbane, est tombée sur un lien vers un logiciel d’IA et un mode d’emploi pour apprivoiser la bête. Depuis, la créatrice partage ses œuvres réalisées à partir des dizaines de demandes de ses abonnés.
Parmi les demandes, les plus populaires sont celles qui la sollicitent pour reproduire les symptômes de diverses maladies de la santé mentale. Même histoire, ou presque, du côté de literallyjustvin qui publie des vidéos simulant la paralysie du sommeil ou d’autres troubles. Le but n’est pas vraiment d’offrir une image claire de ce que sont ces troubles, mais plutôt le sentiment, les émotions qu’ils suscitent chez les personnes qui en sont atteintes.
Comment diable fonctionnent ces sorcelleries ? C’est plutôt simple (du moins, quand vous savez apprivoiser l’IA) : il suffit d’introduire des termes, des expressions ou des descriptions des troubles dans le générateur qui pioche ensuite des images sur le web et les mixe pour en faire un étrange condensé, parfois horrifique.
L’intelligence artificielle qu’utilise Kier Spilsbury s’appelle VQGAN+CLIP. D’après un article de Vice, elle fonctionne « en fouillant rapidement dans des milliards d’images Google pour créer des œuvres d’art basées sur des invites textuelles. Même de légères variations dans les mots utilisés peuvent produire des résultats très différents. Pour la série sur la santé mentale, Spilsbury a expérimenté en donnant à l’IA des instructions intentionnellement vagues. »
Résultat : trouble de la personnalité limite, syndrome de stress post-traumatique, dépression ou encore trouble déficitaire de l’attention sont mis en images, avec plus ou moins d’étrangeté.
« Cette vidéo correspond exactement à ce que je ressens souvent dans ma tête »
Mais pourquoi voudrait-on mater des vidéos aussi malaisantes ?
Simplement par curiosité, pour les internautes qui se demandent ce que ça fait de vivre avec de l’anxiété ou une dépression, ou pour se sentir plus comprises, pour les personnes atteintes de ces troubles. La majorité des commentaires sous les contenus de ce genre d’artistes viennent d’internautes ayant reçu un diagnostic concernant des troubles de la santé mentale. Ces personnes trouvent un certain réconfort dans ces drôle d’imageries.
L’article de Vice rapporte un des commentaires sous les vidéos de Kier Spilsbury :
« En tant que personne souffrant de TDAH sévère, cette vidéo correspond exactement à ce que je ressens souvent dans ma tête. »
L’intelligence artificielle utilisée à ce type de fin artistique permet de « représenter des expériences complexes de manière inédite. »
Et ça, ça n’a pas de prix !
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Crédits photos : Kier Spilsbury et literallyjustvin
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