3ᵉ jour, 7 h.
Une sage-femme toque délicatement à la porte de votre chambre. Ses chuchotements vous sortent peu à peu de votre sommeil. Une veilleuse glissée dans la valise pour tamiser la lumière vous aurait bien servi. Première claque de la journée : les violents néons blancs au plafond. Le réveil est difficile, surtout pour une prise de sang. Vous aviez enfin fermé les yeux depuis 20 minutes. Cette nuit, vous avez découvert la nuit de java.
Une nuit de java qui n’a rien à voir avec la danse
Depuis l’accouchement, vous préférez contempler votre bébé plutôt que de profiter d’heures de sommeil. Lui a dormi paisiblement deux jours pour récupérer de son arrivée. Maintenant, il vous le fait savoir, il est réveillé. Cette étape du développement de nos petites merveilles est parfois appelée syndrome de la seconde nuit. Elle correspond à une période de grande agitation du nouveau-né avec des pleurs — beaucoup de pleurs — aux merveilleux horaires de 19 h à 6 h (grosso modo).
Tout pile quand vous comptiez arrêter de le regarder et de dormir. Il réclame alors du lait toutes les heures, voire quasiment en continu. Évidemment, son transit suit le rythme et vide votre stock de couches. Cette nuit se résume à le nourrir, le changer, le bercer, et lui faire téter votre petit doigt (les parents savent). Java ok, mais on est loin des déhanchés sur piste de danse pailletée. Cette nuit-là, la présence du co-parent ou d’un accompagnant est in-dis-pen-sable pour se relayer et être en supériorité numérique.
Une volumineuse poitrine en feu
Comme si la fatigue ne suffisait pas, vous le sentez, quelque chose cloche. Vos seins sont gonflés, chauds, tendus et durs comme de la pierre. Difficile de lever les bras ou de trouver une position confortable. Coucou la montée de lait.
Bon ok, ça ne vous concerne pas toutes. Dans certaines maternités, vous recevez (parfois et à certaines conditions) un médicament pour l’éviter si vous ne souhaitez pas allaiter. Mais pour la majorité, c’est bien ce qui va se passer, et ce, que vous donniez le sein ou non.
Si vous avez gagné deux tailles de soutien-gorge en une nuit, c’est parce que le colostrum — le concentré épais, très riche et en petite quantité — que vous produisiez jusqu’alors a laissé place au lait, en partie suite à la stimulation induite par la nuit de java.
Une courbe de poids au plus bas
Il est 11 h. Après la sage-femme, c’est au tour de la puéricultrice de faire son entrée dans votre chambre. Elle vient, entre autres choses, pour la pesée quotidienne de bébé. Verdict : il a perdu de nouveau vingt grammes. Comment est-ce possible ? Il a passé la nuit au goulot ! Pleine de culpabilité, vous ne comprenez pas pourquoi cet enfant ne prend pas de poids. On vous rassure : vous n’y êtes pour rien.
Bébé a baigné dans le liquide amniotique plusieurs mois. Comme une petite éponge, il en est gorgé. À la naissance, il arrive dans un milieu aérien et va donc l’éliminer petit à petit. Il va également émettre ses premières selles appelées méconium.
Pour autant, au début, son estomac a la taille d’une noisette : impossible de le remplir en quantité suffisante pour compenser ses pertes d’eau. La courbe de poids est donc descendante jusqu’au 3ᵉ ou 4ᵉ jour, puis remonte, l’estomac atteignant rapidement la taille d’un abricot à la fin de la première semaine.
Une visite surprise de la famille
Dès 15 h, le défilé des soignants se tarit. Vous en profitez un instant pour fermer les yeux. Pourvu que la courbe de poids s’inverse demain et que vous puissiez envisager un retour à la maison, dans votre cocon. On frappe à la porte et voilà la belle-famille qui vous rend visite. C’est en pyjama, avec cernes et slip filet que vous les accueillez.
Tous vous couvrent de cadeaux avant de se pencher sur le berceau. Bébé passe de bras en bras. Tonton parle fort et Mamie n’a pas eu la main légère sur le Chanel n°5. Pour vous, cette fin de journée est épuisante. Alors, imaginez pour lui. Tranquille dans son jacuzzi à 37 °C depuis 9 mois, il débarque, et affronte la lumière, le bruit, le froid, la pesanteur, et maintenant le parfum ?
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Et un début de baby blues pour couronner le tout
21 h, vous aviez hâte que cette journée se termine. La sage-femme vient vous souhaiter une bonne nuit. Bébé chouine un peu, mais vous le savez : demain sera meilleur qu’aujourd’hui. Pourtant, c’est ce moment que vous choisissez pour craquer. La boite de Kleenex ne tient pas cinq minutes, elle s’assoit avec vous, et votre partenaire vient à la rescousse pour vous réconforter.
Ce troisième jour est éprouvant, et signe très souvent le début du baby blues, qui concerne environ 80 % des nouvelles mamans. Ce mood triste est physiologique, et dure en général quelques jours. À cause de la chute d’hormones additionnée à la fatigue, vous pleurez pour des choses qui ne vous auraient jamais fait pleurer en temps normal : la mignonitude de votre petite chouquette dans son pyjama girafe, votre stylo qui n’a plus d’encre, la disparition de votre chaussette… Et surtout, vous vous sentez terriblement nulle.
Vous n’êtes pas la seule à penser « ça suffit, rendez-moi ma vie d’avant ». Oui, plus rien ne sera jamais comme avant. Mais ça ne veut pas dire que ce sera moins bien. Neuf mois que vous vous préparez à accoucher, mais la naissance n’est pas la ligne d’arrivée. C’est plutôt le commencement d’une nouvelle vie, en tant que parent, pleine de magie, et qui comporte aussi son lot de déconvenues.
Quelques mots pour survivre à cette journée
Pour vous y préparer, voici un petit pense-bête à utiliser comme un mantra :
- La nuit de java n’est jamais le fait d’un défaut de mon lait, ni en quantité ni en qualité
- Le peau-à-peau et le portage apaisent le bébé, et lui rappellent ses sensations in utero
- Je le trouverai trop lourd pour le porter bien assez tôt
- Je limite les visites si j’en ressens le besoin, ou fais du peau-à-peau pendant pour le rassurer
- Je le protège des stimulations : odeur forte, lumière vive, bruit intense…
- Ses pleurs ne sont pas toujours signe d’inconfort, c’est son seul moyen pour s’exprimer
- Pour la montée de lait : compresses d’eau chaude sur les seins et douches à volonté, le jet d’eau sur l’épaule qui ruisselle pour ne pas stimuler
- Pour le baby blues : manger tout ce qui me plait, rire, recevoir des câlins, et être entourée
- Je ne suis pas seule, beaucoup ont ressenti ça avant moi
- Tout va rentrer dans l’ordre
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