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Source : Crédit photo : Pexels / Juan Pablo Serrano Arenas
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À quand un congé grand-parental en France ?

Vous connaissez les congés maternité, paternité et parentaux, mais quid des congés grands-parentaux, pour ces nouveaux grands-parents qui travaillent de plus en plus tard ? Avec le recul de l’âge de la retraite, la question mérite d’être posée : à quand un congé de grande-parentalité ?

Aux États-Unis, une poignée d’entreprises s’aventurent déjà à offrir quelques jours de congé aux nouveaux grands-parents. Mais en France, ce sujet semble au point mort. Qu’en est-il vraiment ? Serait-il envisageable de créer, à terme, un congé de grande-parentalité ?

À lire aussi : À peine nommée ministre, Aurore Bergé tape déjà sur le congé parental

L’exemple outre-Atlantique

Le magazine américain Quartz a récemment fait l’état des lieux des entreprises états-uniennes proposant un congé spécifique aux grands-parents. Parmi elles, on retrouve le site de réservation d’hôtels Booking.com, la Federal National Mortgage Association, la société d’informatique Cisco, ou encore SentinelOne, une entreprise spécialisée en cybersécurité.

Les Américains travaillant à un âge de plus en plus avancé, se voir proposer ce type de congé est désormais un avantage alléchant pour les salariés âgés. Mais le format dudit congé peut revêtir différentes formes. Certaines entreprises proposent ainsi un congé payé, à la naissance ou à l’adoption du petit-enfant, pour une durée de plusieurs jours, voire de plusieurs semaines. D’autres se contentent de proposer un emploi du temps aménagé, avec un temps partiel.

À lire aussi : Faut-il vraiment allonger le congé maternité ?

Ces exemples font parler d’eux, mais sont encore minoritaires. Et le nombre de jours alloué n’est pas toujours révolutionnaire. Ainsi, à la Federal National Mortgage Association une seule journée par an est accordée aux grands-parents, chez Cisco, c’est un congé de 3 jours à la naissance, tandis que Booking est un peu plus généreux en offrant 10 jours.

La France n’est cependant pas en reste sur le sujet, puisqu’en 2010 déjà, l’entreprise de papeterie Rhodia proposait un temps partiel de 80 % aux plus de 50 ans, en l’échange d’une carrière allongée. Il ne s’agissait ni d’un congé en tant que tel ni d’une initiative réservée aux seuls grands-parents, mais l’idée d’aider les jeunes seniors à trouver un meilleur équilibre vie privée – vie professionnelle était déjà là.

Un modèle français très hétéronormé

Selon Laura Verquere, chercheuse en sciences de l’information et de la communication au Celsa – Sorbonne Université sur le féminisme, le genre, la parentalité et les masculinités, le congé grand-parental est loin d’être d’actualité en France.

« À court terme, cela ne me paraît pas envisageable. Il suffit de regarder la vision genrée et restreinte de qui doit prendre en charge les enfants à leur naissance, et de comment on nomme les congés parentaux : congé maternité et congé paternité. Dans d’autres pays, comme en Allemagne ou dans les pays nordiques, on ne genre pas les noms de ces congés. C’est un congé parental, et les parents arbitrent ensuite librement entre eux sa redistribution. En France, les politiques publiques s’inscrivent dans un cadre très hétérosexuel de la prise en charge des enfants. »

Outre cette vision hétéronormée, l’urgence est à l’allongement et à la revalorisation des congés parentaux. « Maintenant que le congé paternité a été allongé, le congé maternité va certainement être revu, et le congé parental va peut-être être raccourci, mais mieux rémunéré. Actuellement, il n’y a que 2 % des hommes environ qui prennent ce congé parental. La France est donc plus dans une idée de réévaluer les montants tout en restant dans l’existant, plutôt que de revoir qui prend les enfants en charge à leur naissance. »

Le congé grand-parental ne semble donc pas être dans les tuyaux. « Une réflexion avait émergé sur le congé d’aidant, la dénomination était intéressante, car cela indiquait un champ plus large des personnes pouvant prendre en charge les enfants quand ils naissent. Mais ce projet n’a pas abouti. 

Les configurations familiales évoluent, et à long terme il serait souhaitable de repenser de façon structurelle ces congés. Mais actuellement le modèle repose encore beaucoup sur les mères, vu la dénomination toujours très tournée vers les familles hétéronormées. Tant qu’il n’y a pas de reconnaissance des familles homoparentales, songer à une extension des congés pour les grands-parents me semble compliqué. »

À lire aussi : On a beau essayer de les « forcer », les pères ne prennent pas de congé parental

Face à l’exemple américain, Laura Verquere se montre prudente. « C’est intéressant de voir ce qui a émergé aux États-Unis. En France, les avancées commencent également souvent par les entreprises privées avant d’être reprises par une politique publique. On le voit par exemple avec le Parental Act [qui a permis l’allongement du congé du second parent]. Mais sur le sujet des grands-parents, je n’y crois pas trop, les débats sur la conception de la famille sont trop restreints, controversés et tendus. »

Le congé grand-parental : une réponse à la pénurie des modes de garde ?

Dans une France où l’âge de départ en retraite vient d’être reculé à 64 ans, et où 59 % des enfants de moins de 3 ans sont gardés principalement par leurs parents ou un autre membre de la famille (DREES, 2021), un problème risque de se poser.

Par manque de moyens de garde, ou par souci d’économie, de nombreuses familles sollicitent les grands-parents pour garder leurs jeunes enfants. Toujours selon la DREES, les grands-parents français consacrent 23 millions d’heures à leurs petits-enfants chaque année.

Mais parfois, les grands-parents travaillent encore quand leurs petits-enfants naissent, et cela risque de devenir plus fréquent avec le recul de l’âge de la retraite. Laura Verquere n’est toutefois pas convaincue que la réforme des retraites modifiera la façon d’envisager les modes de garde.

« On remarque cependant que dans les espaces urbains, les mères sont plus isolées pendant leur congé maternité qu’à la campagne, où elles sont souvent moins éloignées de leur entourage familial et bénéficient de plus de soutien et de proximité sociale. » La présence active des grands-parents est donc déjà inégale, en fonction de la situation géographique. « Et cette présence met aussi en visibilité un travail gratuit, celui de toute personne qui participe à prendre en charge les enfants. »

Le congé grand-parental n’est pas forcément une solution, ni peut-être même souhaitable, car les grands-parents n’ont aucune obligation à s’occuper de leurs petits-enfants. Mais tout cela nous montre que des réflexions doivent émerger sur le sujet. Inclure les familles non hétéronormées, repenser la place des grands-parents, prendre en compte le travail gratuit des membres d’une famille lorsqu’ils gardent les enfants sont autant de sujets sur lesquels le gouvernement devrait réfléchir dans les années à venir.


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Les Commentaires

14
Avatar de Kettricken
26 septembre 2023 à 20h09
Kettricken
@Whynaute tu as tout de même posé la question donc j'ai pas pu m'empêcher de répondre
Si le reste de mon message ne t'éclaire pas sur ma position qui moi me semble totalement alignée sur la tienne, effectivement, laissons tomber
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Voir les 14 commentaires

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