Cela a fait les titres des journaux le mois dernier : « Les filles considèrent qu’elles réussissent parce qu’elles sont besogneuses, les garçons parce qu’ils ont du talent » selon une étude internationale sur les stéréotypes de genre, parue dans la revue Science.
Dans le même temps, une sensibilisation aux stéréotypes de genre, prévue dans un groupe scolaire parisien sous contrat, a été annulée à la dernière minute car considérée comme alimentant la « théorie de genre ». Organisée par l’association des parents d’élèves, elle devait être animée par une formatrice indépendante, par ailleurs membre de Parents et Féministes. Un petit groupe de parents, proche de la mouvance « Manif pour tous », lui reproche son appartenance associative et fait pression auprès de la direction pour annuler la rencontre.
Pourtant, les chiffres du 1er baromètre du sexisme en France sont clairs : 78% des Françaises ont vécu personnellement un acte de sexisme ou ont été destinataires de propos sexistes.
Alors, face à ces constats, et à quelques jours du second tour, il nous paraît important de rappeler les engagements de la France en la matière.
L’École doit contribuer, à tous les niveaux, à favoriser la mixité et l’égalité entre les femmes et les hommes, notamment en matière d’orientation, et de prévention des préjugés sexistes et des violences faites aux femmes. Voilà ce qui est inscrit dans la loi aujourd’hui.
Pour mettre en œuvre cette obligation, les textes prévoient d’ailleurs la formation, initiale et continue, de l’ensemble des personnels, et la prise en compte de l’égalité au cœur des enseignements et de la pratique pédagogique.
Si ces objectifs correspondent parfaitement à nos propres revendications en tant qu’association féministe, dans les faits ces engagements sont bien loin d’être respectés.
D’une part, la formation ne bénéficie qu’à une minorité des professionnel·les scolaires comme le rappelait le Haut conseil à l’égalité dans son rapport de 2017. Or enseigner de manière égalitaire n’est pas inné ! Cela s’apprend !
D’autre part, en ce qui concerne la prise en compte de l’égalité au cœur des enseignements, force est de constater qu’elle dépend essentiellement d’initiatives ponctuelles du corps enseignant, voire même de parents d’élèves, conscients de l’importance des enjeux et inquiets de tant d’immobilisme.
Dans les faits, on est donc loin ici d’une politique globale d’égalité telle qu’envisagée dans la loi.
Et pourtant…
Aujourd’hui, à l’aube d’un deuxième tour opposant une candidate misogyne et un candidat qui a beaucoup promis mais trop peu fait, il est crucial de permettre aux enfants d’interroger ces stéréotypes si vivaces, de mieux les comprendre pour mieux les appréhender… Pour qu’ils ne soient pas autant de barrières à leur épanouissement et à leur développement, pour qu’enfin, une fille et un garçon soient traités et considérés comme des égaux…
Nous devons ouvrir le champ des possibles aux enfants, déconstruire les murs qui les entourent et dont ils s’entourent, car le poids des stéréotypes est trop lourd, trop présent. Notre culture est imbibée de sexisme. Assumons-le, regardons cela en face et faisons bouger les lignes.
Aujourd’hui plus que jamais, l’école, en tant que lieu majeur de socialisation des enfants doit avoir pour finalité la constitution d’une culture de l’égalité et du respect mutuel. Il faut lui donner les moyens concrets en formant absolument tout·e·s les professionnel·les de l’éducation !
Il est crucial aussi, alors que la moitié des Françaises (49 %) considère à quelques jours du deuxième tour Marine Le Pen comme « féministe » de rappeler que le féminisme, ce n’est pas un vernis de façade dont on se drape juste le temps d’une campagne.
Le féminisme est un travail de tous les jours pour déconstruire les stéréotypes sexistes, pour une égalité réelle, de l’école maternelle aux pensions de retraites. Le féminisme est un travail d’analyse des rapports de dominations, pour un monde meilleur pour toutes et tous. Il va sans dire qu’un parti héritier du nazisme est bien loin, très loin, de la pensée féministe.
Et si, hier soir, Emmanuel Macron a eu un mot pour les féminicides, il devra aller beaucoup plus loin pour en venir à bout. La lutte contre les violences machistes commence dès l’enfance. Nous sommes là pour le lui rappeler.
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