L’artiste engagée afro-américaine Joséphine Baker (1906-1975) semble avoir eu plus de mille vies. Chanteuse, danseuse, actrice, et meneuse de revue emblématique de l’entre-deux-guerres, Freda Josephine McDonald de son vrai nom est même devenue agent secret de la France Libre, profitant d’événements mondains pour collecter des informations pour la Résistance à partir de 1940, et s’engage pour l’armée de l’Air en 1944. Alors, lorsque la maison Dior décide de s’inspirer de cette héroïne fraîchement entrée au Panthéon pour sa nouvelle collection, les possibilités débordent.
Le défilé Christian Dior haute couture printemps-été 2023, femmage à Joséphine Baker
Pour le défilé Christian Dior haute couture printemps-été 2023, l’actuelle directrice artistique de la maison Maria Grazia Chiuri a vu les choses en grands. En guise de décor, elle a notamment commandé à l’artiste peintre Mickalene Thomas une galerie de portraits d’artistes et modèles noires emblématiques du XXᵉ siècle, dont Joséphine Baker. Une manière de l’insérer dans son époque, et de rendre femmage à tout une constellation d’artistes ayant pu contribuer à changer le paysage culturel et donc à ce que cette figure puisse émerger particulièrement.
Plutôt que de s’inspirer des looks de danseuse les plus connus de Joséphine Baker (comme son fameux charleston, vêtu d’une ceinture de 16 bananes), Maria Grazia Chiuri s’est davantage penchée sur ses tenues de tous les jours (elle était d’ailleurs cliente de la maison Dior) et de son uniforme militaire de sous-lieutenant pour l’armée de l’air. Mais la directrice artistique a remixé tout ça dans des silhouettes années 1920 (période où la danseuse s’affirmait comme une figure de proue du cabaret Jazz Age).
Le vestiaire du quotidien plus que de scène de Joséphine Baker
À travers les 60 looks du défilé Christian Dior haute couture printemps-été 2023, se révèlent donc des créations qui réinterprètent les robes à clapet, les chaussures claquettes, beaucoup de lingerie, ainsi que des manteaux-peignoirs. Plutôt que de chercher à faire de la haute couture spectaculaire, Maria Grazia Chiuri a de nouveau fait le choix de proposer un vestiaire vraiment portable, aussi bien pour les grands soirs (les derniers passages regorgeaient de robes métallisées puis en velours, descendant jusqu’aux pieds, pleines d’une monacale majesté) que pour le quotidien, avec toujours autant de savoir-faire.
De quoi en rajouter une couche sur sa réputation de grande couturière qui met son female gaze au service des femmes, plutôt que de leur fétichisation fantasmagorique. Après son femmage inattendu à Catherine de Médicis, Maria Grazia Chiuri poursuit donc sa volonté d’inscrire un héritage féministe au sein de la maison Dior, à travers cette collection inspirée de Joséphine Baker, la femme engagée et mère de douze enfants, plutôt que l’artiste exotisée au point de devenir un cliché éculé.
À lire aussi : Janelle Monáe jouera Joséphine Baker dans une série sur ses combats et ses amours bisexuelles
Crédit photo de Une : Captures d’écran Instagram de Dior.
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Il n'y a pas encore de commentaire sur cet article.