Si l’Art Thérapie est une branche médicale en forte évolution dans les hôpitaux en ce moment, ce n’est pas pour autant que le métier est bien connu. L’art thérapeute, à travers l’activité artistique (dessin, musique, danse, théâtre…) va aider le patient dans sa guérison de la maladie ou dans l’amélioration de sa vie quotidienne pour les pathologies mentales lourdes. Mais attention ! L’art thérapeute n’est pas là pour analyser et décrypter les productions de ses patients mais plutôt pour les aider à exprimer leurs impressions sur la maladie, leur vision du monde qui les entoure et pour réussir à mieux communiquer.
Pauline, aka E338 sur madmoiZelle fait actuellement des études en Art Thérapie à Tour et t’explique tout sur tout ! Interview !
madmoiZelle.com : Raconte-nous ton parcours avant de début de tes études en art thérapie ?
Pauline : Mes études ont commencé à prendre un virage artistique lorsque je suis rentrée en Seconde Cinéma Audiovisuel. Puis après un Bac L cinéma (option lourde) , je suis rentrée directement à L’Ecole des Beaux Arts de Nantes grâce à un concours. Trois ans de Beaux Arts et un Diplôme National D’Arts Plastiques plus tard, j’ai été conviée à prendre la petite porte qui ne menait pas au grand Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique.
J’en ai profité pour m’épanouir dans le slam que j’avais commencé deux ans plus tôt, en animant des ateliers d’écriture et des initiations à la poésie et au slam pour des publics de tous les âges. Je bricole beaucoup et je fais des expos aussi, la prochaine concerne l’écriture et trouvera sa place dans l’espace jeunesse de la médiathèque de Nantes.
madmoiZelle.com : De quelle façon t’est venue la vocation de l’art thérapie ?
Pauline : J’ai toujours eu de l’intérêt pour le handicap et les maladies psychiatriques. D’aussi loin que je me souvienne, mon film préféré quand j’étais enfant c’était Rain Man. Je me suis donc toujours dit que je travaillerai avec des personnes autistes. Et puis comme dirait ma mère j’ai toujours eu cette facilité avec le handicap comme si il n’y avait aucune barrière entre nous.
Puis les Beaux Arts sont arrivés, on t’y retourne un peu le cerveau alors tu sais plus trop ce que tu veux faire. Mais j’ai fait le ménage pendant deux mois dans un hôpital psychiatrique un été, et je m’y trouvais bien. C’est bizarre mais malgré mon job ingrat j’aimais l’ambiance qui régnait là bas et j’enviais l’équipe médicale. Voilà qui a suffit à me convaincre complétement.
madmoiZelle.com : Dans quel cadre étudies-tu : université ou école ? Quelle est la durée du cursus complet et en quoi consistent essentiellement tes cours ?
Pauline : J’ai commencé par une sorte de « prépa » qui se passe à Tours. De janvier à juin tu te retrouves avec une quarantaine d’autres personnes de 20 à 55 ans. Il en existe deux : ISA et ACAP . Tu rentres dans l’une ou dans l’autre en fonction de ton cursus et du fait que tu possèdes oui ou non un niveau licence. Moi j’ai été en ACAP, qui m’a délivré un diplôme d’aide culturelle à la personne et ouvert les portes de l’université de médecine de Tours pour un diplôme Universitaire d’art thérapie.
La durée complète est donc de deux ans. 6 mois de prépa, une année scolaire de Faculté et trois /quatre mois à attendre pour passer ta soutenance de mémoire qui te délivrera ton diplôme final. Bien sûr il faut au préalable un parcours artistique (fac, beaux arts, artiste, artisan, comédien, musicien, danseur, poète … ) et/ ou un parcours (para)médical (infirmière, aide soignante, auxiliaire de vie…). Chaque dossier qui postule en prépa est étudié au cas par cas et suivi d’entretiens personnalisés.
Les cours sont intenses au rythme d’une semaine tous les deux mois.
5 modules qui traitent de psychopathologie, de philosophie, d’histoire de l’art, d’esthétique, de médecine, ponctuées d’intervenants (orthophoniste, psychologues, art thérapeutes, musicien… )
madmoiZelle.com : Dois-tu faire des stages ? Si oui, où as-tu eu l’occasion d’en faire ? Et quel était le profil de tes patients : enfants malades, personnes handicapées…?
Pauline : Oui je dois faire deux types de stage. En prépa un stage d’observation de 120h et en DU un stage pratique de 140h qui servira de support pour l’élaboration d’un mémoire et d’une soutenance finale. J’ai donc effectué mon premier stage dans un foyer de vie de 8 adultes trisomiques, c’est à dire que je me trouvais dans leur maison avec leurs chambres à eux. Je me suis donc confrontée au handicap mental. Mon stage d’observation s’est transformé en matinées de ménage et ateliers créatifs l’après midi. Pas tout à fait ce qui était écrit sur la convention (je parle surtout du ménage) mais cette façon de faire m’a permis d’apprendre beaucoup sur la pathologie des patients.
Mon prochain stage doit se dérouler, je l’espère, dans une unité de vie pour adultes Alzheimer. Mais ces stages restent toujours très durs à trouver…
Travail réalisé sur le thème du portrait pendant le premier stage de Pauline
madmoiZelle.com : Y a-t-il des « spécialisations » dans l’art thérapie ?
Pauline : Oui chaque art thérapeute a ses disciplines de prédilection. C’est à dire celles où il se sent à l’aise pour travailler avec un patient , et dont il se sert comme support pour restaurer sa qualité de vie. Après, on entend de plus en plus parler d’equithérapie et d’autres disciplines comme ça. Mais il faut rester méfiant et être regardant sur le parcours professionnel et les diplômes obtenus car on ne s’improvise pas thérapeute parce qu’on a passé trois week-end avec à faire de la peinture et pleurer un bon coup avec quelques copines. C’est caricatural mais malheureusement ça existe . Et cela fait du tort à notre profession.
madmoiZelle.com : Y a-t-il un service, ou un profil de patients vers lequel tu souhaiterais te diriger principalement une fois que tu seras art thérapeute ?
Pauline : Oui. Je sais déjà que je préfère travailler avec des adultes pour l’instant. Ce n’est pas irrévocable , mais c’est ce que je souhaite pour mes premières années de travail. Ensuite la psychiatrie me fascine et les handicaps mentaux aussi. Je sais que j’aurai plus de mal face au handicap physique lourd, ainsi qu’en service de soins palliatifs ou en oncologie. J’ai aussi d’autres projets naissant comme devenir art thérapeute « ambulante » dans les campagnes auprès des personnes âgées isolées.
madmoiZelle.com : Questions purement techniques : quel est le salaire d’un art thérapeute ? Peut-il exercer en hôpital et en libéral ?
Pauline : L’art thérapeute peut exercer en libéral, ou être employé de l’équipe médical en tant que salarié. Il peut exercer à temps plein ou à mi temps dans des hôpitaux, des centres médico-psychologiques, des maisons de retraite,
des instituts médicaux éducatifs, des foyers d’hébergements pour sans abris, des cliniques privées… Son statut est encore compliqué car son profil n’existe pas encore sur les grilles de métier. Alors il est souvent assimilé à l’ergothérapeute au niveau du salaire. Mais tout dépend de sa manière de pratiquer. Dans cette profession en émergence il reste encore beaucoup à créer et beaucoup de portes à enfoncer !
madmoiZelle.com : Selon toi, quelles sont les qualités que doivent posséder les madmoiZelles qui souhaitent devenir art thérapeute ?
Pauline : Il faut avant toute chose une grande maturité et beaucoup de générosité (de cœur et d’esprit). Il faut savoir situer où sont nos propres limites. Et rester conscient que c’est un métier qui touche à l’humain en souffrance, donc être assez solide psychologiquement. Les stages sont souvent une vraie révélation car ils nous plongent directement dans le vif du sujet et au cœur de la pathologie.
madmoiZelle.com : Quelque chose à rajouter ? :)
Pauline : Oui ! C’est une merveilleuse aventure humaine ! On y rencontre des gens de tous horizons aux parcours
assez impressionnants. Chacun avec sa propre sensiblité, ce qui est très enrichissant. Et pour plus de renseignements sur le métier, toutes les infos sont ici : http://www.art-therapie-tours.net
Le groupe ACAP dont fait partie Pauline
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Les Commentaires
En ce qui concerne "la guérison", je me permets, il me semble que ce n'est pas le but recherché. Guérir de quoi ? Je me raccroche donc plutôt à ta deuxième précision. C'est plus un confort avec soi, les autres, et le monde extérieur qui reste nécessaire. Rendre la vie possible, moins douloureuse, plus légère. Multiplier les possibles, aussi. Je me trompe ?
Bonne continuation sur cette voie !