Avez-vous déjà rêvé d’être dans la peau d’un autre le temps d’une journée ? Figurez-vous que c’est le quotidien de A. dans le roman A comme aujourd’hui de David Levithan, initalement paru aux éditions les Grandes Personnes et sorti cette année en poche chez Gallimard Jeunesse.
De corps en corps
Difficile de décrire A. Il n’a pas de sexe, ni d’apparence. Chaque matin, il emprunte l’enveloppe corporelle d’une nouvelle personne de son âge. Chaque matin, il a la lourde tâche de ne pas interférer dans la vie de ces jeunes gens, qu’il abandonnera dès le lendemain pour une nouvelle vie. Il peut, à cette fin, faire appel à leurs souvenirs, et savoir rapidement qui est qui, dans quelle matière ils ont des lacunes, quelles sont leurs habitudes, leurs talents.
A. a pu développer énormément de compétences en accumulant le savoir de tous ses propriétaires, mais pour les choses plus spécifiques, plus pointues, les problèmes commencent. Alors quand il s’agit de donner un petit coup de pouce en maths, c’est plutôt une bonne chose. Quand il s’agit par contre de réussir à comprendre ses parents qui parlent une langue étrangère, c’est déjà plus compliqué de faire comme si de rien n’était. Plus difficile encore d’être dans la peau du petit ami abject de la douce et jolie Rhiannon, qui la méprise et la fait d’ordinaire souffrir.
Cette rencontre marque un tournant pour A.
Pour la première fois, il ressent quelque chose de fort pour quelqu’un, et ne cessera jamais d’essayer de retrouver la jeune fille, quelque soit le corps des adolescent•e•s qu’il empruntera pour la journée — quitte à leur faire prendre des risques dont les conséquences bouleverseraient leur quotidien.
Un récit captivant
A comme aujourd’hui est un récit comme j’en ai rarement lu de si captivant. On adhère très naturellement à l’histoire pourtant complètement farfelue dès les premières pages, et on nourrit une curiosité à chaque nouveau chapitre, celle de savoir dans quelle nouvelle vie A va intervenir : un sportif aguerri, une jeune femme sublime et qui le sait, un toxicomane en proie à une crise, un jeune garçon très propret qui ne désobéit jamais à ses parents, ou bien encore une dépressive qui écrit dans son journal que cette semaine est pour elle la dernière.
A est souvent confronté à des choix moraux cornéliens. Il est amené à trancher entre aider ou non les personnes dont il prend l’apparence même s’il sait pertinemment que ça n’est pas leur volonté. Conséquence directe de cette torture d’esprit digne des grandes tragédies grecques : on se projette en tant que lecteur dans ces situations où aucune solution ne paraît possible. L’empathie ressentie participe ainsi au côté prenant de l’histoire, et l’affection qu’on éprouve pour les personnages s’en trouve renforcée un peu plus à chaque page.
Tout au long du roman, en plus de ces problématiques liées à chaque corps visité, se tisse le lien qui unit A et Rhiannon. Entre les deux adolescents naît une histoire entre amitié et amour très troublante, à laquelle on souhaite croire de tout cœur même en ayant conscience des difficultés que posent la situation d’A. Et pourtant, et c’est là le génie de cette histoire, c’est bien la personnalité d’A à laquelle on s’attache par dessus tout, son apparence étant complètement superficielle. C’est le cas aussi pour Rhiannon, qui offre une sacrée leçon d’humilité en acceptant la personne qu’est A sans jugement pour son physique, sans distinction de sexe — même si le trouble demeure, évidemment.
Un roman aussi original que juste
A comme aujourd’hui a le mérite d’être un roman dont le concept est d’une originalité folle, et où l’idée est exploitée avec intelligence et justesse, sans jamais que l’histoire ne s’en trouve affaiblie. C’est troublant, émouvant, touchant, et on est bien triste de quitter tout ce petit univers en refermant le livre. Vivement conseillé pour votre P.A.L. !
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Les Commentaires
Hé cool je ne connaissais pas, je vais regarder ça, merci