J’ai 34 ans, et je suis en colère.
J’ai grandi dans une famille où l’argent manquait souvent. Nous étions 4 enfants et rapidement, il a fallu apprendre à devenir indépendants. Très tôt, j’ai commencé à travailler, beaucoup, et tout le temps. Pour avoir un salaire et mettre de l’argent de côté pour mes études, pour avoir des bonnes notes et un diplôme, pour me mettre en sécurité.
J’en ai gardé une certitude : dans la vie, je ne peux compter que sur moi-même, et il ne faut pas dépendre des autres. Surtout pas d’un homme.
Des relations moyennes et des ruptures libératrices
J’ai eu une enfance et une adolescence solitaires, et je crois que j’ai quasiment toujours été peu sociable. Je ne savais pas comment aller vers les autres et pendant longtemps, j’ai cru que j’avais un problème tellement cela me manquait pour m’épanouir en société.
En plus de cela, je n’ai jamais eu confiance en moi. Autant dire que côté vie amoureuse, ça compliquait les choses. À tel point que quand j’ai commencé à avoir envie de rencontrer des hommes et de me mettre en couple, je me persuadais que je n’étais pas à la hauteur de ceux qui me plaisaient. Je me disais qu’ils n’avaient aucune raison de s’intéresser à moi, qu’ils trouveraient forcément mieux ailleurs.
Cette tendance m’a amenée à entrer en relation avec des hommes juste parce que je les trouvais gentils et qu’ils manifestaient leur attirance pour moi. Je me disais que je ne pourrais plaire à personne d’autre, je me mettais avec eux un peu par défaut… et n’osais pas les quitter, par peur de leur faire du mal.
De ce fait, j’ai vécu deux longues relations avec des hommes qui ne me convenaient pas. Le premier était immature et irresponsable. Il n’avait aucune idée de comment gérer un quotidien, ne savait rien faire, et j’ai dû tout lui apprendre. Moi qui ne supporte pas de materner les autres, j’ai su très rapidement que cela ne me convenait pas, mais il m’a fallu du temps pour le quitter.
Quelque temps plus tard, j’ai rencontré le second. Il était très dépensier, au point que je me retrouvais à partager avec lui des charges astronomiques, ne supportait pas la moindre frustration, et refusait de régler ses problèmes d’alcool. Je l’ai quitté après un coup de fil à une amie qui m’a dit, comme un électrochoc : « Maintenant, il faut que tu te barres. »
Chacune de ces ruptures s’est plutôt mal terminée pour moi : après la première, mon ex me devait de l’argent et après la seconde, j’ai dû retourner vivre chez mes parents. Autant vous dire qu’à 32 ans, on a l’impression de toucher le fond.
Pourtant, à chaque rupture, je me sentais renaître d’avoir retrouvé une liberté que je pensais avoir perdue en couple. Le célibat, c’était pour moi le moment de faire des projets par, et pour moi : à 27 ans, après m’être séparée de mon premier conjoint, j’ai acheté seule mon premier appartement. À 32 ans, après la seconde rupture, j’ai eu une révélation et j’ai décidé de changer complètement de quotidien.
La liberté de vivre selon ses propres règles
J’ai compris que la vie que je m’étais créée ne me convenait pas, et qu’il était temps d’essayer de profiter d’un peu de légèreté, moi qui avais toujours été si inquiète pour ma sécurité.
J’ai décidé que je ne vivrai plus jamais avec un homme, même en couple. La routine est trop lourde à mon sens, et je n’ai pas la patience de materner un partenaire ou de me demander ce qu’il fait de ses chaussettes sales. Si moi, j’ai toujours dû me débrouiller toute seule, je ne vois pas pourquoi est-ce que je devrais apprendre à quelqu’un d’autre à le faire… Et ça ne me semble pas être trop demander ! À mon sens, il n’y a pas besoin de vivre sous le même toit pour s’aimer.
Ensuite, je me suis lancée dans des projets pour moi. J’ai quitté mon ancien boulot, vendu mon appartement, acheté une maison toute seule. Bientôt, je vais lancer ma micro-entreprise, chose que je n’aurais jamais imaginée possible il y a encore trois ou quatre ans ! C’est comme si je n’avais plus de barrières, que je pouvais tout envisager, et c’est grisant.
Pourtant, malgré tout ces projets qui fonctionnent, le regard des autres et notamment de mes proches me fait sans cesse sentir que quelque chose cloche chez moi.
« On me dit sans cesse de me remettre en selle »
Je ne veux pas avoir d’enfant et je ne veux pas vivre avec un homme. Pour les gens qui m’entourent, c’est un mode de vie peu conventionnel.
Autour de moi, j’ai vu mes amis se marier, faire des enfants, être de moins en moins disponible pour que nous passions du temps ensemble. Mon mode de vie a été très compliqué à faire entendre à ma famille qui ne comprend pas mes choix (pour mes frères et sœurs, le schéma couple — mariage — enfants a été une évidence).
Alors, plus le temps passe et plus les réflexions se font sentir. D’abord, il y a les injonctions sur mon célibat, comme si on me faisait payer le fait de ne pas être en couple. On me questionne sans cesse sur la dernière fois que j’ai été en relation, la dernière fois que j’ai passé la nuit avec un homme et quand je réponds, on m’engueule.
— « Il faut te remettre en selle ! »
— « Moi, si j’avais réagi comme toi, je n’aurai jamais rencontré X ou Y »
— « Il faut rencontrer quelqu’un, tu es jeune ! »
Mais voilà, moi, les dates et les applications de rencontre m’ennuient au possible. Quand je parle du fait que je ne veux pas vivre avec un homme, on me répond que « je ne construirai rien », que mes relations seront vides de sens… Pour moi, on peut construire quelque chose de beau et solide, sans avoir à suivre des dogmes ! Mais encore faut-il trouver quelqu’un qui le comprenne.
Car une chose est sûre : je ne subirai plus mes relations. Je veux être avec quelqu’un dont je suis amoureuse, avec qui j’ai envie d’être !
Être childfree, célibataire, et subir le regard des autres
On me renvoie beaucoup l’image de la fameuse « horloge biologique », le « Tu as 30 ans passé et tu es célibataire, tic-tac tic-tac », voire « Tu n’as pas d’enfants, donc tu as raté ta vie ».
Je sais bien que ces gens ne réfléchissent pas forcément avant de parler, mais cela me met en colère. En colère qu’on me fasse croire que j’ai raté quelque chose parce que je n’ai pas d’enfant, alors que je sais très bien ce que je veux, en colère qu’on me donne l’impression que je ne suffise pas.
Après tout ce que j’ai surmonté et accompli, j’ai toujours le sentiment qu’il me manque quelque chose. Que mes proches ne seront contents que le jour où j’aurai pondu un enfant, même si je n’en ai pas envie et que je refuse de le faire par principe, ou parce que c’est ce que la société attend de moi. Mes projets, je les ferai pour me construire moi, et parce qu’ils me rendront heureuse !
J’ai le sentiment que même si je peux être fière de moi et de ma vie, « si j’avais des enfants et que ma vie était plus rangée, ça serait mieux. » On dirait qu’autour de moi, tout le monde continue à espérer que je rentre dans la norme, et cette pression est constante. C’est vexant et rageant.
Je suis en colère, tout le temps
Rageant aussi parce que ces réflexions m’atteignent, et que je finis par me dire que même si mes projets ont avancé, je stagne au niveau sentimental.
Je me sens constamment frustrée de ne pas être perçue comme la femme forte et indépendante que je suis : adolescente, puis à la vingtaine, avoir surmonté des années de galère me donnait l’impression que je pouvais déplacer des montagnes et surmonter chaque obstacle qui se présenterait sur ma route. Aujourd’hui, j’en viens à me demander à quoi bon faire tous ces efforts.
Je suis en colère contre ceux qui me font ces remarques, qui me mettent la pression à reproduire leur modèle qui ne me fait pas envie, et qui en même temps me font penser que quelque chose cloche chez moi.
Je suis en colère contre les hommes aussi, à qui je crois que je n’arriverai plus à faire confiance. J’ai l’impression que si je laisse entrer dans ma vie, d’une manière ou d’une autre, il en viendra à me prendre tout ce que j’ai construit.
Je suis en colère contre tout le monde, et parfois, j’en viens à me détester. À me demander s’il ne faut pas tirer une croix sur ma vie sentimentale parce que ma vision du couple et de la vie est différente de celle de la majorité, alors que moi aussi, j’aimerais une relation pleine de complicité comme c’est le cas pour certains amis.
Et cette colère toujours tapie en moi qui resurgit à n’importe quel moment, je la déteste plus que tout mais en même temps je m’y réfugie quand tout va mal. Cette colère qui devient grandissante, comment m’en débarrasser ?
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Crédit photo de Une : Luz Fuertes / Unsplash
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