Les chiffres sont inquiétants. Alors que les Français boivent toujours beaucoup d’alcool, mais moins qu’avant, les femmes commencent à rattraper leurs homologues masculins lorsqu’il s’agit de « consommation ponctuelle excessive », selon une étude de Santé Publique France. Ces « alcoolisations ponctuelles importantes » (appelé « binge drinking »), sont de plus en plus pratiquées parmi les femmes de plus de 35 ans. Un constat préoccupant qui ne semble gêner personne, la consommation d’alcool est aujourd’hui largement encouragée par la société, et les gens qui ne boivent pas sont parfois perçus comme « ennuyeux ». La dernière sortie de Léa Salamé en est l’illustration parfaite. La journaliste avait lancé « Vous êtes devenu chiant ! » à l’humoriste Artus qui venait d’annoncer avoir totalement arrêté de boire.
Juliette nous a envoyé spontanément son témoignage, car elle fait partie de ces femmes qui boivent trop. Et, comme elle nous le dit, elle ne parle pas de l’addiction ou l’on boit de l’alcool dès le réveil, non de l’alcoolisme mondain, celui qui petit à petit prend de plus en plus de place dans sa vie.
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Être ivre entre amis, c’est festif, non ?
J’aimerais aborder un sujet aujourd’hui qui je pense concerne beaucoup plus de personnes qu’on ne le pense : l’addiction à l’alcool. À tel point qu’il y a de plus en plus de soirées avec des trous noirs, des réveils avec des inconnus, des journées passées à vomir, à ne pas pouvoir travailler, à dépenser dans de la malbouffe avec des Uber eats le lendemain. Sans parler des matins de honte ou l’on n’ose plus parler aux autres car on ne sait pas ce qu’on a fait, ce qu’on a dit. Il y a aussi des disputes avec les autres à cause des mauvaises réactions dues à l’alcool. Et je n’évoque même pas les problèmes financiers qui en découlent.
J’ai commencé à boire comme beaucoup de personnes, au lycée à l’âge de 16 ans. Cela a toujours été festif, mais aussi dans un but précis au début : être ivre entre amis. Puis ces dix dernières années, l’alcool a toujours fait partie des soirées. Parmi mes amis, j’étais toujours celle qui était la plus ivre à la fin, je n’avais jamais envie d’arrêter. Et j’étais considérée comme une personne marrante, avec qui on crée de bons souvenirs. Lorsque j’ai eu ma première relation amoureuse qui a duré quatre ans, l’alcool me faisait avoir des réactions disproportionnées, des disputes devant tout le monde. Je suis même allée jusqu’à le gifler devant tout le monde. Lui faire honte, mais surtout lui faire de la peine.
Une première alerte m’a fait arrêter l’alcool
La première grosse alerte a été lorsque j’avais 23 ans, j’étais fille au pair aux États Unis, et suite à une soirée avec un garçon que je fréquentais, je me suis réveillée dans une cellule de dégrisement, avec un énorme trou noir de toute la nuit. Suite à cet incident, j’ai mieux contrôlé ma consommation pendant un temps. Puis j’ai enchaîné avec une année de vie à Londres, où je travaillais dans la restauration, 60 heures par semaine. Donc forcément, l’alcool faisait partie du quotidien. C’était tellement présent que le soir du 24 décembre, étant toute seule dans mon appartement avec un verre de vodka, j’ai pris la décision de rentrer en France, à Paris. C’était trop. J’ai ensuite passé plusieurs années de vie à Paris, le Covid a mis un coup d’arrêt à mes sorties, mais je savais que mon addiction était là, tapie.
Un insatiable besoin d’ivresse
Ces dernières années dans ma vie parisienne, l’alcool est présent à chaque fois que je vois mes amis, le jeudi, le vendredi, le samedi, parfois le dimanche. Je préfère ne pas manger avant de boire, pour que ça monte plus vite. Lorsque je quitte mes amis car chacun veut rentrer chez soi, moi je ne veux pas arrêter alors je m’achète une bouteille de rosé pour la boire chez moi toute seule.
Récemment, suite à une énième soirée sans souvenir, on m’apprend le lendemain que j’ai passé un moment avec un homme qui est en couple alors que je ne me rappelle de rien, j’ai encore honte. J’ai fait de la peine à plusieurs personnes, alors que je ne me rappelle de rien. Je ne compte plus les relations sentimentales que j’ai gâchées à cause de mon attrait pour l’alcool : mes réactions excessives qui ont entraîné des disputes en soirée, des dates ou je ne pouvais pas m’arrêter de boire.
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Jusqu’où ça va aller si je continue ?
Mais surtout je réalise jusqu’où ça va aller si je continue. Jusqu’à maintenant, personne ne m’a jamais dit d’arrêter. Dans mon entourage familial ou amical, c’est normal de boire. Les gens qui ne boivent pas sont d’ailleurs qualifiés d’ « ennuyeux ». On adore boire du champagne à Noël, boire du vin le week-end au Rosa Bonheur (guinguette parisienne) pour célébrer la saison estivale, prendre un shot entre amis pour fêter un évènement.
C’est aussi et cela a toujours été un exutoire pour fuir quelque chose en nous qui nous fait souffrir, un moyen de ne pas affronter ses problèmes plus profonds. Je sais aujourd’hui que pour mon bien, il faut que j’arrête complètement, car je n’ai jamais su boire avec modération. Mais comment sera ma vie après ? Quelle personne je vais être ? Moi qui était surnommée « Juliette rosé, la dame rosée » en raison de mon attrait pour le rosé.
Suis-je la seule dans cette situation ?
Je fais ce témoignage, dans lequel je rentre peu dans le détail, car des anecdotes il y en a tellement d’autres en plus de dix ans de consommation, mais j’aimerais savoir si je suis la seule, arrivée à presque la trentaine dans cette situation. J’aimerais aussi savoir comment on fait pour arrêter quelque chose qui aujourd’hui en France est considéré comme normal, fun. Tous mes amis sont aujourd’hui au courant, et me soutiennent. En revanche, dans ma famille, seule ma maman est au courant.
Je souhaite avertir que même si l’on ne boit pas tous les jours, ou que l’on ne boit que de manière festive, c’est aussi une forme d’alcoolisme. Qui peut parfois avoir des conséquences graves. Ma prise de conscience et ce témoignage vient d’une situation vraiment délicate un lendemain de soirée. J’ai décidé pendant un temps d’arrêter totalement l’alcool, et de démarrer une thérapie avec une psychologue. Lorsque l’on choisit l’alcool comme exutoire, c’est qu’il y a forcément des choses à résoudre.
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Les Commentaires
Juste pour rappel qu'il n'y a pas besoin d'ivresse pour avoir un problème avec l'alcool.
Plein de courage à ceux qui arrêtent, qui tentent d'arrêter. Je suis vraiment heureuse d'avoir été élevée dans une culture familiale du sans-alcool et même si j'ai passé de sales années au collège et au lycée (j'ai perdu tout un groupe d'amis parce que je buvais pas et qu'ils ne voyaient pas l'intérêt de m'inviter), je suis contente de mes habitudes et de mon hygiène de vie actuelle.