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Déclic

Éloïne, 22 ans : « J’essaie de modifier les automatismes sexistes de ma famille mais je me sens de plus en plus éloignée d’eux »

Dans Déclic, des personnes nous racontent leur éveil féministe et ce que cela a changé pour elles. Aujourd’hui, Eloïne décrit comment elle a pris conscience de son individualité et gomme toute hiérarchisation entre amour romantique et amitié.
  • Prénom : Eloïne
  • Âge : 22 ans
  • Occupation : Étudiante en archéologie (Master 2) et danseuse à mes heures perdues 
  • Lieu de vie : Lyon

Comment décririez-vous votre rapport au féminisme ?

Militant et intime. Intime parce que le féminisme imprègne chaque instant de ma vie. Et militant car j’essaye de diffuser ses concepts autant que je peux autour de moi. 

Dans quel contexte avez-vous grandi ?

Je n’ai absolument pas grandi dans un milieu féministe. Ma famille respecte un schéma très traditionnel, avec deux parents hétérosexuels, mariés, propriétaires et deux enfants. Chez mes parents, ma mère est l’unique personne portant la charge mentale. 

Ma famille du côté maternel (dont je suis la plus proche) est composée à 70% de femmes et fonctionne selon un modèle qui, à première vue, parait féministe car ce sont les femmes qui prennent l’entièreté des décisions. En réalité, cela cache toutes les nouvelles injonctions créées par les systèmes patriarcal et capitaliste à l’encontre des personnes de genre féminin : être une bonne épouse, être une bonne mère, être une bonne employée/patronne, être indépendante, être belle (selon les codes sociaux), être en permanence à l’écoute…

Cet environnement ne peut qu’encourager la reproduction d’un système, sans jamais que les injonctions soient mentionnées de manière explicite.

Ma mère soutient ainsi encore aujourd’hui que je n’ai jamais reçu une éducation différente de celle de mon frère…

À quand remonte votre déclic féministe ?

J’ai découvert le féminisme vers l’âge de 15 ans, avec les podcasts de Madmoizelle. Je n’étais alors que peu engagée et avais même soutenu à ma meilleure amie que je n’étais pas féministe car j’avais une image négative de ce terme. La vraie prise de conscience a plutôt eu lieu quand j’avais 19 ans. Partie du foyer familial pour mes études, j’ai eu plus de place pour développer ma propre pensée et mes propres engagements.

Comme à mes quinze ans, cette prise de conscience s’est surtout faite via des podcasts dans lesquels j’allais – et je vais toujours – chercher des réponses à mes problématiques de vie. J’ai souffert de TCA, ai été dépressive pendant de nombreuses années, puis victime de violences sexistes et sexuelles à plusieurs reprises. Ces podcasts avaient les réponses aux questions que je me posais suite à ces différents évènements.

Par la suite, j’ai rencontré mon compagnon actuel, très déconstruit. C’est lui qui m’a incitée à aller découvrir d’autres contenus, notamment sur des problématiques comme la charge mentale. Et puis, mes ami•e•s sont militant•e•s, ce qui m’a permis de discuter et de me forger mes propres opinions. À tout cela s’ajoute des comptes Instagram militants que je consulte régulièrement.

Comment le féminisme infuse-t-il votre vie aujourd’hui ?

Le féminisme infuse de nombreux aspects de ma vie. Sur le plan personnel, cela a modifié mon rapport au corps, plus bienveillant. Il m’a permis d’avoir moins de pensées automatiques, qui relèvent de sexisme intériorisé. J’ose davantage prendre de la place, exprimer mes opinions, accepter et assumer mes goûts (en musique par exemple). Le féminisme m’a aussi permis de prendre conscience des violences que j’avais subies.

Côté professionnel, j’identifie les dynamiques de pouvoir qui infusent mon environnement de travail, et je me révolte face à ces injustices. J’essaie, dans mon domaine de recherche, de mieux prendre en compte la parole des femmes et leur histoire. Dans mon mémoire de Master, j’emploie l’écriture inclusive et privilégie les termes neutres.

Par ailleurs, je veille à donner autant, voire plus, d’importance à mes amitiés qu’à mes relations romantiques. J’accorde plus de temps de qualité à ma famille choisie. Je ne vois plus l’amour romantique comme le seul amour valide. Côté relation amoureuse, j’ai envie de vivre des expériences de couple libre. J’abolis les tabous. J’ai été élevé dans un environnement où tout ce qui pouvait se rapprocher de la sexualité était innommable. J’ai une soif de découverte intarissable.

Je perçois aussi davantage les mécanismes genrés au sein de mes groupes d’amis, et fais attention à mieux répartir la charge mentale.

En ce qui concerne mes convictions politiques : j’étais déjà sensibilisé aux problématiques liées au capitalisme (discrimination sociale/économique, environnement…). Le féminisme n’est venu que renforcer mon engagement !

La boîte à outils féministe d’Éloïne

Podcasts :

  • Les couilles et le Cœur sur la table de Victoire Tuaillon (des classiques)
  • 4 quarts d’heure 
  • La Chamade de Samia Miskina
  • Passion Médiéviste de Fanny Cohen-Moreau

Twitch et Youtube :

  • Tous les contenus de Mymy Haegel
  • Tous les contenus de Marikigai
  • Les vidéos de Manon Brill (histoire et féminisme)

Livres :

  • Ils vécurent heureux. Guide de survie d’une féministe en couple hétéro, Mymy Haegel
  • Une cartographie du plaisir, Jouissance Club

Comptes Instagram : 

Comment vos proches ont-ils accueilli ce déclic ?

Mes ami•e•s proches et mon compagnon sont sensibilisés à ces questions et sont, pour certain•e•s, militant•e•s également. En revanche, ma famille n’est absolument pas éduquée sur ces problématiques. J’essaie de modifier leurs automatismes sexistes mais je me sens de plus en plus éloignée d’eux, ne vivant plus sous le même toit et ne partageant plus les mêmes valeurs. Je les considère de moins en moins comme mon entourage proche et ai pris conscience de mon identité propre : je ne suis plus redevable à mes parents.

Au sein de ma famille de sang, les tensions sont permanentes. Exacerbées dès qu’il s’agit de parler/faire des tâches ménagères. J’évite donc un maximum de passer de longues périodes en compagnie de ces personnes car mon seuil de tolérance est rapidement atteint et les tensions dégénèrent en joutes verbales fort peu agréables.

Mon féminisme est aussi parfois source de tension quand je rencontre de nouvelles personnes qui ne sont pas de mon avis et qui ne sont pas ouvertes à la discussion. Je pense notamment aux personnes que je côtoie dans le milieu de la danse (latino), souvent assez conservatrice dans leur idéologie. 

Avez-vous laissé de côté certaines habitudes, déconstruit certaines croyances, ou posé de nouvelles limites ? 

Oui, Les changements les plus importants sont :

  1. La prise de conscience de mon individualité
  2. L’abolition des frontières entre amour amical et romantique 
  3. La création d’une grille de lecture féministe dans mon esprit qui me permet de mieux analyser les situations
  4. L’envie de ne pas avoir d’enfants

Outre ces grandes évolutions, je me suis séparée de certaines croyances limitantes dues à mon éducation genrée. Celles-ci touchent surtout à mon schéma de vie et ma sexualité.

J’ai ainsi découvert que le bonheur ne résidait pas forcément dans la création d’une famille traditionnelle mais qu’on pouvait très bien être (plus) heureux•se en suivant d’autres schémas.  J’ai également posé de nouvelles limites qui concernent surtout mon intégrité en tant que personne. Je refuse aujourd’hui que quelqu’un•e s’immisce dans mon espace personnel sans mon consentement. Je refuse qu’on me touche ou qu’on m’impose des choses à penser/faire. En résumé, je me considère comme une individue à part entière.

Avez-vous l’impression d’être arrivée au bout de votre éveil féministe ?

Non ! Mon féminisme est en perpétuelle évolution et j’espère que cela sera toujours ainsi. J’aime apprendre de nouvelles choses, remettre tous les pans de ma vie et de mon esprit en question.

Je n’aurai jamais fini de me déconstruire et de me reconstruire. De nouveaux et nouvelles penseur•euses seront là pour chatouiller mes idées reçues.

Eloïne, 22 ans

En ce moment, je m’interroge beaucoup sur le désir d’enfant et la manière dont on éduque / considère les enfants dans notre société.

Vive les révolutions féministes !


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