En France, neuf femmes autistes sur dix assurent avoir subi des violences sexuelles, selon un rapport scientifique parue dans Frontiers in Behavioral Neuroscience, le 26 avril 2022. Elles ont aussi trois fois plus de risques d’être victimes de violences sexuelles que les femmes non autistes.
Déjà surexposées aux violences en tant que femmes, l’autisme devient un facteur de risque supplémentaire : « leur plus grande vulnérabilité semble être repérée par les prédateurs qui en tirent profit et elles ne parviennent pas toujours à décoder le danger », observe l’Association Francophone des Femmes Autistes.
Aussi, la fragilité des femmes autistes est renforcée par une menace quotidienne : elles sont particulièrement entourées à cause de leur handicap. Une bonne chose en théorie. Mais parfois mauvaise dans les faits : la majorité des violences sexuelles sont commises à leur domicile par des proches ou du personnel soignant.
47% des filles autistes agressées sexuellement avaient moins de 14 ans
Les résultats de cette nouvelle étude, la plus importante à ce jour consacrée spécifiquement aux femmes autistes, révèlent aussi que 75% de ces victimes ont été agressées à plusieurs reprises. Souvent le même schéma se répète : la majorité d’entre elles ont subi des abus sexuelles dans leur jeunesse et n’étaient ni en mesure de les signaler ni de demander des soins.
En effet, d’après une étude antérieure réalisée par l’Association Francophone de Femmes Autistes, « 47% des filles autistes de moins de 14 ans ont été victimes d’une agression sexuelle, dont 31% avant l’âge de 9 ans ». Sans surprise, cela entraîne pour nombre d’entre elles un développement d’un trouble de stress post-traumatique.
Mieux prendre en charge les femmes autistes victimes de violences sexuelles
Les chercheurs espèrent que les conclusions de leur rapport permettront alors d’améliorer les programmes de prévention et de traitement, comme l’a déclaré une des co-auteures, la doctoresse Fabienne Cazalis, du pôle sciences sociales du Centre national de la recherche scientifique (CNRS – EHESS), à Mediapart :
« C’est important car les symptômes de traumatisme sexuel peuvent être négligés chez les personnes présentant des traits autistiques, ce qui fait que ces personnes ne reçoivent pas les soins dont elles ont besoin. Nous espérons que cette recherche aidera les personnes autistes qui ont été victimes de violences sexuelles à être mieux comprises et à recevoir de meilleurs soins. »
Un tiers des victimes ont signalé leur agression sexuelle
L’étude scientifique constate aussi qu’un tiers des victimes ont signalé leur agression sexuelle. Parmi celles-ci, 75% n’ont fait l’objet d’aucun suivi, que cela soit sous forme de traitement de la part des forces de l’ordre ou par des poursuites judiciaires.
Pour les auteurs du rapport, les stratégies d’éducation ne sont certainement pas le moyen de prévention le plus efficace. Ils prônent plutôt l’instauration de programmes à grande échelle visant à réduire les violences sexuelles systématiques et les inégalités entre les genres, en suivant le modèle proposé par l’Organisation Mondiale de la Santé et le US Center for Disease Control (soit la la principale agence fédérale des États-Unis en matière de protection de la santé publique).
La doctoresse Fabienne Cazalis espère que les professionnels de santé seront désormais plus attentifs aux questions de violences sexuelles à l’encontre de femmes autistes afin de mieux les accompagner :
« Nous attendons des cliniciens et des professionnels qu’ils reconnaissent l’importance d’enquêter sur la victimisation sexuelle potentielle lorsqu’ils travaillent avec des femmes et des personnes non binaires du spectre. Nous souhaitons également que cette étude contribue à améliorer la sensibilisation générale à la violence sexuelle, afin de contribuer à la prévenir dans la mesure du possible. »
Les femmes autistes invisibilisées au détriment de leur protection
En octobre 2019, le Sénat a dévoilé son rapport Violences, femmes et handicap : dénoncer l’invisible et agir dans lequel il déplorait le manque de statistiques sur le sujet, constituant un obstacle à la construction d’une véritable politique publique de prévention.
Dès 2016, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH) constatait : « Difficilement surmontables pour les femmes valides, les obstacles propres aux parcours des victimes de violences peuvent être infranchissables pour les femmes handicapées. »
D’après l’Association Francophone des Femmes autistes, ces obstacles présents dans les structures dédiées aux victimes de violences sexuelles sont multiples tels que le bruit des locaux, la puissance de la lumière, les couleurs utilisées… L’association appelle à la mise en place de dispositifs adaptés. Urgemment !
« Surexposition aux violences et sous-exposition aux dispositifs : il est grand temps de prendre conscience de la situation et de rendre la lutte contre les violences sexuelles inclusives. »
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Image en Une : © Dmitry Schemelev – Unsplash
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