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Politique

8 sujets écolo aussi primordiaux qu’absents de cette campagne présidentielle

L’écologie a été la grande oubliée de la campagne présidentielle — au profit notamment de la sécurité, de la stigmatisation de l’islam et de l’immigration. Paradoxal alors qu’il n’a jamais été aussi urgent de lutter contre le dérèglement climatique…

Derrière les grands discours sur l’écologie comme « combat du siècle », la réalité politique et médiatique est toute autre : seules 18 minutes des trois heures du débat d’entre-deux-tours Macron / Le Pen ont été consacrées au sujet.

Pas si étonnant — ce décalage entre enjeux écologiques et discours de façade dans les médias et programmes politiques dominants peut par exemple s’expliquer par une incompatibilité de notre modèle économique actuel avec l’urgence de lutter contre la destruction du monde vivant. 

Au-delà de l’invisibilisation certaine de l’écologie dans la campagne présidentielle, quels sont les sujets qui auraient dû et devraient être abordés et questionnés afin de lutter concrètement contre le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité ?

Voici une liste non-exhaustive qui pourra peut-être vous aider à comprendre les enjeux écologiques dans leur globalité. Vous le remarquez, tous les sujets évoqués sont interconnectés et liés — tout comme l’être humain est dépendant de ses écosystèmes ! 

1. Les inégalités climatiques 

Qui sont les premiers responsables du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité ? Et quelles en sont les premières victimes ? 

Les inégalités climatiques font partie des sujets les plus importants concernant l’écologie puisqu’elles permettent de comprendre que le système capitaliste est incompatible avec l’écologie et que la répartition des richesses est un enjeu majeur pour l’écologie et la justice sociale. 

Besoin d’un éclairage sur les inégalités climatiques ? Lisez mon article sur l’impasse de l’écologie individuelle

2. L’impact du modèle agro-industriel sur les écosystèmes et les émissions de CO2

Le modèle agro-industriel et ses conséquences ont été largement occultés pendant cette campagne. Pourtant responsables de 15% des émissions de CO2, la production de produits d’origine animale et les élevages intensifs sont toujours invisibilisés malgré leur impact dévastateur sur les écosystèmes. Un rapport réalisé en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour l’environnement indique :

« Nos modes de production et de consommation de nourriture sont le premier danger pour la biodiversité. L’agriculture moderne est une menace pour 86% des espèces en voie de disparition. »

consommation-eau

Selon les agences de l’eau et le Ministère de l’Écologie, la consommation industrielle d’eau représente environ 20 % de la consommation mondiale.

« L’agriculture est l’activité humaine la plus consommatrice d’eau : elle représente en moyenne 70% de la consommation mondiale. (…) L’alimentation du bétail nécessite également un approvisionnement abondant en eau dans les régions d’élevage. »

À échelle plus locale, le média d’investigation breton Splann a notamment montré l’ampleur de la pollution à l’ammoniac causée par le système agricole industriel en Bretagne, première région agro-alimentaire d’Europe et première région agricole française. 

La campagne présidentielle a par ailleurs prouvé la défiance quasi-systématique vis-à-vis d’une végétalisation drastique de notre alimentation, le candidat communiste Fabien Roussel ayant par exemple préféré prôner « la bonne viande bien de chez nous » que la végétalisation de l’alimentation dans un objectif écologique et éthique pendant toute sa campagne…

L’accaparement de l’eau et des terres agricoles par le système agro-industriel et les multinationales en France comme ailleurs (et surtout dans les pays du Sud) au détriment des paysans et paysannes locales favorise également un système polluant et productiviste qui ne répond pas aux besoins alimentaires des populations. 

3. L’autonomie alimentaire 

L’autonomie alimentaire vise à subvenir aux besoins alimentaires d’une population locale et à permettre un accès facile à une alimentation diversifiée pour tous et toutes. 

Un enjeu majeur à l’heure où 3,5 millions de Français et Françaises subissent déjà l’insécurité alimentaire et où la France importe l’équivalent de 20% de ses besoins alimentaires (rapport de la commission des affaires économiques du Sénat, 2019). 

Le dérèglement climatique, l’effondrement de la biodiversité et les évènements géopolitiques comme la guerre en Ukraine mettent profondément en danger nos moyens de subsistance alimentaire. Les pays du Sud alertent pourtant depuis plusieurs décennies sur les sécheresses subies et les famines qui en découlent

Comment tendre vers une autonomie alimentaire durable ? Par une transformation urgente, profonde et radicale de notre système agricole industriel par une agriculture respectant les écosystèmes. 

4. L’artificialisation des sols 

Qu’est-ce que l’artificialisation des sols ? Il s’agit de tout processus impliquant une perte d’espaces naturels, agricoles ou forestiers conduisant à un changement d’usage et de structure de sol (béton par exemple).

L’artificialisation des sols est l’une des principales causes de l’érosion de la biodiversité puisqu’elle détruit les habitats naturels, les continuités écologiques de la faune comme de la flore, et « elle imperméabilise certains sols, ce qui accroît la vulnérabilité aux inondations. ». Elle menace d’extinction un million d’espèces animales et végétales et augmente aussi notamment les émissions de CO2 en restreignant la capacité du sol à le stocker.

L’artificialisation des sols accroît également le développement des zoonoses, ces maladies qui circulent entre les humains et les animaux — comme la Covid-19, le SRAS, la grippe aviaire et d’autres maladies encore inconnues qui devraient se développer de plus en plus avec le dérèglement climatique.

« Plusieurs études constatent que seule une approche PIB non-croissance/décroissance ou post-croissance permet d’atteindre une stabilisation climatique en dessous de 2°C. »

Source : le GIEC

Les causes sont multiples ; s’y attaquer signifie remettre en question l’étalement urbain, les réseaux de transport, la maison individuelle…

5. La menace éco-fasciste 

La présence de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle a encore une fois montré le succès de la dédiabolisation de l’extrême-droite et de la menace fasciste au pouvoir.

La menace éco-fasciste qui pèse sur les minorités est à la fois méconnue et invisibilisée — l’extrême-droite intègre en effet de plus en plus les enjeux écologiques dans son programme politique mêlant exclusion des minorités, identitarisme et nationalisme.

Vigilance, donc : l’extrême-droite ne prendra pas soin, par exemple, des populations minorisées, déjà extrêmement vulnérables face à l’urgence climatique.

6. La décroissance énergétique 

Le GIEC mentionne désormais la décroissance comme solution pour lutter contre le dérèglement climatique et indique que :

« Plusieurs études constatent que seule une approche PIB non-croissance/décroissance ou post-croissance permet d’atteindre une stabilisation climatique en dessous de 2°C.

[…] de nombreuses solutions qui réduisent la demande de matières premières et d’énergie fossile, et donc les émissions de gaz à effet de serre, fournissent de meilleurs services pour contribuer au bien-être de tous. »

La réalité scientifique est bien loin de la réalité politique et médiatique. Les débats polarisent en effet souvent la question énergétique à une opposition « nucléaire VS éolien » pour continuer à produire et consommer autant d’énergie… sans remettre en question la totalité de notre modèle énergétique basé sur l’extractivisme et l’épuisement des ressources. 

7. L’anthropocentrisme et notre rapport au monde vivant 

Marine Le Pen « adore les chats »… mais elle n’aime pas les animaux sauvages puisqu’elle soutient la chasse. Emmanuel Macron adore son chien… mais agit contre les animaux.

Aucune surprise, ces paradoxes entre discours et réalité politique ne font que refléter ce qu’on appelle l’anthropocentrisme — une conception philosophique qui considère l’humain comme l’entité centrale la plus significative de l’Univers et qui appréhende la réalité à travers la seule perspective humaine.  

Pourtant, sortir de l’anthropocentrisme, de la dichotomie nature / culture et du rapport de domination humain / nature est une absolue nécessité pour mettre en place des solutions écologiques adaptées.

L’être humain est un effet une espèce parmi les autres, et non supérieure aux autres ; il est interdépendant des autres espèces et de la biodiversité. Ne se soucier de l’écologie qu’à travers le prisme de l’humain est donc totalement déconnecté de la réalité écologique. 

8. L’adaptation aux conséquences du dérèglement climatique 

Comment allons-nous nous adapter aux conséquences du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité ? Comment s’adapter à la montée des eaux, aux sécheresses, aux migrations climatiques ? Encore un sujet occulté ! 

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Pourtant, selon ce rapport spécial du GIEC, comparé à la fin du 20e siècle, le niveau des océans devrait augmenter de 43 centimètres environ (29–59 cm) d’ici 2100 si le réchauffement global est maintenu à 2°C, mais de 84 cm (61-110 cm) si les tendances actuelles se poursuivent, aboutissant à un réchauffement global de 3°C ou 4°C.

Les canicules et épisodes de sécheresse se font de plus en plus fréquents et s’intensifient, accentuant les famines et l’insécurité alimentaire. En 2020, les arrêtés de restriction imposant des limitations de l’utilisation d’eau ont par exemple concerné 80 départements au début du mois d’août. Et alors que nous ne sommes qu’au mois d’avril, la sécheresse est déjà installée sur une grande partie de la France.

Enfin, selon l’ONU, plus de 280 millions de personnes en migration sont à prévoir d’ici 2050 avec la montée des eaux, conséquence de la hausse des températures. Les déplacements de population représentent un défi pour tous et toutes, mais c’est un sujet qui cristallise beaucoup d’individualisme, de racisme et d’angoisses. Construisons des réseaux de solidarité au lieu de stigmatiser et d’expulser !

Comme vous pouvez le voir, tout est lié et les réactions en chaîne s’aggravent avec le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité.

Si les politiques et les médias dominants ne se saisissent pas de ces sujets à la hauteur du défi climatique, nous pouvons sortir de la résignation et agir collectivement, n’oubliez pas qu’il y a plein de pistes d’actions collectives à portée de mains pour sortir de l’écologie individuelle !


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

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Avatar de Patacha
23 avril 2022 à 10h04
Patacha
Caser "anthropocentrisme" et de la philosophie environnementale dans un article Mademoizelle chapeau ! Ça détonne au milieu des articles tik tok et consorts... Merci pour cet article !
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