« La civilisation telle que nous la connaissons va s’effondrer dans les années à venir ». Voici une phrase avec laquelle 65% des Français sont plutôt d’accord ou tout à fait d’accord, selon une récente enquête Ifop réalisée pour la Fondation Jean Jaurès.
Un diagnostic proche de celui porté par la collapsologie et le survivalisme, deux courants de pensée qui prévoient un effondrement prochain de nos sociétés auquel il faudrait commencer à se préparer.
Si la possibilité d’un effondrement a longtemps été vu comme une théorie un peu farfelue et minoritaire, réservée aux films catastrophes hollywoodiens, il semble qu’elle ait gagné en légitimité auprès du grand public ces dernières années et qu’elle soit de plus en plus médiatisée.
Pour essayer de mieux connaître le positionnement des populations occidentales sur le sujet, la Fondation Jean Jaurès a commandé une enquête en octobre 2019 à l’institut de sondage Ifop. Plusieurs milliers de personnes ont été interrogées dans 5 pays différents.
La France, patrie de la collapsologie ?
Les Français et les Italiens sont les plus susceptibles d’adhérer à cette vision du futur, avec respectivement 65% et 71%. des personnes sondées qui sont d’accord avec le diagnostic selon lequel notre civilisation actuelle pourrait s’effondrer dans les années à venir.
Seuls 56% des Britanniques, 52% des Américains et 39% des Allemands partagent ce point de vue.
Une différence entre pays que Jean-Laurent Cassély, journaliste, et Jérôme Fourquet, politologue, expliquent par des conjonctures économiques et des climats sociaux qui diffèrent.
« On peut faire l’hypothèse que le degré d’adhésion à la thèse d’un effondrement prévisible de la civilisation constitue un bon indicateur de la prégnance du déclinisme et du pessimisme dans une société donnée. À l’appui de cette hypothèse, on notera que c’est en Allemagne, pays jouissant d’une très solide assise économique et institutionnelle, que le pronostic de l’effondrement de la civilisation est le moins répandu, suivi par les deux pays anglo-saxons puis enfin par la France et l’Italie, nations aux performances économiques moins satisfaisantes et où les tensions sociales et politiques sont fortes. »
Les Français·es sont aussi plus nombreu·ses à penser que cette disparition de notre civilisation actuelle arrivera rapidement. Ainsi, 21% des personnes qui croient l’effondrement probable pensent qu’il arrivera dans moins de 10 ans et 33% d’ici 10 à 20 ans. Soit 54% au total, contre 41% en Italie et 32% en Grande-Bretagne.
Qui adhère le plus à la théorie de l’effondrement ?
Autre différence majeure par rapport aux autres pays : en France, l’âge ne semble pas être un facteur différenciant. Le pourcentage de la population qui adhère à la théorie de l’effondrement reste relativement constant dans toutes les tranches d’âge. Alors qu’ailleurs, les jeunes générations semblent être plus réceptives à ce discours.
Les opinions politiques semblent par contre avoir une influence : 76% des Insoumis, 74% des sympathisants du Rassemblement National, 71% de ceux des Républicains et 61% des socialistes font le diagnostic d’un effondrement prochain. Seuls les sympathisants de La République en marche (LREM) se démarquent : seuls 39% d’entre eux estiment probable une disparition de notre civilisation actuelle.
Le niveau de revenus et de diplôme a aussi un impact : la proportion de ceux qui pensent que la civilisation va s’effondrer progresse à mesure que le niveau de vie diminue. Sur le plan éducatif, c’est parmi les personnes sans diplôme (73 %) que l’adhésion est la plus forte.
Pourtant, le portrait-robot du « collapsonaute » habituellement dressé dans les médias est plutôt celui d’un jeune urbain très diplômé. Un décalage que Jean-Laurent Cassély et Jérôme Fourquet expliquent de la façon suivante :
« Les collapsonautes engagés, qui fréquentent les plateformes et les lieux de débat et ont même engagé une transition, représentent une minorité éclairée très exposée médiatiquement, scrutée par les journalistes et les chercheurs. Notre enquête montre un mouvement plus souterrain et massif d’adhésion à la thèse de l’effondrement de la part d’une population qui vit ce risque sous l’angle d’une menace et qu’elle associe à une situation sociale et économique globalement « dominée », ou subie sans grande marge de manœuvre pour s’en extraire. »
Quelles sont les causes susceptibles de faire disparaître notre civilisation actuelle ?
Quand on les interroge sur les causes susceptibles de mener à un effondrement de notre civilisation, plusieurs groupes émergent parmi le panel d’interviewé·es.
Une partie d’entre eux (27%) estime que ce sont les conséquences du réchauffement climatique et de la surconsommation qui mèneront à l’effondrement.
En face, 32% des sondé·es pensent qu’il n’y aura pas d’effondrement soudain mais plutôt une dégradation progressive des conditions de vie actuelles. Cette dislocation lente des structures sociales semble recueillir plus d’échos chez les générations les plus âgées, sur fond de « C’était mieux avant » et de « tout fout le camp », comme l’expliquent les deux auteurs de l’étude.
« Plus on progresse dans la pyramide des âges et plus la propension à adhérer au scénario d’une décadence et d’une dislocation progressive est prégnante. Et, à l’inverse, c’est dans les jeunes générations que la thèse d’un collapsus environnemental et climatique est la plus présente. »
D’autres groupes, plus minoritaires, estiment que l’effondrement de notre société pourrait être la conséquence de vagues migratoires totalement incontrôlées (15%), d’une guerre civile ou de tensions très fortes (14%), voire d’un accident industriel (5%)…
Comment se préparer à l’effondrement ?
Pour l’instant, si les Français·es sont nombreux·ses à estimer qu’il est probable que notre civilisation disparaisse, peu se préparent concrètement à l’effondrement.
Seules 5% des personnes interrogées ont commencé à stocker des vivres ou à préparer un sac de secours. Seules 4% ont déjà participé à un stage de survie ou repéré un lieu de repli pour se réfugier. Et seules 3% ont commencé à aménager une base autonome durable pour vivre après l’effondrement (mais 18% y pensent).
Au-delà de ces différentes stratégies, l’étude de la Fondation Jean Jaurès fait une distinction entre deux types de profils : les collapsonautes et les survivalistes (même si ces deux groupes ne sont pas totalement étanches).
Avec d’un côté les adeptes du survivalisme, qui sont plutôt individualistes et se préparent de manière autonome (sac de secours et stages pour apprendre à survivre dans les bois) et de l’autre les collapsonautes qui misent plutôt sur l’entraide et la solidarité et commencent à se former à la permaculture pour créer des communautés autogérées et autosuffisantes à la campagne.
Pour aller plus loin sur le sujet :
- Tu peux aller consulter les résultats complets du sondage Ifop.
- Tu peux aller lire l’analyse passionnante de JL Cassély et Jérôme Fourquet pour la Fondation Jean Jaurès qui va beaucoup plus en profondeur que mon article.
- Ou regarder la mini-série L’Effondrement sur Canal Plus.
Et toi, est-ce que tu penses que ce scénario est probable ? As-tu commencé à mettre des choses en place pour t’y préparer ? J’ai hâte de te lire dans les commentaires !
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