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Vie quotidienne

#5ansMariagePourTous : je suis toujours dans le placard, mais la porte est moins lourde

Cette madmoiZelle n’est pas hétéro. Cinq ans après l’adoption de la loi « mariage pour tous », elle raconte pourquoi elle est toujours dans le placard.

Article initialement publié le 23 avril 2018, rediffusé dans le cadre d’un partenariat avec Arte (notre manifeste).

Arte présente la nouvelle saison de sa bande-dessinée ÉTÉ, diffusée chaque jour pendant 60 jours, sur le compte Instagram @ete_arte. Cet été, tu peux retrouver le couple Abel et Olivia, déjà apparu dans la saison 1, et trouver les réponses aux questions restées en suspens l’été dernier.

Dans l’épisode d’aujourd’hui, Olivia, l’héroïne de la série, qui a découvert que sa grand-mère a vécu une belle histoire d’amour avec une femme, en parle à d’autres membres de sa famille. Elle se rend alors compte que l’un d’eux est homophobe.

Sur ce sujet, l’autrice, Camille Duvelleroy, explique :

« L’amour est universel, ce n’est pas un mot en l’air. Olivia part enquêter, et va questionner son propre parcours amoureux, sa propre condition de femme. Cette saison est très orientée autour du féminisme, et dans le féminisme il y a l’homosexualité.

Dans les années 50-60, être une femme et être lesbienne est un frein pour vivre une histoire d’amour librement. Olivia va découvrir cela et se confronter à l’homophobie. »

À cette occasion, nous te proposons de redécouvrir ce témoignage d’une madmoiZelle qui n’a pas fait son coming-out, et raconte comment elle ressent l’homophobie ou les avancées de la société, comme l’adoption de la loi mariage pour tous.

Cette nouvelle saison a été écrite par Thomas Cadène, Joseph Safiedine, Camille Duvelleroy, illustrée par Cécile Bidault et produite par Julien Aubert. Ce sont les deux frères du projet Santoré qui se cachent derrière la musique. Tu peux t’abonner à @ete_arte sur Instagram si tu ne veux rien louper de la saison 2 d’ÉTÉ, une production signée Bigger Than Fiction et Arte France.

Publié le 23 avril 2018

Je pleure rarement en regardant les vidéos de l’Assemblée Nationale. Il faut dire que je passe assez peu de temps devant les directs ou les replay des débats parlementaires.

Mais ce 23 avril 2013, j’étais devant, en larmes. Je me savais en train d’assister à un moment historique.

La souffrance des débats sur la loi « mariage pour tous »

J’avais voté François Hollande en 2012 pour ça, pour ce seul engagement, avec l’espoir qu’il le tienne rapidement. La campagne électorale avait été violente.

Le problème — ou la chance, plutôt — lorsqu’on n’est pas hétéro, c’est que ça ne se voit pas sur votre visage, sur votre CV, ça ne se voit pas du tout à moins de le revendiquer d’une manière ou d’une autre.

Je ne compte plus le nombre de discussions de cafèt, de soirées, de trajets en voiture, celles que j’entendais à la volée comme celles qui prétendaient m’inclure à la machine à café…

Je ne compte plus le nombre de gens qui ont tenu devant moi des propos homophobes, parfois sans même comprendre en quoi ces paroles étaient homophobes, sans jamais se douter que c’était de moi dont ils étaient en train de parler.

Ces « autres », ces gens « différents », j’en suis, sous votre nez, et vous l’ignorez parce que ça ne se voit pas.

À lire aussi : Ces questions qu’on n’ose pas trop poser aux hétéros

La République française me disait de ne plus avoir honte

Lorsque la loi a été votée, j’ai vécu un soulagement monumental. Nous avions gagné. Ils avaient tort, toutes celles et ceux qui me voyaient comme une anomalie, alors qu’ils ne me voyaient pas, d’ailleurs. Quelle ironie.

Par ce vote historique, la République Française me disait de ne plus avoir honte : mes amours étaient légitimes. Je n’avais pas à me cacher.

Moi qui aime tout le monde, indépendamment du genre, je pouvais me débarrasser enfin de cette idée horrible selon laquelle aimer un homme serait normal, et aimer une femme le serait moins.

À lire aussi : Lettre ouverte aux anti-mariage pour tous (en 2012)

5 ans plus tard, ça va mieux, mais…

Pour autant, je n’ai pas fait un coming out à mes amis, à mes parents.

Ça se saurait si l’adoption d’une loi suffisait à faire évoluer les moeurs, et l’homophobie n’a pas disparu des conversations à l’aune de cette avancée législative historique.

Les années passaient, c’était toujours plus facile d’aimer les hommes, même si je n’avais plus peur, au détour des conversations, de parler de « partenaire » plutôt que de « copain ». Je disais plus facilement « nouvelle rencontre », « personne intéressante », et toutes ces tournures neutres qui me permettaient de parler de moi sans trop en dire.

J’avais, et j’ai toujours peur du jugement des autres. Ce n’est jamais agréable d’être jugé. Si l’on vous dit « ton T-shirt est vraiment dégueulasse, pourquoi tu t’habilles aussi mal ? », ça ne fait pas plaisir. Mais ce n’est qu’un vêtement, vous pouvez en changer.

Lorsque c’est une partie de moi, de ce que je suis qui se trouve violemment jugée, je n’ai pas d’échappatoire. Je me prends cette haine de plein fouet.

Je suis toujours dans le placard, mais la porte est moins lourde

J’ai fini par faire un coming out à quelques personnes de mon entourage. Celles dont j’avais la certitude qu’elles ne jugeraient pas la personne que je suis, dans toutes ses nuances.

J’ai commencé à voir de plus en plus de personnages LGBT dans les productions audiovisuelles, au cinéma, à la télé, sur Internet.

Et de plus en plus souvent, leur orientation sexuelle n’était plus leur unique identité. C’était une donnée aussi neutre que la couleur des cheveux, des yeux, leur façon de s’habiller…

Quand vous castez une série comportant six protagonistes, vous veillez à n’avoir pas 6 blond·es aux yeux bleus, sauf à ce que ce soit une volonté scénaristique. Vous veillez à avoir un brun, une rousse, un blond, une femme aux cheveux noirs.

Voir des personnages « hétéro par défaut », ou ne voir que des personnages LGBT pour en faire leur différence ou leur malheur ne me rassurait pas (comme dans les séries policières mettant en scène des crimes homophobes).

Les orientations sexuelles autres que l’hétérosexualité et les nuances de genre sont de mieux en mieux représentées, de moins en moins stigmatisées… au sein d’une bulle que je sens s’agrandir de jour en jour.

…mais le reste du monde est toujours hostile

Ça reste une bulle. Lorsque j’ai voulu parler de ma petite amie à mes parents, l’annonce est mal passée avec l’un deux.

À lire aussi : Maman, je craque — Lettre ouverte de ta fille lesbienne

Tant pis pour le reste de la famille, qui saura peut-être un jour pourquoi j’ai passé plusieurs années sans leur rendre visite, pourquoi j’ai raté Noël, pourquoi je ne donne plus de mes nouvelles.

Quel paradoxe, mais aujourd’hui, je me sens plus libre de parler de mon orientation sexuelle avec des inconnu·es qu’avec ma propre famille.

À Paris, dans les grandes villes, je n’aurais plus peur de me balader dans la rue, au bras de mon amie. Même si je ne ferme jamais longtemps les yeux lorsque j’embrasse une fille.

À la campagne, dans ces petites bourgades reculées d’où je viens, je refuse de dévoiler cette partie de moi.

Tant pis pour mes grands-parents qui n’auront jamais de petits enfants, tant pis pour les tantes et les oncles, et tous ceux qui voient encore d’un mauvais oeil l’adoption et le recours à la PMA pour les couples de même sexe.

Ils ne savent toujours pas qu’ils parlent de moi. Je les entendais, le dimanche en famille, débattre sur « le danger » de laisser les couples de même sexe élever des enfants, et sans transition, me demander comme on demande à toutes les jeunes femmes de ce monde :

« et toi, le mari, les enfants, c’est pour quand ? »

Sans doute pour quand vous serez prêts à l’accepter. Ou quand je serais prête à vous avouez qui je suis vraiment, sans avoir peur d’être blessée par votre jugement.

L’injonction au coming out me terrifie

Je respire mieux dans la France du mariage pour tous, mais j’ai parfois des sueurs froides devant la pression du coming out, notamment dans certains cercles militants.

Pourquoi, parce que nous sommes en 2018, les personnalités publiques LGBT devraient-elles forcément assumer qui elles sont ? Forcément prendre la parole en tant que LGBT, pour faire avancer la cause ?

Yann Barthès a récemment été outé par le magazine Oops. Avant ça, c’est Closer qui avait déjà outé Florian Philippot. Je suis profondément choquée par ce procédé, comme je suis choquée lorsque je lis des tweets enjoignant les personnalités à « assumer ».

Je détesterais être mise dans cette situation. Qu’on m’oblige, qu’on m’ordonne de sortir du placard, pour utiliser ma voix, mon image, ce que je pourrais représenter en existant dans l’espace public.

La loi mariage pour tous m’a donné le droit d’être normale

Le plus bel acquis de la loi mariage pour tous, à mes yeux, c’était d’avoir enfin obtenu le droit d’être normale.

Je refuse aujourd’hui de dévoiler mon identité de genre ou mon orientation sexuelle pour en faire un support de communication ou une arme politique.

Je respecte les gens qui le font, et je reconnais leur courage. En ce qui me concerne, mon genre et ma sexualité ne me définissent pas. La loi mariage pour tous a entériné ce fait : mon genre et ma sexualité ne définissent aucun de mes droits.

Je refuse aujourd’hui d’être définie par mon orientation sexuelle, si j’en faisais la publicité. Si ce n’est plus une anomalie, grâce à la loi, c’est toujours une différence, dans la société.

C’est une différence que je n’ai ni l’envie ni la force de porter en bandoulière.

La loi mariage pour tous a fait sauter le cadenas qui verrouillait mon placard. Et si la porte demeure fermée, elle est devenue beaucoup moins lourde à pousser, lorsque l’envie, le courage et les rencontres m’amènent à me dévoiler.

À lire aussi : Ellen Page nous parle de « Free Love » et de son coming out, « la meilleure décision de sa vie »

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Les Commentaires

7
Avatar de Chips
24 avril 2018 à 19h04
Chips
Chouette témoignage !
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