La légende raconte qu’aux premiers temps de la vie humaine, les enfants dormaient avec leurs parents. C’était un joli monde que ce monde fait de sommeil paisible et collectif.
Mais un jour, un parent froid et cruel a décidé de chasser les enfants de la couche commune sous le prétexte fallacieux qu’il y en avait marre de voir son espace nocturne réduit à peau de chagrin par des créatures qui exigeaient de dormir avec leurs fesses collées à votre visage.
Depuis, du fin fond d’un lit minuscule adapté à sa frêle stature, l’enfant rumine son chagrin et sa rage. Si toi aussi tu te retrouves une nuit sur deux à léguer les ¾ de ton matelas à un bambin victorieux alors que tu t’étais promis de rester ferme, sache que tu n’es pas faible.
Tu n’as simplement pas les armes pour lutter contre des siècles d’amertume revancharde passés à fomenter des stratégies ultra efficaces pour reconquérir un territoire perdu.
Stratégie numéro 1 pour dormir dans le lit des parents : la maladie
Le petit enfant se distingue par son système immunitaire en mousse qui jure totalement avec ses aspirations personnelles. Échange lucratif de tétines avec les compères de la crèche, refus catégorique d’enfiler son slip et ses chaussettes alors qu’il fait zéro degré, la petite chérie a tendance à oublier qu’en 2020, elle ne doit sa survie qu’à l’invention des antibiotiques. Émue par l’air hagard et fiévreux de mon enfant qui semble attendre le sacrément de l’extrême onction, je lui demande ce qui lui ferait plaisir. Malheureuse ! La voilà qui me répond d’une voix chevrotante : « dormir dans le lit de papa-maman ». L’instinct maternel est fourbe et je ne peux pas résister à ce petit nez morveux et ses yeux implorants.
À peine installée dans mon lit, la voilà qui reprend toutes ses couleurs : « Maman ! Ma couette ! MAMAN ! MON COUSSIN ! MAMAN JE VEUX DE L’EAU QUI PIQUE ! » Alors que la grande malade me toise d’un œil triomphant, confortablement étalée sur sa montagne de coussins, je prends peu à peu conscience de mon erreur.
Stratégie numéro 1 ½ pour dormir dans le lit des parents : la fausse maladie
Il arrive parfois que le petit enfant ne soit pas malade. Je te l’accorde ce fait est absolument exceptionnel, mais j’ai entendu dire que le cousin de la fille de la boulangère avait un collègue dont le fils de 3 ans avait enchaîné un mois et demi sans faire de fièvre. Aujourd’hui, ma fille va bien. Oh bien sûr elle tousse et aurait toute sa place sur un cliché post mortem victorien rapport à son teint grisâtre et ses cernes hivernales, mais si je m’en réfère à la course poursuite qu’elle vient d’entamer avec notre pauvre chat, l’état de santé est bon.
C’est d’ailleurs ce que je lui explique quand elle vient réclamer notre lit : « Ma chérie tu n’es pas malade, le lit de papa-maman, c’est pour quand on est malade ! ». Elle prend alors une grande inspiration et se lance dans la quinte de toux la plus forcée de l’univers, la couleur de cheveux de Donald Trump paraissant parfaitement naturelle en comparaison de cette lamentable tentative.
Stratégie numéro 3 pour dormir dans le lit des parents : La négociation
Tout commence vers 15 heures lorsqu’au détour d’un toboggan, l’enfant déclare soudain que ce soir, elle va dormir dans notre lit. À la faveur du jour encore vif, l’échéance semble lointaine et la situation détendue.
J’accueille donc la chose avec nonchalance : « Mais non ma chérie ! Ce soir, tu dormiras dans ton lit amoureusement recouvert d’une housse de couette immonde à l’effigie de tes personnages de dessins animés préférés que nous avons payée très cher dans l’espoir de te constituer une atmosphère de sommeil ludique, rassurante mais surtout autonome ! ». La seconde offensive est lancée vers 17 heures alors que nous parcourons le rayon cirage et lacets du supermarché : « Bon alors c’est maman qui va dormir avec moi dans mon lit. – Mais non enfin mon chaton, maman est enceinte de 18 mois, il n’y a pas suffisamment de place pour caser ses 400 kilos dans ton petit lit. » 19 heures, le dîner est servi : « Sinon maman dors dans mon lit et moi, je dors avec papa ! ».
La réponse négative entraîne une escalade dans le non-sens absolu et juste avant le moment fatidique la voilà qui tente le tout pour le tout : « Bon alors je dors dans la baignoire ? OKAY ? ». Sans surprise, les négociations échouent piteusement et la suite n’est que trop prévisible. En l’absence d’un consensus validé par les deux parties, la terroriste de 98 cm passe à la phase offensive qui consiste à se rouler par terre en hurlant qu’elle ne veut pas dormir dans sa chambre. Au cas où ça n’ait pas été clair pour tout le monde.
Stratégie numéro 4 pour dormir dans le lit des parents : La technique Actor Studio
Cette technique présente certaines similitudes avec celle de la négociation, mais au lieu d’exprimer des exigences démesurées, il suffit de réclamer quelque chose qui nous sera facilement accordé.
Par exemple un petit câlin pré-dodo dans le lit de papa-maman. Papa-maman restent des créatures aimantes totalement éprises de leur progéniture, la perspective d’un gros câlin avec un bambin tout doux et tout chaud (fiévreux, sans doute) leur est donc irrésistible. « Maman, je veux tes bras ! » M’achève une adorable petite voix. J’enlace ma merveille sans me méfier. Je devrais pourtant. Alors que je profite de l’extase de ce moment si doux, je suis soudainement interrompue par des ronflements sonores.
L’enfant s’est « endormie ». Si elle est toujours la pire actrice de l’histoire du cours Florent, elle est aussi dotée d’une détermination étonnante et aucun de nos appels, guilis et secousses ne parviennent à la tirer de son faux sommeil.
Stratégie numéro 5 pour dormir dans le lit des parents : La tactique de l’épuisement (efficacité 100 %)
Cette méthode consiste à affaiblir progressivement l’ennemi avant de lui porter le coup de grâce. Le premier hurlement intervient aux alentours de 22 heures. La crise est gérée en 30 minutes, joli score, bravo papa ! À 23 heures, c’est moi qui m’y colle. 40 minutes de pourparlers plus tard, je retourne dans ma chambre pour trouver mon mari endormi. Ça m’agace, la graine de la discorde est plantée.
Règle numéro 1 : Il n’y a rien de plus dangereux que deux parents soudés et en accord sur la procédure à appliquer. La priorité absolue consiste donc à désolidariser les troupes. 1 heure du matin : troisième crise, nous ne sommes pas encore cuits à points mais le ton commence à monter de notre côté de la cloison. Nous nous lançons dans un débat rageur censé déterminer qui de nous deux est le plus fatigué et mériterait de ne pas se lever. La réponse étant : personne puisque face à nos échecs successifs, nous sommes contraints de nous relayer au chevet de l’enfant contrariée. 2h45 : J’entends des petits pas qui se veulent discrets dans le couloir. Avec la grâce de l’éléphanteau, ma petite fille ouvre notre porte et se glisse tranquillement dans notre lit. Embrumée par l’ivresse du demi-sommeil qui vient seulement de me cueillir, je n’ai plus la force de lutter.
À mes côtés, mon mari exprime un sentiment similaire à l’aide de ronflements qui me permettent de comprendre d’où ma fille tient ses talents d’actrice. Au milieu, la petite créature me tire mon oreiller avant de s’étaler avec délectation, nous régalant au passage de coups de pattes affectueux dans le museau.
Si toi aussi tu fais partie de la team cododo forcée, merci de te manifester, il est temps que les parents unissent leurs forces pour contre-attaquer !
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