Une robe, c’est bête comme un chouchou, ça se met et ça s’enlève, bref, c’est une fringue banale et quotidienne, que tu enfiles aussi bien pour aller boire du nectar multifruits au bal des pompiers que pour aller te faire rôtir dans les braises de l’entretien d’embauche. Alors une robe, ça n’a rien d’extraordinaire ? Perdu. Si tu es du genre blasée de la sape, laisse-moi te présenter 5 modèles qui, dans leur temps, ont mis un petit kick aux limites de la technologie, et ont fait la révolution dans la mode.
La robe plus fripée que ma grand-mère
Passion pliage.
Commençons en douceur avec un modèle qui ne va peut-être pas te faire un décollement de rétine au premier regard. Sache que tu as ici affaire à une très vieille dame, et comme tout membre du club du 3ème âge qui se respecte, elle est un peu susceptible, et très ridée. Ou plutôt devrais-je dire très plissée (le tact, tout ça) : dis bonjour à la robe Delphos, créée par l’espagnol Mariano Fortuny vers 1910.
Avant Fortuny, les gugusses chargés des plis sur les robes se coltinaient le boulot à la main ou à l’ongle, avec de l’amidon : c’était long, chiant comme un cours magistral sur l’économie de la calotte polaire, et surtout, ça ne tenait pas. Et vers 1907, v’là que Mariano invente le « plissé Fortuny », une technique où le tissu est plissé-froissé de façon aléatoire par un appareil mécanique. Il ne traîne pas pour déposer le brevet, et appliquer sa trouvaille sur de la soie. Comme Mariano a mangé de la référence antique, ça donne la Delphos, qui est faite d’une seule pièce, et assemblée avec des perles de verre aux emmanchures et sur les côtés. Après lui, personne n’a réussi à reproduire parfaitement ce pli de warrior. Faut pas déconner avec mamie, elle a encore des trucs à t’apprendre.
La robe pour pleurer comme une Madeleine
Madeleine, non ne pleure pas, wo-ouh-wo-ouh-wo…
Deuxième round avec une fringue qui n’a l’air de rien comme ça, mais qui filerait des complexes intellectuels à ton Rubicube. Voici la robe « mouchoir », qui est constituée uniquement de 4 losanges de tissu et d’une micro-ceinture. Mais pourquoi, comment, que s’est-il passé pour qu’on fasse des sapes inspirées des Kleenex ? Petit flashback dans les années 1920. Une nana appelée Madeleine Vionnet se passionne pour la Grèce Antique et les drapés, et cherche, un peu comme Julien Doré, à dépasser les limites. En l’occurrence, celles de la construction d’un vêtement. Alors Madeleine invente le principe du biais : le tissu est découpé en diagonale, ce qui permet d’avoir des robes plus souples, avec du mouvement. Et Madeleine elle aime tant ça, alors elle ne s’arrête pas là. Elle veut de la forme simple, genre carré ou rectangle, et un minimum de coutures. Comme elle ne fait jamais de croquis préparatoires, après quelques expérimentations sur une poupée, elle obtient sa robe de pleureuse pour l’hiver 1920. Allez, bon courage pour faire de même avec tes torchons de cuisine.
La robe plastique, garantie sans chirurgie
Voici à présent une robe qui te fera chanter que Life in plastic, it’s fantastic. Elle est signée Paco Rabanne, Espagnol d’origine et Français d’adoption, un mec qui frappe très fort dès sa première collection. En 1966, il présente ses « 12 robes importables en matériaux contemporains », tout un programme ma p’tite dame. En fait, Paco a un contrat avec Rhône-Poulenc, un groupe chimique qui fabrique du Rhodoïd, un plastique brillant et rigide. Du coup, Paco va réaliser une robe composée de petits cercles de Rhodoïd reliés par des bagues en inox. Ca fiche en l’air les idées d’un paquet de gens qui pensaient que ce genre de fringue ne pouvait être qu’en tissu.
Et comme c’est dans les vieilles yaourtière qu’on fait les meilleurs yaourts, Paco va réutiliser la technique du plastique un bon paquet de fois, notamment pour Audrey Hepburn. Sur demande de Stanley Donen, le réalisateur de Voyage à deux (1967), le couturier va créer pour l’actrice une robe en Rhodoïd argent, et déclarer que c’est « la plus éblouissante portée par Audrey Hepburn« . D’accord, Paco a probablement sa carte au parti du personal-branling, n’empêche que moi, j’ai jamais réussi à me faire une jupe avec mes protège-cahiers.
La robe qui aurait dû jouer dans le clip d’O-zone
Allo Papa Tango Charlie
En remontant le temps aussi vite, débarquement direct en 2000, l’année du bug qui n’a pas eu lieu et de
Roméo et Juliette au top 50 de la France. Cette année-là, ce n’est pas Claude François mais Hussein Chalayan, le couturier britannico-turc, qui fait sensation dans le monde de la mode avec une robe qui ouvre grand ses ailes comme l’avion. En réalité, cette fringue-là est une réédition de la « Airplane dress » qu’Hussein a pondu en 1996, une robe en matériaux rigides qu’on peut transformer en ouvrant manuellement ses volets. La version printemps-été 2000 est moulée en résine et fibres de verre, des matières utilisées par l’industrie aéronautique, et se pilote grâce à une télécommande. Un bon choix pour les control-freaks de la tenue vestimentaire. Et comme Hussein est un dingo de nouvelles technologies, il se répète un chouïa. En 2007, il sort une série de « Remote Control Dresses », des robes qui s’allongent et se raccourcissent, changent de forme, tout ça grâce à une télécommande.
La robe magique, sous les sunlights des tropiques
Coucou, tu veux voir mon sabre laser ?
Et bam, bienvenue en 2012, avec un modèle qui t’en met plein la vue. Une robe plus balèze que toutes les attractions du Futuroscope, puisque ses motifs sont… animés. Ce chouette délire pour l’automne-hiver 2013 est signé du couturier français Franck Sorbier, qui a collaboré pour l’occase avec Intel, la même marque qui met sa technologie à l’intérieur de ton ordi dans les pubs à la télévision. Le procédé utilisé porte le blaze barbare de » vidéo-mapping 3D » : en gros, l’image filmée est projetée pour s’adapter parfaitement à la forme de la robe, qui doit être intégralement blanche. C’est l’ultrabook, un petit ordinateur portable, qui sert de relais. Du coup, Franck est allé au bout de ses rêves, où la raison s’achève, et a imaginé une petite histoire pour le défilé. Le mannequin incarne une « Peau d’âne des temps modernes », qui demande à sa marraine la fée des tenues irréalisables pour éviter d’épouser son père. Sauf qu’à la place d’une baguette magique, la fée a un bon paquet de technologies dans ses petites mains, et projette les robes sur sa fillote. Et voilà, mon enfance est morte, je savais bien qu’Harry Potter n’existait pas.
Alors, prête à acheter un moteur et un paquet de diodes pour customiser tes robes en dentelle ? Ou tu as peur de ressembler à un clone de Star Wars ?
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Ah oui en effet