Initialement publié le 28 juin 2011
Nota bene devant le nombre de questions dans les commentaires : non, cet article ne définira pas le hipster. On a tenté une approche un peu plus drôle. Vous pourrez retrouver de nombreux liens postés par les membres de madmoiZelle dans les commentaires – et Emilie Laystary répond aux questions dans ce post.
Sur terre, on est tous le branché (insupportable) de quelqu’un, lequel est donc bien moins branché que vous, mais déjà plus branché que son voisin, lui, pas branché pour un sou, encore que, toujours plus branché que quelqu’un d’autre qui.. blablabla.
Et si, au lieu de s’évertuer à essayer de théoriser sur ce qu’est un hipster, un wannabe, un trendsetter, un jeune dans le coup, ou une personne in, on se contentait de décrypter quelques phrases que les uns et les autres seraient tous capables de prononcer ?
Individuellement, ces répliques ne sont pas forcément connotées branchouille. Mais la plupart du temps, ce sont le ton, la moue et la situation qui les accompagnent qui les rendent stéréotypées.
Oh, et bien sûr : la mode étant une notion constamment updatée par le temps qui passe, être à la pointe est un concept en constante redéfinition. Dans la catégorie des hipsters, il y a donc plusieurs niveaux : le hipster de base et le hipster fusée (celui qui considère tout ce que le hipster de base aime comme déjà mainstream… et va s’intéresser à d’autres trucs que le hipster de base, sans le savoir, ne se retrouvera à aimer que dans plusieurs mois). J’vous dis pas le capharnaüm ! Et j’vous le donne en mille : aux yeux d’un grand nombre d’entre eux, ce papier est déjà périmé.
« T’as développé ton jetable (1) ? J’ai trop hâte de voir les photos de Primavera et de Coachella. (2) »
(1) Il fut un temps où c’était le fish-eye qui se vendait comme des petits pains chez Colette et au Lazy Dog (temples des jeunes dans le coup). Attention, aujourd’hui, les photos de soirée prises via un objectif hypergone, c’est dépassé. La mode est au jetable, ultime moyen de donner une couleur vintage à ses clichés et de renouer avec le côté regressif du Kodak orange.
(2) À côté des terribles Primavera et Coachella (festivals qui coûtent chers, parce qu’ils supposent aller à l’étranger), Solidays, Rock en Seine, les Nuits Sonores, le Main Square et les Nuits Secrètes sont des festivals de bébé (auxquels on peut aller puis rentrer par le dernier train ou dormir chez sa marraine qui habite le coin). – Primavera est un festival en collab avec la bière San Miguel, se trouve en Espagne et regorge de groupes indie. – Coachella est une espèce de Fashion Week de hipsters, se trouve en Californie et a l’originalité de se passer fin avril, quand c’est même pas encore la mode des festivals. ÇA C’EST TRENDY.
« On va les chercher à la sortie des Arts Déco (1) et on se claque au flipper (2) ? »
(1) Le hipster fait généralement des études doucereuses, où il est souvent question d’avoir de l’inspiration, de créer, d’exposer ses productions et d’avoir un public
– de connaisseurs, sinon c’est « ingrat ». Le hipster adore parler de sa créativité (ou du fait qu’il connaît des gens créatifs, SI SI LE MILIEU, c’est tellement pratique d’avoir +10 à toutes les soirées auxquelles il est attending !). S’il arrive que le hipster est en droit ou en médecine, il se gardera bien de parler de ses études (vous l’imaginez vraiment le hipster dire « je te raconte mon weekend d’inté et je te chante une chanson paillarde ? » Trop populaire.) (2) Ceci étant, le hipster ne crache pas sur TOUT ce qui est populaire. Au contraire : il aime dire tout haut qu’il fuit les bars loungy pré-fabriqués et sans âme, et leur préfère les petits troquets et les PMU bien cachés. Le café y est meilleur, et en plus, il connaît Momo, le patron. Tellement citoyen du monde, le hipster !
flickr cc craigfinlay
« Je peux PLUS saquer le vernis bleu. Tout le monde en met, c’est devenu mainstream. »
Quand il se rend compte qu’un truc qu’il aimait / faisait / disait / fréquentait est devenu grand public, le hipster est affligé et se met alors à la came du dessus. L’histoire a connu plusieurs types de produits d’abord revendiqués par les hipsters, puis décriés par ceux-là même une fois sa démocratisation : les tee-shirts Sixpack (devenus « nuls » dès le moment où ils ont été portés par les fluo kids), les Wayfarer (« banales », lorsque des vendeurs de rue se sont mis à en vendre des répliques dans le métro à Châtelet) et les talons compensés (« boring », quand Zara a commencé à en commercialiser et qu’il n’a plus été nécessaire de digger sur des sites anglo-saxons pour en trouver).
Le comportement du hipster se résume en fait à l’essence même de la mode du coiffé-décoiffé qui a eu ses heures de gloire en 2005 : d’apparence, complètement fortuit, naturel et bâclé… mais au fond, très travaillé, stratégiquement réfléchi et voulu.
« J’vois pas le problème déontologique que pose l’achat d’un tee-shirt blanc basique à 70 euros. S’il est bien taillé… »
Le hipster est de gauche, dit aimer les choses authentiques et les plaisirs simples. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir le goût précieux d’aimer les contrastes – genre associer un jean chiné et une vieille chemise récupérée à… un tee-shirt flambant neuf à plus de 50 boules. POURQUOI ? Le hipster, étrange animal social, a le goût de la contradiction. Le système l’atterre, mais les marques l’appâtent. Il a l’ambition de bien gagner sa vie, mais en même temps il dit s’en foutre des thunes.
Le plus drôle à voir ? C’est quand le hipster est « gêné » de s’être payé un truc super cher (peur d’être taxé de bourgeois bien-pensant, peur d’être étiqueté « larbin de service » du capitalisme) et donc, se retrouve à se justifier (« Nan mais regarde les coutures du tee-shirt ! Elles sont super bien. C’est bien pour ça que je me suis laissé tenter! »)
« Mon mec lance une collection de tee-shirts (1). Je pose en culotte dedans (2), en faisant la moue allongée sur un fixie (3). »
(1) On disait plus haut que le hipster est friand du statut d’artiste. Faut-il préciser que par artiste, il ne faut pas entendre sculpteur ou pianiste, mais plutôt graphiste (« c’est moi qui ai fait les flyers de la soirée »), photographe (« on va aux puces que je me rachète un nouvel objectif de reflex ? »), styliste (« je design mes propres jupes »). Le hipster est donc un artiste mais pas de ceux qui aiment créer en silence : le hipster est tapageur, égocentrique, ambitieux. Un artiste bien ancré dans le système, même s’il jure que non et se dit subversif. Il veut que ses mixtapes soient téléchargeables sur tous les blogs musicaux les plus connus et que ses pairs adulent les fringues qu’il crée. Le hipster tient donc plus du communiquant zélé que de l’artiste chéper. (2) Le hipster affirme détester la société puritaine et ne connaît du libertarisme que la sexualité débridée. Il aime se montrer « open » et « pas prise de tête », se revendiquer impudique et libéré, et se réclamer de Richard Kern. (3) Dans le paysage urbain, le hipster se reconnaît à son fixie. Le vélo à pignon fixe, un engin à l’armature très fine, est supposé parfaitement épouser sa silhouette svelte de jeune blasé en jean Uniqlo. Petit bémol tout de même : de plus en plus de hipsters se la jouent « post-hipster » en critiquant les fixies. Parce que trop de gens en ont, bien sûr.
Au passage : si vous voulez reconnaître le vrai hipster du faux hipster, dites-lui tout simplement « t’es trop un hipster, toi ! » S’il s’offusque et s’empresse de vous convaincre du contraire, vous êtes sur la bonne voie : les vrais hipsters refusent d’être étiquetés comme tels.
Les Commentaires
A quand le mouvement de hipster shamming?
C'est vrai quoi je trouve un peu hypocrite de critiquer les gens qui juge une nana sur ses vêtements et attitude et de l'autre coté critiquer le hipster sur les mêmes critères...
Laissez vivre ça serait cool u.u