Le débat Darmanin-Le Pen sur la loi « séparatisme », c’est ce 11 février ! Pour rappel, vous pouvez tout à fait ne pas vous infliger cette purge ; si ça vous intéresse, le mouvement politique Génération.s fondé par Benoît Hamon organise une contre-programmation (dont les invités et invitées ont été remaniées après que la première mouture a été critiquée pour sa blancheur Colgate). Sinon, le replay de Top Chef ou le cul de votre chat, c’est très bien aussi à contempler plutôt que deux personnes d’extrême-droite.
Le 13 janvier 2021
Après la purge qu’a été 2020, est-ce que 2021 pourrait nous laisser souffler un minimum ? Visiblement, non : Georges Pernoud (l’animateur de Thalassa) est mort, les fascistes se sont imposés dans le Capitole américain, et voilà que la télévision publique nous inflige la cerise pourrie sur le gâteau trop cuit, à savoir un débat Gérald Darmanin-Marine Le Pen.
https://twitter.com/VN_Merilahti/status/1348879155484618752
Parce que votre santé mentale nous tient à cœur et qu’on a vraiment mieux à vous souhaiter le 11 février que de passer votre soirée devant ces deux équivalents humains d’un petit orteil cogné contre une table basse, voici quelques bonnes raisons de ne pas regarder cette « discussion ».
1. Parce que l’extrême-droite qui débat avec l’extrême-droite, c’est pas passionnant
« Mais Darmanin n’est pas d’extrême-droite ! Il est chez Les Républicains ! »
Un dicton américain, parfois attribué au poète du XIXe siècle James Whitcomb Riley, nous dit : « Si ça ressemble à un canard, si ça nage comme un canard, et si ça cancane comme un canard, alors c’est probablement un canard ». Autrement dit, parfois on n’a pas besoin de regarder l’étiquette pour savoir ce qu’on a en face de soi. Il suffit de bien ouvrir les yeux.
Jouons donc à un jeu inspiré du Burger Quiz : Gérald Darmanin, Marine Le Pen, ou les deux ? La réponse pourrait vous surprendre.
- A soutenu publiquement le mouvement homophobe Manif pour Tous
- A utilisé au premier degré l’expression erronée « théorie du genre » — et a renchéri en la qualifiant d’« absurdité absolue »
- A qualifié les Gilets Jaunes de « peste brune », un terme utilisé pour désigner les nazis
- A utilisé au premier degré l’expression chouchou de l’extrême-droite « ensauvagement »
Alors ? Alors ? Vous avez associé quel élément à qui ? Bon, y avait un piège : tout concerne Gérald Darmanin. On n’a pas mis « visé par une information judiciaire pour viol », ça aurait été trop facile.
Et trop déprimant.
2. Parce que les lois racistes, on s’en passerait bien
On vous a pas dit le meilleur, enfin le pire : ce « débat » ne portera pas sur un sujet vraiment intéressant comme l’urgence climatique, la gestion de la pandémie, le mal-être des étudiants et étudiantes, les femmes en détresse, les populations précaires fragilisées par la crise, n’en jetez plus la coupe est pleine.
Non, ce « débat » portera sur le projet de loi « contre les séparatismes ». Souvenez vous de cette (énième) promesse d’Emmanuel Macron qui annonçait un équilibre : prendre en compte les dangers de l’islamisme d’un côté, assumer les échecs de la France à intégrer ses populations racisées de l’autre…
Eh bien c’est raté, comme l’explique Le Monde.
« Pour le député (ex-La République en marche, LREM) du Val-d’Oise Aurélien Taché, qui avait été missionné en 2017 pour incarner le volet « intégration » du projet de loi asile et immigration […] “Ce n’est ni une loi contre le terrorisme ni une loi sur la laïcité, estime-t-il. On essaie de faire rentrer dans le droit des concepts bancals, c’est un texte idéologique qui vise uniquement à faire de l’affichage.” Pour lui, le projet, qui vise l’islam sans le nommer, entretient une ambiance “très maccarthyste”. »
En annonçant le « débat » Darmanin-Le Pen, Le Figaro
rappelle :
« L’action sécuritaire et migratoire de l’exécutif devrait aussi être abordée. Dans son discours de rentrée, en septembre dernier, Marine Le Pen avait blâmé un “naufrage sécuritaire” et une “immigration anarchique”. En réponse, le ministre de l’Intérieur avait attaqué le RN, décrit comme une “farce tragique pour le pays”. »
Ça vous donne une idée du niveau de chignons crêpés auquel on peut s’attendre, mais aussi des thématiques abordées : n’a-t-on pas mieux à faire d’un 11 février que de contempler deux personnes d’extrême-droite se faire mousser sur le dos des populations racisées et musulmanes ?
3. Parce que Marine Le Pen en débat, c’est pas fameux
Admettons-le, la campagne présidentielle de 2017 n’était pas dingue, mais il y a au moins UN moment qui a rassemblé la France : le croûtage magistral de Marine Le Pen entre les deux tours face à Emmanuel Macron. On se refait le best-of, allez, pour le plaisir.
Franchement, quand Emmanuel Macron (qui finit par devenir président avec 20 millions de voix, donc pas le roi des victoires écrasantes, hein) te claque un « Ce que vous portez, c’est l’esprit de défaite », il faut juste prendre une tisane et aller se coucher, ça sert à rien de s’acharner.
Marine Le Pen s’est pourtant acharnée, pendant 2h30 lunaires émaillées de mensonges, de confusions entre les dossiers, et d’un oubli majeur : la go n’a pas parlé de son PROPRE PROGRAMME. Incroyable, l’audace des gens qui se présentent à la présidentielle, franchement.
Seul avantage de ce « débat » du 11 février contre Darmanin : on aura peut-être un nouveau craquage à la hauteur de « Ils sont dans nos villes… dans nos campagnes… » à ajouter à nos banques de gifs animés.
4. Parce qu’il y a des choses moins désagréables dans la vie
Qu’est-ce qui peut être moins désagréable que quarante minutes face à Gérald Darmanin et Marine Le Pen ? En vrac :
- S’épiler le sillon inter-fessier à la pince à épiler (sans miroir)
- Manger une ampoule pour voir si c’est bon
- Oublier de résilier un abonnement après le mois d’essai gratuit et s’engager pour 24 mois comme une énorme bolosse
- Le test Covid-19 au fond du nez là
- Marcher dans l’eau de la douche alors qu’on a mis ses chaussettes
- Avoir des hémorroïdes
- Recevoir un message d’un ex toxique qui revient comme si rien ne s’était passé
- Se faire piquer par mille moustiques
N’hésitez pas à enrichir la liste dans les commentaires, on prend toutes vos inspirations.
5. Parce qu’à la fin, on meurt
Et dans notre dernier souffle, on ne dira pas « Ah là là, j’ai bien fait de regarder le débat Darmanin-Le Pen à la télé le 11 février 2021 quand même ».
Pour conclure sur une note plus sérieuse : vous n’êtes vraiment pas obligées de participer à cette foire médiatique malheureusement proposée par le service public, qui sera probablement pour ces deux personnalités très à droite l’occasion de faire parler d’elles tout en tapant sur moins privilégié qu’elles.
Vous pouvez plutôt passer ce temps à regarder des films pour comprendre le racisme et les violences policières, à lire et soutenir des médias engagés comme Streetpress, à vous renseigner sur des associations qui changent les choses autour de vous ou à envoyer un tweet sympa à Christiane Taubira.
Oh, et @ France 2 : la prochaine fois, mettez au moins Philippe Poutou, qu’on passe un bon moment. Merci.
À lire aussi : On a rencontré Pourvoir Féministe, l’association qui se mobilise contre Gérald Darmanin
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Les Commentaires
Sinon, je sais pas trop où poster ça, mais je voulais partager ici une enquête que Slate a réalisée sur le mouvement le Printemps Républicain, et le constat que les journalistes dressent est assez affolant lui aussi. Apparemment, c'est vraiment par le biais de ce groupuscule que la question des "séparatismes" s'est tellement imposée au gouvernement ces derniers mois, les membres du Printemps Républicain ayant réussi à faire dégager des conseils sur la laïcité tous les experts de la question, pour se placer eux à la place, et propager leur discours pour le moins radical, voire proprement islamophobe. Je trouve que c'est très éclairant.
L'enquête est en 4 parties, le premier épisode est dispo ici : http://www.slate.fr/politique/le-pr...-lrem-laicite-islamisme-debat-medias-entrisme