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Vie quotidienne

5 ans après le Mariage Pour Tous, je garde des cicatrices de l’homophobie

Cette madmoiZelle a vécu le débat sur le mariage pour tous à l’âge de 15 ans, et a été très marqué·e par l’homophobie de cette époque. Aujourd’hui, c’est l’heure du bilan.

Il y a 5 ans, avant que la loi pour le Mariage Pour Tous n’entre en vigueur, j’avais exactement 15 ans.

Je comprenais très bien ce qui se passait autour de moi. Je vivais encore dans une petite ville et je ne pouvais pas aller en manifestation.

À l’époque, j’étais ouvertement lesbienne au collège. Ma vie était un enfer vu que c’était un établissement privé catholique.

Je n’ai jamais entendu autant de propos homophobes qu’à ce moment-là. On en parlait partout à la télévision et j’étais très gêné·e d’en entendre parler devant ma famille.

D’ailleurs, j’ai eu terriblement peur d’être outé·e* auprès de ma famille à ce moment là.

(*Être outé·e vient du terme outing, et s’apparente à un coming out forcé, quand l’homoseuxalité d’une personne est révélée sans le consentement et la volonté de celle-ci nldr.) 

L’homophobie en milieu scolaire

Au collège, on me menait la vie dure et chaque jour, c’était les mêmes insultes, les mêmes réflexions.

On me disait que jamais je n’aurais le droit de me marier parce que clairement « c’était bizarre d’aimer les filles. »

Que de toute façon en grandissant, cela se calmerait et que je deviendrais hétéro. Même certains surveillants scolaires s’y mettaient.

En me demandant de grandir et de « calmer cette folie en moi ».

J’ai eu aussi le droit un jour à la réflexion d’une surveillante qui m’a dit droit dans les yeux :

« Tu ne te marieras jamais, et n’espère pas avoir d’enfant, c’est de la folie de t’infliger ça.

Je serais toi, je coucherais avec un garçon avant que ça prenne une plus grande ampleur en toi.

Christine Boutin a bien raison de vouloir interdire cette abomination, c’est clairement pas normal et naturel. Si on accepte ça, après ce sera quoi, la zoophilie ? Pour moi c’est pareil. »

J’ai voulu fuir plusieurs fois après ce type de propos.

L’homophobie dans ma famille

Et je me souviens de chaque mot prononcé par ma famille à propos de l’homosexualité.

Tout d’abord il y a eu ma grand-mère. Un soir lorsqu’un reportage sur la loi est passé sur TF1, elle m’a sorti :

« Les homosexuels font ce qu’il veulent hein… Mais bon, ils ont le PACS c’est déjà pas mal. Puis de toute façon, si on leur accorde le mariage ils ne comprendront pas qu’ils sont un peu malades. Selon moi, on pourra leur trouver un traitement un jour.

C’est comme pour les travestis. Puis du moment qu’ils le montrent pas devant des enfants tout va bien. Au pire pour les gens désespérés, il existe encore des thérapies de conversion, ça c’est bien. »

J’ai eu un frisson de peur. Je me suis caché·e plus encore.

Et à chaque fois qu’on en reparlait à la télé, ma grand-mère abordait de nouveau le sujet et j’avais juste peur qu’elle m’envoie dans un de ses fameux camps de conversion.

À lire aussi : Obama dénonce les thérapies de conversion des jeunes LGBT

Il y a eu le discours de mon père, encore plus glaçant.

« Que mes enfants sortent avec des noirs je veux bien encore, je pourrais faire un effort et l’accepter, mais que mon fils sortent avec uns de ces pédés merci bien ! En plus le SIDA, on en parle pas assez mais t’imagine s’il nous ramenait ça ? »

Même si ces propos concernaient les hommes homosexuels, j’avais très peur, surtout pour mon frère qui découvrait son homosexualité.

J’ai toujours souhaité qu’il reste hétéro cette année-là, de crainte de ce que mon père pourrait lui faire.

Mariage pour tous : une lutte contre l’homophobie

Puis j’ai eu beaucoup de doute. Je me suis senti·e illégitime de vouloir quelque chose qui clairement n’était pas « bon » pour moi. Je pensais vouloir un truc illégal, que j’étais illégal·e.

Puis j’ai vu La Manif Pour Tous faiblir et j’ai commencé à m’accepter en tant que personne.

Je savais que je ne me marierais jamais parce que je détestais l’idée d’appartenir à quelqu’un. Mais j’ai réalisé qu’on était tous et toutes légitimes à vivre et à revendiquer nos droits.

Aujourd’hui, je constate quelques différences dans ma vie. Je peux par exemple marcher dans la rue et tenir la main de mon ou ma partenaire, sans forcément avoir peur.

Mais on ressent toujours beaucoup d’homophobie et de transphobie.

À lire aussi : Pourquoi la communauté trans se recueille-t-elle le 20 novembre à l’occasion du TDoR ?

Il y a la fois ou depuis un centre commercial, un groupe de jeunes filles nous ont suivi·es jusqu’au métro, en parlant assez fort pour qu’on comprenne que les « sales lesbiennes », c’était nous.

Il y a aussi des regards tendus, inquiets ou interrogateurs quand on se tient la main. Beaucoup trop de regards selon moi pour deux personnes qui s’aiment.

Il y a encore un mois un ami a été agressé dans la rue un soir, ils l’ont insulté de pédé. Il va bien, mais parfois j’ai l’impression qu’on n’avance pas.

Je pense qu’on a encore beaucoup de chemin à parcourir, et que la lutte pour les droits LGBT+ ne fait que commencer et puis j’ai l’impression que les homophobes seront toujours là.

À lire aussi : « C’est bien toi qui es lesbienne ? », ou l’homophobie ordinaire en 2016

Le mariage pour tous n’était qu’un début. Je pense aussi qu’il faudrait mieux éduquer les nouvelles générations qui sont, dans l’ensemble, plus ouvertes.

Des changements dans ma famille depuis la loi

Ma famille a dans l’ensemble changé d’avis. Ma mère depuis son divorce a décidé de voir le monde autrement.

Il y a un an, je lui ai fait mon coming out pansexuel·le* et polyamoureux·se* et elle l’a très bien pris. Comme elle le dit, elle veut mon bonheur.

À lire aussi : Maman, je craque — Lettre ouverte de ta fille lesbienne

Récemment je lui ai même fait mon coming out non-binaire, et dans l’ensemble elle veut juste que je sois heureux·se. Je dirais que ma mère a beaucoup évolué sur la question.

(*selon le lexique de TÊTU : une personne pansexuelle peut se sentir sexuellement et/ou sentimentalement attirée par n’importe quel individu sans distinction de genre, de sexe et d’orientation sexuelle.

Une personne polyamoureuse est capable d’entretenir plusieurs relations amoureuses ou sexuelles suivies d’intensité quasi-similaire, nldr.)

Ma grand mère continue de penser qu’on pourra trouver un traitement pour les personnes LGBT+ parce que selon elle, tous cela vient du cerveau.

Elle l’accepte un peu plus aussi : elle a totalement accepté mon meilleur ami du collège qui est un mec trans. Mais il y a toujours des problèmes de compréhension.

À lire aussi : Mes grands-mères sont lesbiennes (et moi aussi !)

Elle ne lui veut pas de mal et ne lui manque pas de respect mais je pense que c’est un problème de générations.

Elle a accepté récemment la possibilité que je puisse sortir avec une personne d’apparence féminine. Mais elle continue à penser qu’on est pas bien quelque part dans notre tête.

Mon père, il faut que j’avoue que je ne sais pas.

Je ne le vois qu’à Noël pour des obligations familiales. Il nous parle plus ni à moi, ni à mon frère. Je pense sincèrement qu’il ne changera jamais sur toutes ces questions.

Pour ce qui est du reste de la famille tous le monde le prend bien et s’en fiche énormément, ma cousine de 11 ans ne comprend pas que des gens qui s’aiment n’aient pas les mêmes droits que les autres.

Elle accepte de genrer une personne comme elle le souhaite et tout ce qui ne rentre pas habituellement dans « les cases » de la société.

Parfois, j’ai peur qu’elle ait la même vie que moi. Qu’elle ait une sexualité différente de la norme.

J’ai peur qu’elle craigne pour sa vie dès qu’elle est seule dans la rue. Qu’on l’insulte en public parce qu’elle tient la main d’une personne du même genre qu’elle.

Révélation vers le militantisme

L’impact qu’a eu le mariage pour tous dans ma vie ressemble à une révélation.

Je me suis dit qu’enfin on avait un droit et un vrai, pas seulement un simple PACS que des colocataires peuvent faire.

J’ai enfin eu l’impression d’être légitime et que je pouvais exister. C’était perturbant parce que jusque là, j’avais l’impression d’être une erreur dans la matrice.

J’ai pu avoir ma première copine ouvertement devant mes ami·es du collège puis du lycée. j’étais insulté·e régulièrement quand même, hein… mais au moins je pouvais vivre.

À lire aussi : Je suis lesbienne, croyante de culture musulmane, et ça se passe bien !

J’ai commencé à m’interroger sur ce qui pourrait se passer après.

Sur des forums, j’ai lu que si on obtenait le mariage pour tous, cela permettrait de lancer le débat autour de la procréation médicalement assistée (PMA) et la gestation pour autrui (GPA), du don du sang pour les personnes homosexuelles, et de l’adoption pour les couples homosexuels.

Après mon bac, j’ai déménagé  dans une grande ville pour les études, et j’ai directement cherché les associations LGBT pour voir ce qu’il était possible de faire.

C’est d’ailleurs grâce à cette loi que le vendredi 20 avril 2018, je suis allé·e dans la rue pour défendre la PMA pour tous les couples.

Tous les ans, je vais à Paris pour participer à l’Existrans, la marche annuelle organisée par un collectif qui milite les droits des personnes intersexes et trans.

Lors de la journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie qui se tiendra le 17 mai, je serai sur la place de la mairie de ma ville pour sensibiliser le plus de gens et pour revendiquer des droits de chaque être humain sans distinction d’orientation sexuelle.

Je pense qu’en 2018, il est important que les personnes LGBT+ aient le droit de vivre comme les personnes cisgenres* et hétérosexuelles.

(*une personne cisgenre se reconnaît dans le genre qui lui a été assigné à la naissance nldr.)

Toutes ces personnes ont le droit d’avoir des enfants, de revendiquer leur genre, de pouvoir sortir et vivre.

Tout, ça sans avoir peur.

À lire aussi : #5ansMariagePourTous : je suis toujours dans le placard, mais la porte est moins lourde

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Les Commentaires

199
Avatar de CharlieBido
29 mai 2018 à 17h05
CharlieBido
@LittleWolf je me souviens que le collège publique avait des interventions scolaires sur la sexualité et tout le reste. Le lycée publique lui était pareil, bien plus ouvert à la discution. Ya même une année ou un samedi ils ont fait une conférence sur les maladies sexuellement transmissible et plein de truc. Après je pense pas que cela vienne du fait que ce soit privé, mais qu'on sentais encore l'époque des bonnes soeurs dans les couloirs. (les bonnes soeurs sont partit qu'en 2001 je crois) fin bref c'était un établissement de merde avec un directeur homophobe et raciste donc ya plus rien a sauver
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