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Société

5 ans après #MeToo, 5 femmes de 20 à 40 ans racontent ce qui a changé pour elles

Elles ont entre 20 et 40 ans, et ont toutes vécu le mouvement #MeToo. Porte d’entrée vers le féminisme, espoir ou déception, 5 femmes d’âges différents racontent ce que ce mouvement a changé pour elles.

Entre 2015 et 2017, les premières vagues du mouvement #MeToo déferlent dans le monde médiatique. Les témoignages de femmes victimes de violences sexistes et sexuelles se multiplient, et revendiquent droit de cité dans l’espace public et privé. De la sphère politique au monde du travail, dans les lieux plus clos de la famille et des relations affectives, les violences faites aux femmes deviennent un sujet de conversation jusqu’ici majoritairement passé sous silence.

Sur Instagram, Madmoizelle a posé la question à des lectrices : pour vous, qu’est-ce qui a changé depuis #MeToo ? Aux prémices du mouvement, Zoé était adolescente, Juliette avait 35 ans. Entre leurs deux tranches d’âge, une myriade de réactions, de changements et d’acquis se dessinent. Témoignages de 5 femmes qui ont vécu cette libération de la parole.

« On a libéré la parole, mais qu’est-ce qui se passe après ? »

Pour moi, le changement principal, c’est la libération de la parole. Tant dans mon travail dans le social que dans ma vie perso, je vois bien que beaucoup plus de filles et de femmes osent dire qu’elles sont victimes de violences : il y a moins de honte, de culpabilité à dire « moi aussi ».

Mais j’ai une déformation professionnelle : la vraie question, pour moi, c’est ce qui se passe après la prise de parole. Au quotidien, en tant qu’éducatrice spécialisée, j’en suis encore à accompagner des filles au commissariat pour être sûre qu’on prenne leurs plaintes, parce que je constate que si je ne suis pas là pour dire « Vous êtes tenus de la prendre en charge », il ne se passe rien.

J’ai l’impression que #MeToo a fait naître l’espoir qu’on pourrait faire bouger les lignes, mais aujourd’hui, est-ce qu’il y a eu des condamnations contre tous ces agresseurs connus dont les noms sont sortis ? C’est long et compliqué de défaire les réflexes de la société… Même dans la vie sociale, j’ai l’impression que c’est quelque chose qui est tourné un peu trop souvent en dérision. J’entends souvent dire « Haha, MeToo », comme pour le minimiser.

Ça ne veut pas dire qu’il faut abandonner, cependant ! C’est le début d’un processus qui va être long, et qui ne fait que démarrer. Chez les jeunes, je trouve que le positif est bien plus clair, et qu’ils s’en sont un peu plus emparés. Filles ou garçons, je vois chez eux une ouverture d’esprit qui veut dire que peut-être qu’on n’est pas en train de s’échiner pour rien aujourd’hui.

Juliette, 40 ans, éducatrice spécialisée 

« Ca m’agaçait que tout le monde se dise victime, jusqu’à ce que je prenne conscience que moi aussi, ça m’était arrivé »

Au début de #MeToo, j’ai eu l’impression que les revendications étaient immenses, et que toutes les femmes avaient été agressées ou harcelées par des hommes. Moi, ça me semblait trop, ça m’agaçait. Je me disais : « C’est devenu la mode d’être une victime. »

Quelque temps plus tard, après deux ans de déni, j’ai pris conscience que moi aussi, j’avais été violée. #MeToo a alors été un énorme soutient pour moi. Je me suis rendu compte que je n’étais pas seule et qu’il existait une véritable solidarité entre femmes.

C’est grâce à #MeToo que j’ai pu assumer ce qui m’était arrivé, et me reconstruire après. Non seulement en me rappelant que nous étions nombreuses à l’avoir vécu et à y avoir survécu, mais aussi en réussissant à demander de l’aide. J’ai pu en parler à une psy, à ma gynécologue, j’ai pu aller voir une sexologue en me disant « On est tellement à le vivre, elle doit en voir 4 par semaines des filles comme moi », alors que j’aurais pu rester honteuse, dans mon coin.

Quand je suis allée porter plainte, j’ai vu les pastilles de couleurs au sol spécialement dédiées aux victimes de violences, et on m’a accompagnée en connaissance de cause. Ça m’a semblé hallucinant, qu’il y ait un véritable code couleur pour ça dans les commissariats.

Je sais que le tabou reste présent dans certaines sphères. Si je parlais de mon viol à certains de mes proches, je pense que je serai encore jugée, que certains n’arriveraient pas à comprendre le consentement dont j’ai été privée.

Je crois que #MeToo a aussi amené les gens à se poser la question de l’égalité entre homme et femme. Pour moi, ça a été une des portes d’entrée vers le féminisme. C’est comme si j’avais pris du recul : aujourd’hui me sautent aux yeux énormément de choses que je ne voyais pas avant. J’ai 35 ans, et je peux remettre en question tout ce que l’on m’a enseigné dans la pression patriarcale : le mariage, le couple patriarcal, la logique derrière « un mari gagne plus que sa femme, c’est normal »…

#MeToo me permet de me dire : les femmes subissent de véritables oppressions, et les femmes, ensemble, vont pouvoir bousculer tout ça.

Cécile, 35 ans 

« Je me souviens des réactions choquées : ça a débloqué un truc » 

 
Je me souviens avoir eu des discussions avec des gens de mon entourage, hommes et femmes, et je me souviens des réactions choquées des gens. Comme si ce sujet existait quelque part, et qu’il devenait visible, un vrai sujet de conversation. Au travail, ça a forcé tout le monde à en parler, à avoir un point de vue dessus.

J’ai trouvé que ça avait révélé les collègues autour de moi : ceux qui disent « ça casse les couilles, c’est à la marge, c’est pas pire » et ceux qui prenaient conscience de l’ampleur du problème.

C’est comme si ça avait débloqué quelque chose. Avant, on ne parlait pas de sexisme, de violences sexuelles, ce n’était pas envisageable. Aujourd’hui, avec des collègues hommes comme femmes, ça arrive sur le tapis bien plus facilement. Que ce soit pour le positif (compatir avec les victimes) ou négatif. C’est devenu un sujet.

Je l’ai ressenti aussi dans des sphères personnelles, comme s’il y avait eu une véritable prise de conscience. Je n’avais aucune idée de l’ampleur du phénomène avant, de l’aspect systémique de ses violences, de leur lien avec les sphères de pouvoir, du fait qu’elles soient partout. Maintenant, nous le savons.

Mélina, 30 ans, prof documentaliste

« Est-ce que ça a changé grand-chose du côté des hommes ? »

Pour moi, #MeToo reflète un rejet de toutes les violences faites aux femmes, le sexisme de notre société dans son intégralité. Le mouvement m’a éveillée et m’a aidée à voir comment les hommes se comportaient autour de moi. Aux témoignages sur les violences sexuelles se sont mêlés des témoignages sur ce que vivaient les femmes au quotidien, la charge mentale, la charge émotionnelle… J’ai pu me rendre compte que ce que vivaient les femmes dans le couple hétéro, et me dire qu’il était hors de question que je m’enferme là-dedans juste à cause de la pression à avoir un copain ou un mari.

Quand je me suis installée avec mon premier copain, en ayant déjà vu comment mon père se comportait, j’ai très vite vu qu’il s’attendait à ce que je travaille, que je fasse le ménage, que je gère son administratif, mais aussi que je paie… J’étais censée tout savoir mieux que lui, et faire de ses problèmes les miens. J’ai fini par le mettre dehors, parce que je savais que ce qui se passait n’était pas « normal ».

Je trouve que #MeToo a beaucoup changé la donne pour les femmes, qui se révoltent et n’acceptent plus leur condition donnée. Mais, ça n’a pas changé grand-chose du côté des hommes. Je n’en connais pas qui se bougent pour nous respecter, en faire autant que nous, lutter pour nos droits. Alors, je vis ma meilleure vie de célibataire, sans pression !  

Laurène, 25 ans, jeune diplômée 

« Ma première relation amoureuse, c’était après MeToo »

J’ai vu #MeToo émerger avec l’affaire Polanski, sur Instagram et sur Twitter quand j’avais 15 ans. Je m’intéressais déjà au féminisme, et j’avais déjà un peu conscience du sexisme autour de moi. Voir toutes ces femmes qui prenaient la parole, qui s’exprimaient face à un homme puissant et respecté et riche, ça m’a fait du bien.

Ça m’a aussi permis d’ouvrir les yeux sur le fait que les violences que l’on faisait subir aux femmes étaient quotidiennes, que ce n’était pas juste « une fois de temps en temps ». Que partout, autour de nous, les hommes se permettaient d’avoir des gestes ou des mots déplacés et de prendre le pouvoir dans l’espace public, jusque dans leur manière de s’asseoir dans les transports en commun, sans que l’on ose répondre. Et justement, pour moi, #MeToo, c’est la libération sur le sujet des violences sexuelles, mais aussi en général : on s’est dit qu’on pouvait répondre.

Comme le sujet passait à la télé, ma mère m’a raconté qu’elle s’était déjà fait harceler dans un lieu public, qu’un homme avait posé sa main sur sa cuisse sans son consentement. Ça m’a fait du bien qu’elle me le dise, parce qu’on les partage, toutes ces expériences, et on n’a pas à en avoir honte.

Ça m’a réconfortée de ne pas avoir à dire certaines choses que j’avais vécues, parce qu’autour de moi, d’autres les disaient. Et même si je sais que les plaintes des femmes ne sont toujours pas traitées correctement, je me dis que savoir que sur internet et ailleurs, on peut en parler, ça peut permettre de contrebalancer l’idée avec laquelle certaines ont grandi, celle que même si tu dénonces, il ne se passera rien.

Autour de moi, on en parle de manière assez libre. Avec les femmes que je rencontre, on a beaucoup plus de facilités à dénoncer le sexisme, et j’ai l’impression que les hommes sont touchés aussi, qu’ils en parlent et que peut-être, ils font plus attention.

Je n’ai pas vraiment vécu la période où c’était mal vu de dire que l’on était féministe. À la fin de mon adolescence, il y avait les collages féministes dans la rue, des campagnes publiques sur le consentement. Pour moi, c’était normal. Ma première relation amoureuse, quand j’avais 16 ans, c’était après #MeToo et j’ai dit très vite au mec avec qui j’étais que j’étais féministe. J’avais l’impression qu’il l’était aussi parce qu’il ne disait rien sur le fait que je garde mes poils, qu’il m’écoutait en parler, mais rapidement, je me suis rendu compte qu’il s’en foutait un peu, que ça ne le touchait pas tellement.

Zoé, 20 ans, étudiante

À lire aussi : Les filles, grandes oubliées de #Metoo ? Plus de 100 personnalités lancent l’alerte

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