Des histoires pour comprendre ce que signifiait avorter quand il était inconcevable de prononcer le mot à voix haute, des récits pour comprendre que l’IVG reste encore aujourd’hui un droit fragile, des dystopies pas si lointaines qui éclairent notre actualité…
Voilà une sélection de romans qui abordent de bien des manières l’avortement, à dévorer d’urgence.
Les heures rouges de Leni Zumas
« Un mois plus tôt, l’interdiction d’avorter était entrée en vigueur au niveau fédéral [aux USA].
Mattie s’était dit : Il faut qu’on t’emmène au Canada. Ils n’avaient pas encore fermé la frontière aux demandeuses d’IVG. Le ‘mur Rose’ n’était qu’une idée en l’air.
Un an et demi plus tard, la patrouille frontalière canadienne arrête les Américaines désireuses d’avorter et les renvoie aux Etats-Unis pour qu’elles y soient poursuivies. »
Au vu du contexte aux États-Unis, Les Heures rouges apparaît forcément comme terriblement proche de nous.
Le roman de Leni Zumas, dont nous vous parlions déjà dans une sélection de dystopies féministes, suit quatre femmes dont Mattie, une adolescente enceinte bien décidée à devenir scientifique, qui doit prendre le risque de passer la frontière pour avorter. Un écho salutaire à La Servante Écarlate de Margaret Atwood.
L’événement d’Annie Ernaux
« Et, comme d’habitude, il était impossible de déterminer si l’avortement était interdit parce que c’était mal, ou si c’était mal parce que c’était interdit. On jugeait par rapport à la loi, on ne jugeait pas la loi. »
Tout récemment adapté par Audrey Diwan, ce roman majeur d’Annie Ernaux n’a rien perdu de sa force. Elle y livre toute sa détermination, et nous entraîne avec elle dans les souvenirs de ce moment charnière de sa vie.
Face à son petit ami, face à ses parents, face au médecin, face à celle que l’on nommait alors la « faiseuse d’anges », Annie Ernaux dépeint avec finesse et précision les obstacles d’alors, alors que le droit à l’IVG n’avait pas encore voté en France.
Un livre de martyrs américains de Joyce Carol Oates
« Quand je demandai à Darren si Papa tuait des bébés, il grimaça et dit avec hauteur que ce n’était pas comme ça qu’ils les appelaient. Je ne compris pas. Qui étaient les ? Qui étaient-ils ?
Darren dit : fé-tusses. Ils les appellent fé-tusses, idiote. »
En 1999, Luther Dunphy, fervent croyant se prenant pour un envoyé de Dieu se rend dans un centre IVG pour y tuer un médecin qui pratique l’avortement, Augustus Voorhees. L’un et l’autre croient détenir la vérité, l’un et l’autre connaîtront la mort pour avoir défendu leurs idéaux. Joyce Carol Oates s’intéresse à ces deux hommes, mais plus encore à leurs filles respectives, entraînées dans la tragédie malgré elles, devant assumer le terrible héritage de leur père.
Loin de tout manichéisme, même si l’autrice Joyce Carol Oates est une démocrate et farouche défenseuse du droit à l’IVG, elle explore la complexité des parcours de ces deux jeunes femmes dans toutes leurs nuances et parvient à dessiner le portrait d’une Amérique plus que jamais divisée.
Ta grossesse de Suzanne Duval
« Heureusement, j’ai le choix. Merci, mon choix. Mais au même moment, tu te fais la réflexion qu’une situation d’urgence eût sans doute facilité la décision, par exemple, de foncer dans le mur. Car foncer dans le mur fut toujours une option.
Pour toi qui n’as jamais aimé ralentir, avoir le choix est terrifiant. Et la vision du choix va et vient dans ta tête, libératrice et terrifiante. »
Malgré son titre qui induirait presque en erreur, Suzanne Duval aborde bien l’avortement dans ce roman.
Un récit intime à la deuxième personne, qui des années après Annie Ernaux montre d’autres facettes du recours à l’IVG : si aujourd’hui les femmes n’ont heureusement plus à risquer leur vie quand elles choisissent d’avorter, elles sont encore traversées par une myriade d’émotions complexes, parfois contradictoires, de questions et de troubles.
Et vous ? Quel est le roman sur l’avortement qui vous a marquée ?
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Les Commentaires
En 1939, la jeune Victoire se retrouve enceinte hors mariage et sa mère l'emmène voir une faiseuse d'anges. Des années plus tard, Victoire milite activement pour le droit à la contraception et à l'IVG.