Je pense qu’on a toutes en nous quelque chose de vraiment badass. On ne combat pas forcément des légions, on n’est pas forcément les premières à s’investir de manière acharnée dans les causes qui le méritent, ni à dire fuck à des crétins, mais quand même. Vivre en 2013 et même vivre tout court sans se laisser marcher sur les plates-bandes témoigne d’une certaine volonté. C’est un peu ça aussi la badass-erie.
Pour moi ça s’apprend très tôt. Et ça se cultive, toujours. Voici une première liste de quelques rebelles qui me fascinent.
Rufio
Bon, bon, bon. Si nous n’étions pas encore intimes sache que ce principe est en phase de partir en fumée. Parce que Rufio et moi, c’était un peu l’Amour. L’authentique.
Je te propose donc de te présenter la bête.
Lui-même n’en revient pas.
Rufio est le chef japano-sioux des enfants perdus de l’oeuvre culte de Steven Spielberg : Hook, ou la revanche du capitaine crochet. Le film date de 1991 (soit un an avant ma douce naissance) et c’est un des tout premiers que je me souviens avoir vu (avec Dark Crystal, Legend et Les Gremlins). Avec cette adaptation de l’histoire de Peter Pan, le créateur d’E.T a réussi à me dénicher le premier et véritable gros crush de toute ma jeunesse.
Pour la pauvre petite fille de six ans que j’étais, Rufio n’était rien d’autre que le comble de la masculinité poussée à son paroxysme. C’est croire que j’avais alors une vision drôlement ouverte du monde étant donné que le jeune homme (qui devait avoir tout au plus 17 piges) portait des collants rouges et un débardeur en cuir à franges.
Également, sa tendance capillaire était ce que les couleurs Manic Panic sont pour les gens cool : somptueuse.
LE.MEC.QUOI.
Je pense pourtant que ce qui me fascinait le plus dans son personnage c’était son côté rebelle qu’il cultivait de nombreuses façons :
Rufio était le chef et il voulait surtout le rester. Alors c’est sûr que lorsque Peter Pan en crise d’Alzheimer précoce tape une crise existentielle, il s’en contre-fichait un peu la crête. Commençait alors un combat psychologique entre les deux hommes à base d’insultes. Je me suis empressée de recueillir les précieux vers à la manière des dix commandements.
Imagine ma fierté lorsque j’ai ouvert ma bouche de petite fille hyper timide pour sortir à mon crétin de voisin de table de CM1 d’une voix de stentor : « Espèce de sac à vomi mal gerbé ». Ça brille encore un peu dans mes yeux.
Aussi, il faisait du skateboard, ce qui était pour moi le comble de la classitude. En plus, il avait ce côté bagarreur qui lui donnait un air de Rambo de cours de récré.
C’est également à cause de cet homme que je dessinais régulièrement mon avatar de moi « plus tard » en grosse gothico/punk, avec des piercings par milliers et recouverte de tatouages. Je portais des collants résilles, des t-shirts avec des flammes et des accessoires fluos (Cyber-Punk et autres apprenties Gothiques Lolitas, tremblez). J’avais finalement bien vu. J’ai eu ma période au lycée qui mériterait une nouvelle rubrique sur Mad’ : le placard du déshonneur.
Malheureusement pour moi, Rufio avait une forte tendance à casser sa pipe en fin de film, ce qui m’arrachait de fausses larmes et un pelotage lascif de mon téléviseur.
Ronnie Radke (Ronald Joseph Radke)
J’ai découvert ce cher Ronnie Radke lors de ce que j’appellerais mon « dégrossissage musical ». Avant, j’écoutais un mélange de Good Charlotte, Lorie, Daddy DJ et Gojira, je dois t’avouer que c’était un peu une catastrophe – du moins plutôt éclectique. Ensuite, je suis arrivée au collège où j’ai découvert une ville de plus de 500 habitants et surtout l’argent de poche et l’espace culturel de Leclerc. Ma vie est devenue tout autre : j’ai muté en émo hybride – qui ne s’assume pas jusqu’au bout. J’ai fait un Skyblog qui pique les yeux, j’ai poussé des ultra-sons de chauves-souris devant Tokio Hotel, je me suis inscrite sur le forum officiel de Eths. J’ai découvert la vie quoi.
Je bénis aujourd’hui Youtube, qui a été mon premier fournisseur de nouveautés musicales, qui a amené ce vrai de vrai rebelle à moi. À l’époque Ronnie Radke était le chanteur d’Escape the Fate, un groupe de hardcore de Las Vegas (déjà ça s’annonce bien). Youtube a donc eu la formidable idée de me suggérer ce clip :
L’effet doudoune-moumoute-capuche fut immédiat. Le problème, c’est que M. Radke, il était pas là pour s’marrer.
En 2008, il est impliqué dans une bagarre qui entraîne le meurtre d’un garçon de 18 ans. Ronnie plaide coupable et passe deux ans en prison. En plus, il s’avère qu’il est accro à la drogue. Bien entendu, Escape the Fate, c’est plus pour lui. Il décide donc de former son groupe actuel Falling in Reverse.
Ronnie est donc un vrai rebelle qui ne rigole pas du tout. Mais je ne peux m’empêcher de respecter ce mec à un niveau beaucoup trop loin de l’entente. Évidemment, il s’est excusé (même si ce n’est apparemment pas lui qui a tué le jeune homme, il n’était pas en posture de se la ramener). Le truc avec Ronnie, c’est qu’il est sacrément bon. Il innove souvent et franchement, c’est agréable à écouter. Les chansons qu’ils composent sont toujours à prendre avec une tonne de second degré, alors oui, parfois ça énerve les gens.
Peu après la sortie du dernier album du groupe (Fashionably Late, le 18 juin 2013), une polémique de foufou a débuté car Ronnie a décidé d’annuler une partie de sa tournée. Explication officielle : sa fille va naitre et il veut faire le papa tatoué modèle. Cependant, quelques jours après on affirme que Ronnie a viré tous les membres de son groupe ainsi que la tournée car ils n’avaient pas vendu assez de disques.
Bien entendu, le groupe est toujours ensemble et il s’avère que tout était totalement faux. Il a d’ailleurs accordé un très belle interview vidéo en trois parties à Alternativ Press. Il y explique comment se passe sa vie en ce moment et nous raconte que ça n’a pas toujours été facile. Cependant, il se tape le coquillart de savoir si on l’aime ou non. Il fait un gros fuck mental à ses haters et ça c’est cool. « Ma nouvelle chanson est trop électro/rap/chelou pour vous ? Go Prout Yourself » :
Ok si j’existe ma vie c’est d’être je suis fan de Falling in Reverse. J’aime leur musique et ce qu’ils en font. Mais surtout, Ronnie est un personnage qui ne laisse pas indifférent. On le hait très fort ou on l’adore avec des pépites d’or dans les yeux. Et ça c’est vraiment coolos.
John Cage
Niveau de sympathie : + 10.000
Tu as peut-être remarqué que j’aime bien John Cage. Pourquoi ? Laisse-moi te conter cette douce histoire avec le vide en fond sonore.
J’ai fait un bac Littéraire avec option Histoire des Arts. Voilà.
John Cage était un des thèmes à étudier et j’ai donc dû apprendre par coeur sa biographie. J’ai tellement kiffé ce mec que j’ai même basé une partie de mon dossier de fin d’année sur lui. Celui-ci portait fièrement le doux nom de De l’influence de John Cage au sein du mouvement Fluxus. Je sais, ça en jette.
Ce mec est un musicien, plasticien, peintre multifonctions qui a inventé un max de truc vraiment punk pour l’époque. C’est le genre de personnages adeptes de la philosophie zazen, qui collectionne les champignons et qui se prend pas le chou pour composer.
Son morceau le plus connu est sans doute 4’33 que je te propose d’écouter (attention c’est un peu fort) :
John. Cage. Est. Un. Génie.
Comme tu as pu le comprendre, il n’y a rien. Pas de musique en tout cas. Car pour l’artiste, le vide n’existe pas, et chacun entend sa propre version du morceau. La respiration, un bébé qui pleure, une goutte au nez ou même un pet d’aisselle malencontreux, c’est ça la musique de la vie.
Il a également inventé le principe du « piano préparé ». Le principe étant qu’avant de jouer, le piano doit être traficoté et l’artiste y insère des objets (comme des boulons sur les cordes par exemple) afin d’en changer le son. Le piano devient alors presque un instrument à percussion. Et cela donne des résultats… Étonnants.
N’empêche, qu’on n’avait jamais entendu ça avant, jamais. D’ailleurs figure-toi que Benjamin Vautier (dit Ben (dit « le truc écrit en blanc sur ta trousse »))) fait partie de ce fameux mouvement Fluxus qui se contre-fout des règles de l’art et s’inspire de son travail. Et pour tout ça, John Cage mérite le respect.
Il était notamment pote avec Marcel Duchamp (tu sais les planches qui tombent mais en fait c’est un nu qui descend un escalier) et (plus que plus que) pote avec le chorégraphe et danseur contemporain Merce Cunningham.
J’aurais aimé faire un bisou sur son petit front mignon et lui dire merci. Merci d’avoir – un peu – contribué à ma micro-réussite. Merci d’être la seule référence cool et – un peu – classy que je pourrais claquer dans un dîner de « la haute » autour d’un Panier de Yoplait.
On a beau avoir des modèles, être un-e rebelle ça ne marche pas toujours : je rêvais d’avoir un doberman depuis que j’ai vu Beethoven ; je me retrouve avec un truc qui ressemble à ça – et je n’envisage toujours pas de prendre le métro sans ticket.
Et toi, c’est qui tes héros badass ?
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Les Commentaires
J'ai regardée Hook 18fois en vostfr et 36fois en vf et non, décidément, je préfère la voix de Rufio en vf. Elle fait beaucoup plus homme. et même maintenant, je continue de chialer quand il meurt à la fin, et je ne peux m'empêcher d'en vouloir à Dustin Hoffman pour son crime contre l'humanité. (Oui,je sais je vais loin, mais j'étais amoureuse, faut comprendre.)