La reprise de Thi Nhu An Pham (Payot)
À celles qui ont vécu le retour au travail après un congé maternité comme un tsunami. À celles qui ont culpabilisé de l’envisager comme une délivrance. À celles qui ont préféré prendre un long congé parental. À celles qui ont pensé être nulles parce qu’incapables de gérer tout de front. À celles qui, parce que mères, ont vu s’éloigner une promotion et/ou subissent remarques déplacées et discriminations. À celles qui ont été contraintes de changer leur rythme de travail faute de mode de garde… Mais aussi à ceux qu’on regarde de travers lorsqu’ils osent poser un jour enfant malade ou allonger leur congé paternité ; ce livre est pour vous !
Avec La reprise (Payot), qui s’inscrit dans la continuité de son podcast éponyme, Thi Nhu An Pham lève le voile sur le tabou de la condition des femmes après le congé maternité. Un impensé qui se situe pourtant au croisement de multiples enjeux : rapport au corps, à la maternité, à la parentalité, place dans un monde du travail où les schémas virilistes sont encore trop présents, charge mentale, répartition des tâches parentales ou ménagères, inégalités femmes-hommes…
S’appuyant sur sa propre histoire comme sur les multiples témoignages récoltés depuis le lancement de son podcast en 2021 mais aussi sur ses recherches et entretiens avec des experts, l’autrice décortique cette période de chamboulement et de fragilité encore peu prise en compte. Voire niée. Et met en lumière les injustices et obstacles, parfois systémiques, auxquels les mères font face. Un livre façon électrochoc, qui aide à déculpabiliser, propose des solutions concrètes et insuffle à ses lectrices et lecteurs une indignation dont on espère qu’elle se répandra jusqu’aux dirigeant(e)s d’entreprise, services de ressources humaines et sphères politiques… !
*La reprise de Thi Nhu An Pham, Payot, 18€.
L’affaire Cécillon : Chantal, récit d’un féminicide par Ludovic Ninet
Dans la nuit du 7 aout 2004, en Isère, Marc Cécillon tue sa femme, Chantal. Quelques minutes avant, ivre, il avait été sommé de quitter une soirée à laquelle ils assistaient chez des amis, après avoir frappé l’hôtesse des lieux. L’homme passe chez lui prendre une arme, retourne à la soirée et tire plusieurs balles sur son épouse. Dans les jours suivants, ce crime fait la une des journaux.
Le meurtrier, gloire locale du rugby, ex-joueur international, plusieurs fois capitaine du XV de France, y est dépeint comme un colosse déchu, victime de ses démons. Condamné dans un premier temps à vingt ans de prison, sa peine sera réduite à 14 ans après un procès en appel. Il finira par être libéré pour bonne conduite en 2011… Près de 20 ans après ce féminicide, qualifié à l’époque de crime passionnel, Ludovic Ninet offre un nouvel éclairage à L’affaire Cécillon (Les Presses de la Cité) grâce à une enquête aussi émouvante qu’éprouvante.
Avec ce récit aux accents personnels, l’écrivain et ancien journaliste de L’Equipe, rend hommage à Chantal Cécillon, dont il avait été jusqu’alors si peu question. Mêlant ses recherches et interprétations aux témoignages des proches de la victime – sa fille cadette, sa mère et une amie d’enfance -, il arrache de l’ombre cette femme solaire, piétinant par la même ce terrible, et malheureusement fréquent, phénomène d’invisibilisation qui touche les victimes.
Au-delà de ce portrait, esquissé avec pudeur, Ludovic Ninet, décortique « le sexisme et la misogynie qui gangrènent cette histoire », interroge les modèles patriarcaux, les responsabilités collectives et dénonce l’omerta d’un système qui serre les rangs autour de ses vedettes mais aussi l’impunité de ces dernières. L’auteur ne s’épargne pas lui-même, soulevant « l’ignorance » et « la passivité » du jeune journaliste sportif qu’il était à l’époque. Sincère et infiniment délicat, ce livre se lit d’une traite et résonne encore à notre esprit plusieurs jours après sa lecture.
*L’affaire Cécillon : Chantal, récit d’un féminicide par Ludovic Ninet, Les presses de la cité, 19€.
Le genre du capital de Céline Bessière, Sybille Gollac et Jeanne Puchol
Vous avez aimé Le couple et l’argent de Titiou Lecoq ? Ou Le prix à payer. Ce que le couple hétéro coute aux femmes de Lucille Quillet ? Alors vous allez adorer Le genre du capital (La découverte – Delcourt), adaptation en bande dessinée de l’essai éponyme paru en 2020.
Cet album, signé par Céline Bessière et Sybille Gollac, rend accessible au plus grand nombre l’incroyable travail mené par les deux sociologues pendant plus de 20 ans. Sous le coup de crayon de Jeanne Puchol, on plonge – avec un chœur de chats déchainés – dans les coulisses de cabinets d’avocat(e)s, études notariales, tribunaux mais aussi d’affaires de famille, qui éclairent le rôle de cette dernière dans la perpétuation des inégalités de patrimoine femmes-hommes. Inégalités qui se cristallisent à deux moments clé – les divorces et les successions -, et qui, malgré les apparences et les grands discours, continuent de se creuser.
Selon une étude publiée en 2020 par Marion Leturcq et Nicolas Frémeaux, l’écart entre le patrimoine des femmes et des hommes a presque doublé entre 1998 et 2015, passant de 9 à 16%… On reste sonné après avoir lu cet ouvrage implacable et accessible, détaillant les mécanismes qui, mis bout à bout, font des femmes les éternelles perdantes de l’équation familiale. A offrir à tout votre entourage dès l’adolescence, afin de permettre à chacune d’entre nous de prendre conscience de ces inégalités et des ressorts qui les sous-tendent. Pour espérer, à terme, renverser l’ordre des choses.
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