Elle n’avait que 10 ans et l’avortement n’était plus légal dans son État d’origine, l’Ohio, depuis l’abrogation de Roe v. Wade. C’est donc par nécessité qu’une jeune états-unienne, victime de viol, était venue chercher de l’aide auprès des médecins de l’État voisin, l’Indiana, où la législation permet encore de recourir à l’IVG sous certaines conditions. Le docteur Caitlin Bernard, qui s’en était chargé, en paie aujourd’hui les conséquences : jeudi 25 mai, elle a comparu devant l’Ordre des médecins de l’Indiana, qui lui a adressé, à l’issue de cette journée, une lettre de réprimande et l’a condamnée à verser une amende de 3 000 dollars. Lunaire.
Accusée de ne pas avoir respecté le secret médical
L’histoire du Docteur Caitlin Bernard débute un an plus tôt. Interviewée par un journaliste, elle explique avoir pratiqué un avortement sur une jeune fille de 10 ans, victime de viol, qui n’avait pas pu recevoir les soins nécessaires dans son État d’origine. L’information suscite l’indignation à travers le pays, durement touché par des restrictions anti-avortement qui se multiplient depuis que ce droit fondamental a été mis à mal par la cour suprême en juin 2022.
Mais, le procureur général de l’Indiana, connu pour ses positions anti-avortement, ne se laisse pas émouvoir. Au contraire, Todd Rokita remet publiquement en question la véracité de l’histoire rapportée par Caitlin Bernard, et la possibilité même qu’une enfant de 10 ans puisse être victime de viol. Comme le rapporte le média Jezebel, lorsque l’auteur présumé des faits est interpelé, le procureur va même jusqu’à avancer (à tort) que Caitlin Bernard n’a jamais signalé le viol de l’enfant et son avortement à l’État. Todd Rokita charge son bureau d’enquêter sur Caitlin Bernard et porte plainte auprès de l’Ordre des médecins de l’Indiana, dont les membres ont été nommés par un gouverneur républicain également anti-avortement. On reproche alors au médecin de ne pas avoir respecté le secret médical en s’exprimant dans les médias.
« Il est essentiel que les gens comprennent l’impact réel des lois »
Docteur Caitlin Bernard s’est défendu de n’avoir divulgué aucune donnée sensible concernant sa patiente : « Je pense qu’il est essentiel que les gens comprennent l’impact réel des lois votées dans ce pays, qu’il s’agisse de l’avortement ou du reste. C’est important de comprendre ce que subissent les patients », a-t-elle renchéri lors de son audience. Son avocat a également rappelé qu’il n’est pas interdit pour les médecins de parler aux médias, et que sa cliente a tout fait pour s’assurer qu’une enquête soit ouverte par les autorités compétentes, afin d’éclaircir les circonstances de l’agression de la fillette.
Comme le souligne le média Jezebel non sans ironie, l’Indiana est par ailleurs l’un des seuls états à requérir que lui soit rapporté chaque avortement. Ce climat de surveillance accrue expose les patientes à un risque de criminalisation potentiel, et les met en difficulté (pour ne pas dire en danger). Preuve que l’argument du secret professionnel ne fonctionne que quand cela arrange les conservateurs.
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