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Vie quotidienne

À 25 ans, j’ai affronté quatre cancers

En 2015, Justine nous racontait qu’elle luttait contre son troisième cancer, étant atteinte du très rare sarcome d’Ewing. Elle revient nous donner de ses nouvelles, après une quatrième rechute.

Publié le 18 octobre 2016

Le 4 février marque la journée mondiale de lutte contre le cancer.

L’occasion de lire ou relire le poignant et important témoignage de Justine ci-dessous.

En 2015, Justine témoignait sur son rare sarcome d’Ewing, qui lui causait un troisième cancer. Elle a donné de ses nouvelles en 2016.

J’ai lu chacun des commentaires laissés par les lectrices, que ce soit sur le forum ou sur Facebook.

J’ai vu mon témoignage revenir à plusieurs reprises sur la page Facebook de mad, et j’ai été très touchée de voir que plusieurs mois après sa publication, mon texte suscitait toujours autant de messages d’amour et de soutien.

Témoigner m’a fait le plus grand bien, et j’aurais aimé remercier chacune des personnes qui ont pris le temps de me lire, déjà, mais aussi et surtout qui m’ont laissé des petits mots tous plus bienveillants et encourageants les uns que les autres.

Tout cet amour et toute cette générosité m’ont beaucoup émue.

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Mais j’ai eu du mal à revenir témoigner, parce qu’après cela et ce qui m’est ensuite arrivé, j’avais peur du message que j’enverrais avec un nouveau témoignage.

Ma rémission et le bonheur de la vie active

J’ai appris ma rémission quelques semaines après la parution de mon témoignage.

C’était une excellente nouvelle, d’autant qu’à peine quelques semaines plus tôt les médecins m’apprenaient que les traitements ne faisaient que moyennement effet et que l’on devrait peut-être prolonger les cures de chimio.

Je n’ai pas perdu de temps avant de me relancer dans la vie active et j’ai choisi de faire un service civique.

Je ne remercierai jamais assez le coordinateur de m’avoir fait confiance alors qu’il connaissait ma situation et qu’au vu de celle-ci, d’autres personnes ne me pensaient pas capable de relever un tel défi.

Et pourtant je l’ai fait, pendant huit mois j’ai travaillé à un rythme très soutenu et honnêtement, cela m’a fait le plus grand bien.

J’ai retrouvé ma forme physique et surtout, ma motivation et ma joie de vivre.

Je faisais partie d’une super équipe, j’ai fait de très belles rencontres, j’ai retrouvé ma forme physique et surtout, ma motivation et ma joie de vivre. J’ai vécu l’une des plus belles expériences de ma vie.

Et mes missions se sont tellement bien déroulées que l’un de mes tuteurs a choisi de m’embaucher en CDD afin que je puisse poursuivre mon travail à ses côtés.

J’étais donc très heureuse, j’avais un travail qui me plaisait et dans lequel je m’épanouissais énormément. J’étais parfaitement intégrée à l’équipe.

J’ai mené mon projet à bien : monter une exposition de A à Z et faire publier un ouvrage de référence sur cette exposition. Mon CDD a ensuite pris fin, mais mes supérieurs se sont arrangés pour le prolonger de quelques mois.

Tout allait bien jusqu’à ce que je me rende à un rendez-vous chez ma cancérologue quelques jours avant la signature de mon nouveau contrat.

J’avais passé des examens de contrôle un mois plus tôt et, comme le veut la coutume, je me rendais quelques semaines plus tard à la consultation.

Les consultations servent à examiner le patient et à évaluer son état général, et à donner les résultats des examens réalisés plusieurs jours auparavant — sachant que lorsque les scanners ou les IRM révèlent un souci quelconque, les cancérologues n’attendent pas la visite du patient mais lui annoncent par téléphone.

La quatrième rechute du sarcome d’Ewing

N’ayant pas été appelée après mes examens, j’étais persuadée que tout allait bien et qu’il s’agissait d’une visite de routine, à laquelle j’ai donc tenu à me rendre seule, estimant ne pas avoir besoin de soutien alors qu’on allait juste me prendre mes constantes.

J’étais donc seule lorsque ma cancérologue m’a annoncé que le cancer était revenu, à peine un an après l’arrêt de mes traitements.

J’étais à la fois triste et en colère, déjà d’être retombée malade si vite, et ensuite que ce médecin m’ait mise en danger en attendant près de cinq semaines avant de me l’annoncer.

Sachant que je suis atteinte d’une forme de tumeur très agressive qui évolue assez vite, je me suis dit qu’il aurait pu m’arriver n’importe quoi au cours de ces cinq semaines.

J’ai donc dû refaire des examens afin de vérifier que le cancer n’avait pas trop évolué durant ce laps de temps.

Je ne pouvais plus recevoir aucun traitement, mon corps ayant déjà largement dépassé les doses de chimiothérapie et de radiothérapie qu’il était censé pouvoir supporter.

Heureusement, ce n’était pas le cas. La moins bonne nouvelle en revanche, c’est que je ne pouvais plus recevoir aucun traitement, mon corps ayant déjà largement dépassé les doses de chimiothérapie et de radiothérapie qu’il était censé pouvoir supporter.

Recommencer des traitements était donc impossible et aurait fait lâcher soit mon coeur soit mon foie, ou même les deux.

La seule solution était donc la chirurgie. Sauf que la tumeur était très mal placée. Mes organes autour étaient très abîmés à cause de la radiothérapie.

La cicatrisation serait extrêmement difficile à cause des séances de chimio qui ont elles aussi endommagé mes cellules. Sans compter que mon coeur n’était pas au meilleur de sa forme avec tous ces traitements, et que je risquais de ne pas supporter soit l’intervention soit l’anesthésie.

Les risques, aussi bien pendant l’intervention qu’en post-op, étaient donc extrêmement élevés et les chirurgiens m’avaient prévenue qu’il s’agissait d’une opération très compliquée et qui serait longue et fastidieuse autant pour moi que pour eux.

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Se soigner ou non ?

On m’a donc « laissé le choix » de la faire ou non. Je mets des guillemets à « laissé le choix » parce que bon, les alternatives étaient quand même très limitées.

De quoi s’agissait-il exactement ?

Soit prendre le risque de ne pas survivre à l’opération, ou bien ne rien faire, attendre patiemment que la maladie évolue, qu’elle se propage à l’ensemble de mon corps, qu’elle m’affaiblisse, me paralyse et me rende finalement incapable de vivre et de m’occuper de moi-même. 

Ce n’était donc pas réellement un choix qui s’offrait à moi.

J’avoue que l’idée de tout arrêter là était assez séduisante. De me dire :

« J’ai assez trimé comme ça, de toute façon je ne me débarrasserai jamais de ce cancer, ça va aller de mal en pis, alors autant craquer mon PEL et profiter des mois, peut-être même avec un peu de chance des années qu’il me reste à vivre. »

Sauf qu’il s’agissait clairement là d’un scénario digne d’une comédie dramatique hollywoodienne et que dans la réalité, rien ne se passerait comme cela.

Si je laissais les choses évoluer sans rien faire, je n’aurais pas profité de la vie. J’aurais juste souffert et vu mon corps décrépir petit à petit.

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J’y suis donc allée, faire cette foutue thoracotomie. Je pensais y rester. Enfin, pour être tout à fait honnête, je crois même que j’espérais y rester.

Parce que je savais que même si l’opération était un succès, les suites opératoires seraient très difficiles. Ce qui me faisait le plus peur n’était pas d’y rester, mais de me réveiller et de ne plus jamais pouvoir vivre comme avant.

Lorsque mon chirurgien a évoqué la procédure et m’a informée des risques que je décède au bloc, je lui ai ainsi dit que tout cela ne m’intéressait pas.

Que ce qui se passerait pendant l’opération, c’était son problème à lui, pas le mien. Je lui ai dit que la seule chose qui me préoccupait, c’était l’après.

Et que je refusais catégoriquement de me réveiller diminuée, paralysée, amputée…

J’ai expliqué au chirurgien que ça ne m’intéressait pas de vivre si je ne pouvais plus jamais faire toutes les choses que j’aimais.

Je lui ai expliqué que ça ne m’intéressait pas de vivre si je ne pouvais plus jamais faire toutes les choses que j’aimais : danser, faire de l’escalade

, porter des talons plus hauts que moi, nager, courir, me faire écraser dans la fosse lors de concerts de rock, voyager…

Je me souviens avoir pleuré quand il m’a dit : « tu as dû sacrément souffrir au cours de ta vie pour tenir des discours aussi matures et effroyables à la fois ».

On a donc fait un deal, lui et moi. Soit je me réveillais débarrassée de cette tumeur et prête à vivre une nouvelle vie, soit je ne me réveillais pas. Il le disait lui-même, d’ailleurs :

« Tu ne peux plus recevoir de traitements. Tu ne peux pas non plus vivre avec cette tumeur, d’autant que lorsqu’on y aura touché, elle se fera encore plus virulente.

Donc il est hors de question que l’on te referme sans avoir tout enlevé de cette lésion. Je tenterai le tout pour le tout si tu m’y autorises.

Et il faut que tu aies bien conscience que si je dois prendre une décision radicale, je ne pourrai pas te réveiller pour te demander la permission.

Ce qui veut dire que tu dois être bien sûre de ton choix MAINTENANT. Toi, tu as ta vie et ton avenir en jeu. Moi j’ai, ma carrière et ma réputation en jeu. Je finirai donc ce que j’ai commencé. »

Je crois que je ne pourrais jamais oublier ces mots. Jamais un médecin n’avait été aussi clair et aussi franc avec moi. Jamais un médecin ne m’avait parlé sur ce ton.

Jamais aucun médecin ne m’avait prise pour une adulte, ni même pour vrai un être humain, jusque là. Et ça m’a fait énormément de bien. Je me suis sentie en totale confiance avec ce chirurgien.

Il m’avait convaincue par son honnêteté et son sens de l’écoute.

Surmonter la maladie, une nouvelle fois

Puisque j’écris ce témoignage aujourd’hui, c’est que l’opération s’est très bien passée ! Il paraît que mon corps a donné énormément de fil à retordre aux chirurgiens.

Il m’en a donné pas mal à moi aussi, en post-op. Et pourtant, je me suis remise sur pieds en en temps record. Alors qu’on m’annonçait un mois d’hospitalisation et plusieurs mois de convalescence, je suis sortie de l’hôpital au bout de dix jours et ai repris une vie quasiment normale au bout d’un mois.

D’ailleurs, un mois et demi après l’opération je sortais en boîte avec mes copines, juchée sur ma plus haute paire de talons.

Si j’ai surmonté tout cela, c’est grâce au soutien sans faille de mon entourage qui m’a donné la force de me battre et l’envie de me remettre en un temps record.

D’ailleurs mes amis, avec mes parents et mon frère, ce sont encore une fois eux qui m’ont permise de m’en sortir aussi vite et sans trop de dommages.

À neuf dans la chambre d’hôpital du matin au soir, le personnel soignant n’en pouvait plus de les voir, mais ils ne m’ont jamais lâchée.

Une fois de plus, si j’ai surmonté tout cela, c’est donc grâce au soutien sans faille de mon entourage qui m’a donné la force de me battre et l’envie de me remettre en un temps record.

Ils ont été présents chaque jour, à chaque minute, une fois de plus. Mon frère, mes parents, mes ami•es, les ancien•nes comme les nouveaux•elles que j’avais rencontré•es l’année dernière.

Oui, même des personnes que je ne connaissais que depuis quelques mois à peine m’ont été d’un très gros réconfort. Recevoir tout cet amour me surprend toujours, mais sans cela je n’en serais sûrement pas là aujourd’hui.

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Pour autant, j’ai eu beaucoup de mal à donner de mes nouvelles après mon premier témoignage.

Parce que j’ai récidivé très vite et vécu des moments extrêmement difficiles et que je me demandais quel message j’allais faire passer avec cette énième expérience…

Que l’on ne sort jamais de la maladie ? Que dès que l’on commence à être tranquille et un peu heureuse, les galères finissent toujours par nous rattraper ?

C’est vrai que cette opération s’est très bien déroulée, que j’ai eu la chance d’être très entourée et qu’aujourd’hui je vais beaucoup mieux. Mais j’ai perdu un travail qui me plaisait et je ne parviens pas à me lancer dans la vie active à nouveau.

J’ai perdu l’usage de ma corde vocale gauche dans l’opération, qui ne me permet plus de travailler dans l’animation, la médiation et l’enseignement comme avant.

Cela fait quatre mois que je cherche à retrouver du travail pour terminer entièrement de me remettre sur pieds, et je n’essuie que des refus.

J’ai également perdu l’usage de ma corde vocale gauche dans l’opération, qui ne me permet plus de travailler dans l’animation, la médiation et l’enseignement comme avant.

J’ai une énorme cicatrice dans le dos que je n’ai toujours pas réussi à toucher depuis l’opération tellement elle me dégoûte.

Et bien que j’ai la chance d’être encore debout, jamais plus je n’aurai les mêmes capacités physiques qu’avant étant donné que l’on m’a retiré la moitié de mon poumon gauche.

Cela peut paraître tellement accessoire et superficiel car ça ne m’empêche pas de vivre au quotidien. Mais malgré tout, le fait de me sentir moins forte, résistante et performante qu’avant me mine un peu à certains moments.

Le sarcome d’Ewing étant dû à une translocation génétique, il est dans mes gènes.

Surtout, je sais que la maladie reviendra un jour ou l’autre : le sarcome d’Ewing étant dû à une translocation génétique, il est dans mes gènes. On aura donc beau éliminer les tumeurs à chaque fois à coups de scalpel, de rayons et de médocs, la maladie sera toujours en moi.

Bien sûr, il est possible qu’elle ne se réveille plus jamais… Mais les médecins et moi-même en doutons, d’autant que depuis l’opération, il reste une lésion qui semble être la conséquence de la chirurgie mais qui pourrait très bien être tumorale et évoluer un jour ou l’autre.

On surveille donc cette trace, ne sachant pas trop de quoi il s’agit. Si elle ne bouge pas ou diminue c’est qu’il s’agit effectivement des séquelles de l’opération. Si elle bouge et augmente, c’est qu’il s’agit à nouveau d’une masse tumorale.

Se concentrer sur le positif

D’un autre côté, j’ai réalisé de très belles choses depuis cette opération. J’ai pris des vacances pour la première fois depuis cinq ans.

J’ai visité les Pays Bas et Londres, et je me suis offert un long week-end à Hardelot. Je fais du sport régulièrement. J’ai retrouvé ma vie sociale, je ne manque aucune soirée.

J’ai passé l’été dans des festivals et des concerts.

J’ai également trouvé un appartement il y a quelques jours, qui me permettra de repartir de chez mes parents. À bientôt 25 ans, il était temps que je puisse à nouveau prendre mon indépendance.

Il y a deux semaines, j’ai également fait enlever mon PAC (chambre implantable dans la poitrine reliée aux artères, dans laquelle on injecte les produits de chimio). C’est une étape émouvante car elle marque la fin — du moins pour un temps — des galères et de la maladie.

Je ne peux pas m’empêcher de penser sans cesse à l’avenir et de me demander de quoi il sera fait.

Je ne peux juste pas m’empêcher de penser sans cesse à l’avenir et de me demander de quoi il sera fait, et combien de temps il me reste avant la prochaine mauvaise nouvelle.

Globalement je retire cependant beaucoup plus de positif que de négatif de toute cette histoire. Je suis toujours là, plus déterminée que jamais.

À savourer ce que j’ai et à profiter de tous les petits bonheurs qui s’offrent à moi et de toutes les personnes bienveillantes qui m’entourent.

À lire aussi : J’ai 18 ans, et un cancer… mais ça va aller — Témoignage

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Les Commentaires

16
Avatar de lawende
10 février 2017 à 14h02
lawende
Ton courage et ta volonté de vivre ta vie coute que coute sont magnifiques. Reste comme ça et j'espère que le crabe ne reviendra pas !
0
Voir les 16 commentaires

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