Comme ma maman me l’a toujours dit, je suis un mutant. Et en tant que mutant, je réagis bizarrement à la maladie. Je n’ai jamais de gastro, jamais de grippe, jamais de bronchite, jamais rien qui ne porte un nom. J’ai un très bon système immunitaire, mais du coup, quand un virus parvient à passer ma ligne de défense, mon corps ne sait plus qui il est, d’où il vient, ce qu’il doit faire, et encore moins ce dont il souffre. Il passe donc en moyenne deux jours à se battre contre un virus qui n’aura jamais le temps de totalement se développer, mais qui aura quand même eu le temps de faire quelques petits dégâts.
Le pire, c’est quand j’ai de la fièvre. Vivez avec moi cette merveilleuse aventure que j’ai intitulée : 24 heures dans la vie de ma fièvre.
1ère étape : Dimanche, je me sens un peu patraque, je pars du principe que je subis le contrecoup de ma cuite du vendredi soir et que tout rentrera dans l’ordre après une bonne nuit de sommeil. Après avoir lutté toute la journée contre la fatigue, je me couche enfin, vers 23h30 pour être en forme le lendemain. Et c’est une fois plongée dans le silence et l’obscurité, au chaud sous ma couette et mon ours dans les bras, que je m’aperçois que je ne suis absolument plus fatiguée. Je suis insomniaque en temps normal, mais là, je bats des records. Je ressasse tout ce qui me pèse sur le coeur et la conscience, je me retourne, je tombe un peu du lit, je m’assoupis et me réveille aussitôt en sursaut, et ce jusqu’à 4 heures du matin.
2ème étape : après une journée de boulot relativement normale, alors que je pensais être totalement remise de mes émotions, je commence à me sentir mal, sous les coups de 16 heures. Vertiges, nausées, migraine… Je me dis que j’ai simplement abusé sur le chocolat et que mes yeux fatiguent à cause de mon écran d’ordinateur. Puis vient la fièvre. Et là, je sens que c’est la fin. Si je ne prends pas de drogues dures, c’est parce que je sais que, de temps en temps, je peux compter sur une poussée de fièvre.
3ème étape : je rentre chez moi, en chavirant. En refermant ma porte, je me prends les pieds dans une pile de cartons et je m’étale de tout mon long, sac à main par-dessus tête. Je décide de me mettre directement en pyjama et d’aller m’allonger.
4ème étape : la fièvre monte, je m’enfonce doucement dans mon délire. Prise d’une pulsion de ménage, j’attrape ma pelle et ma balayette, mais décide de m’en servir pour faire du air-ukulélé sur la Lambada.
5ème étape : ça fait trois semaines que je fais une fixette sur un extrait du spectacle de Thomas N’Gijol :
http://www.youtube.com/watch?v=_PmgwoCclhU
J’ai intégré le sketch dans mon épisode fiévreux. J’appelle ma mère pour lui hurler « HamdoulilaaaAAAAAAAAAAH ! ». Je raccroche. J’appelle mon meilleur pote pour lui hurler « J’rappe à ventre ouveeeeeeeeeeert ! ». Je raccroche. Je hurle toutes les répliques en suant de rire. Je manque de m’évanouir de rire.
6ème étape : je regarde un documentaire sur les chimpanzés. Je me dis que ce serait cool d’être un chimpanzé. Je vois un petit faire une galipette sur le dos de sa mère. J’essaye de faire la même chose sur mon canapé. Je me retrouve totalement emmêlée dans ma couette.
7ème étape :
je me crois dans une chrysalide. Je mime la chenille en mutation et sort victorieuse de mon cocon, en battant joyeusement des ailes.
8ème étape : j’ai bougé la tête trop vite, tout est crypté.
9ème étape : je vois les objets qui m’entourent s’animer, et je les entends me crier « DORA ! DORA ! VITE ! IL FAUT SAUVER DIEGO ! IL A ÉTÉ SEQUESTRÉ PAR CHIPPEUR ! IL A SORTI UN MARTINET ET UNE BOUTEILLE DE BADOIT ENROULÉE DANS DE L’ALU, NOUS AVONS TRÈS PEUR ! »
Une discussion ordinaire avec Jack alors qu'elle décède
10ème étape : je commence un compte rendu de mon délire pour la postérité, pour témoigner, pour que le monde sache, mais suite à une faute de frappe, j’efface tout ce que j’ai raconté. La fièvre m’empêche de me souvenir des évènements survenus il y a plus de 45 secondes.
11ème étape : j’appelle ma mère en pleurant pour lui annoncer mon décès, lui dire que je ne sais pas quoi faire du corps et que j’ai peur d’aller en prison parce qu’avec ma chance je vais me retrouver dans la cellule d’une lutteuse polonaise de 2m16 avec un crochet à la place de la main droite qui me hurlera dessus toute la nuit en me frappant avec une brosse à cheveux.
12ème étape : ma mère a raccroché en me disant de me faire un bouillon et d’aller me coucher. Je tente de me détendre, mais je fais tomber mon baume à lèvres qui roule sur le parquet, jusqu’au bout du salon. Je pleure à nouveau.
13ème étape : je m’étale de tout mon long et tente de glisser délicatement de mon canapé à la recherche de mon baume à lèvres. Je commence à ramper, la moitié du corps par terre, l’autre sur le canapé. Je fais une petite pause pour manger une chips croisée sur mon chemin. Je m’étouffe. C’était un ticket de métro. Je m’endors.
14ème étape : Je me réveille en sursaut. Une idée me vient soudain. Je vais mourir. Je vais OH MON DIEU JE VAIS MOURIR C’ÉTAIT ÇA LE SIGNE DU COCON LA CHENILLE QUI RENAIT PAPILLON JE VAIS M’ENVOLER VERS LE PARAD.. NON JE SUIS PAS BAPTISÉE PUTAIN JE VAIS CREVER EN ENFER TOUT ÇA PARCE QUE J’AI VOULU ÊTRE ATHÉE PARCE QUE ÇA FAISAIT PLUS MODERNE ET J’AI MÊME PAS DIT À MA MÈRE QUE JE L’AIMAIS DEPUIS AU MOINS SIX HEURES ET IL FAUT QUE J’ÉCRIVE MES DERNIÈRES VOLONTÉS JE VEUX ÊTRE ENTERRÉE AVEC MON OURS ET J’AURAI JAMAIS FAIT DE MÉNAGE À TROIS, SEULEMENT À SEPT, C’EST MOINS INTIME JE NE SAURAI JAMAIS CE QUE ÇA FAIT DE COUCHER AVEC UN ÉTRANGER À UNE RAVE PARTY JE SUIS TROP JEUNE MON DIEU POURQUOI MAMAN POURQUOI AU SECOURS.
Je me rendors.
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Les Commentaires
En plus, j'ai droit à un combo, parce que tu m'as mis sur le spectacle de Thomas NGijol.
Tu es ma nouvelle déesse. Je vais ériger un temple en ton honneur.