Publié initialement le 15 avril 2011
À l’aide, je crois que je suis en train de vieillir. Biologiquement, j’ai encore toute ma tête, mais ma force mentale est déjà à deux doigts de s’acheter de la crème anti-âge. Ce week-end je suis sortie deux soirs de suite, et voilà mardi qui se pointe que je ne suis toujours pas remise. Pourtant, l’époque où j’enchaînais sans difficulté deux nuits de fête ne me semble pas si lointaine.
C’était le bon vieux temps, ma p’tite dame !
Douces années ! Je faisais mes conneries d’ado en fleurs avec une organisation d’adulte prévoyant. Un bordel organisé, comme disent les écriteaux humoristiques pour portes de chambres de pré-pubères. Un plat de pâtes avant l’apéro (« pour se platrer le ventre », c’était l’adage de mes paires) et des verres d’eau entre les verres (« pour éviter de vomir à minuit », conseil de la meilleure amie). Un kebab sauce rouge sans salade sur la route pour aller en club (éventuellement) et devant le videur, l’air confiant de Leonardo DiCaprio dans Catch Me If You Can (assurément).
Laissez-moi passer, j’suis médecin !
[rightquote]L’éméchée hirsute qui beuglait cette nuit debout sur une voiture se transformait alors en sylphide, douce et bien coiffée.[/rightquote]Et peu importe si je me couchais à 6h pour me lever à 11h – j’étais toujours aussi fraîche pour le déjeuner dominical et (c’est là que le bât blesse aujourd’hui) familial. Pour m’assurer une dégaine convenable le lendemain, je savais m’y prendre : un petit Doliprane et de l’eau avant de me coucher, une bonne douche et un verre de Tropicana Premium au réveil. L’éméchée hirsute qui beuglait cette nuit debout sur une voiture se transformait alors en sylphide, douce et bien coiffée. Fin des gauloiseries.
Toute l’Académie française m’aurait donné le bon dieu (ou Sartre, Darwin et Voltaire, pour les athées) sans confession. À table, cernes et haut-le-coeur n’étaient jamais invités, mais appétit jovial (merci la gueule de bois) et rires francs (dus à la fatigue) étaient toujours confortablement accoudés entre le plat et le dessert, le pichet de vin (tentant) et la bouteille d’eau minérale (plus sage). Tante inquisitrice et oncle un peu balourd de l’autre côté de la nappe, ou pas. Et le soir, rebelote : ne pas faire la fête à nouveau aurait été pusillanime.
Mais c’est fini tout ça !
Que se passe-t-il aujourd’hui ? Sur l’échelle de Richter de la forme physique (10 étant « péter la forme », 0 « être lessivé ») je suis à magnitude 2. Comprendre : tout donner deux soirs d’affilée, ce n’est plus dans mes cordes. Les plus irréductibles fêtards de mes amis m’ont suggéré le Prozac de la fête, allez j’ose le mot ? La cocaïne. Mais les seuls rails que j’envisage sérieusement sont ceux du premier métro qui me ramènera chez moi. Mes potes adulescents ont essayé de me vendre les mérites régressifs de la sieste express. Mais moi, je dors comme je suis amoureuse : à 100%. Mettre un réveil à 19h, ça ne marche pas, si sommeil il y a, c’est jusqu’au lendemain matin, heure de la messe sur France 2.
Et à bien y réfléchir, merde, y’a beaucoup de choses qui ont changé :
2009 – J’ouvrais mes bières via la technique du rebord de fenêtre et les bouteilles de vin en utilisant ma semelle de basket, quitte à me casser un ongle ou à me faire un oedème sur l’index. Rien à foutre.
2011 –
Je demande à mon mec d’ouvrir ma bière avec un briquet. Pour le remercier, je lui souris tendrement.
2009 – J’imaginais la mort d’un de mes proches pour avoir l’air sobre à l’entrée de la boîte. Technique de connard, mais ça marche. 2011 – Je dépasse la file de kids et passe sur le côté, puisque je connais les DJ et suis sur liste. On a fait nos Master 2 ensemble.
2009 – Hors de question de mettre 20 euros dans un taxi. Je dormais dans un coin de la boîte pour attendre le premier métro. Même si le coin de la boîte, c’était la sono. 2011 – Je suis une fille organisée. Avec un groupe de potes, on appelle plusieurs taxis et on se divise la note en utilisant la calculatrice d’un iPhone.
2009 – Je me levais à 16h, puis me traînais jusqu’au McDo le plus proche. J’envoyais alors un texto aux copains pour savoir chez qui on se la collait ce soir. 2011 – Je me lève à 14h et j’appelle mon copain. Il s’occupe du vin blanc, moi des surgelés Picard – ce soir, on mate des séries.
Vous allez dire que j’ai perdu de ma légèreté : que je n’aime plus boire de la vodka premier prix et danser comme si le rythme de la chanson était aussi mon rythme cardiaque. Ou que je suis devenue sérieuse : que je pense désormais à des trucs de personnes responsables, comme le renouvellement de ma carte européenne d’assurance maladie et le relevé de mon compteur jeudi prochain par un agent EDF.
[leftquote]Vraisemblablement, se répéter qu’on est vieux, c’est aussi un peu le devenir. Je vous dis pas le cercle vicieux. [/leftquote]Mais non, je me le jure : je ne suis pas devenue morne au point de parler stérilet et CDD avec mes copines rue Montorgueuil. J’ai juste arrêté de dire qu’éviter de vomir dans le métro, prendre le taxi et faire des dîners entre potes, c’est « un truc de trentenaire emmerdant, cadre dans une start-up de com’ chiante et roulant en Vélib dans des chaussures Camper » (mais qui achète ces chaussures mi-marche de montagne mi-orthopédiques à part votre oncle prof de géographie, sérieusement ?).
Vraisemblablement, se répéter qu’on est vieux, c’est aussi un peu le devenir. Je vous dis pas le cercle vicieux. Alors oui, y’a des fois où, en fait, après le combo vin + surgelés Picard susnommé, j’enfile une robe et un sweat confortable, je procrastine dans mon travail (NDFab : SAYMAL !), et je sors – même si ça suppose être fatigué jusqu’au mercredi d’après, jour des enfants. « On n’est pas sérieux quand on a 17 ans » disait Rimbaud. Mais mes 17 ans, c’était y’a à peine 5 ans. Qu’on remette les choses dans leur contexte.
Les Commentaires
Merci bien.
J'adore le point de vue des gamines qui se prennent pour le centre du monde. Tu compte faire quoi? Te suicider à 25 ans parce que t'arrive plus à te saouler 2 soir de suite?