Cet article a initialement été publié en octobre 2018
Tout a commencé à l’adolescence. R. et moi, nous nous connaissions depuis longtemps, étions amenés à nous croiser régulièrement par le biais de nos familles. Mais nous n’avons jamais été proches.
Ce qui a déclenché l’envoi de nos premières lettres, ce fut la découverte de nos corps lors d’une nuit passée chez lui à une grande occasion.
Les premiers émois sexuels avec R.
Je ne sais plus vraiment comment nous en sommes arrivés à nous retrouver dans le même lit, mais je me souviendrai toujours de notre discussion.
Il m’a posé des questions hyper intimes, m’a demandé si je me masturbais — c’est lui qui m’a fait prendre conscience que ce n’était pas sale.
Je crois me souvenir aussi que nous avons exploré mutuellement nos corps, mais sans vraiment aller très loin.
Les premières lettres érotiques
Par la suite, nous avons commencé à nous échanger des lettres, sur du vrai papier, à la main. Nous y évoquions souvent d’abord notre vie quotidienne, nos soucis d’adolescence, nos questionnements sur l’avenir.
Puis arrivait le moment tant attendu de la découverte d’un récit érotique qui mettait nos sens en émois.
Nous faisions preuve de beaucoup d’imagination pour tenter de satisfaire l’autre, en espérant qu’à la lecture de l’un de nos fantasmes, chacun puisse y trouver matière à se donner du plaisir en solitaire.
R. a toujours été très doué et maniait avec subtilité la langue française.
Bien que les mots employés étaient souvent crus et très équivoques, il y avait toujours beaucoup de douceur et de respect dans ses récits.
Parfois, nous nous appelions au téléphone.
Même après un échange sobre et cordial, nous arrivions toujours par « déraper » et raconter un de nos fantasmes, tout en nous caressant jusqu’à nous faire jouir, chacun à un bout de la ligne.
Les années passent, les lettres érotiques restent ?
Les années ont passé et les lettres se sont succédées. Nous nous sommes revus, plusieurs fois, lors d’événements qui réunissaient nos familles et amis.
Depuis cette première nuit, il y a toujours eu une très forte alchimie entre nous.
Il suffisait que nous nous retrouvions dans la même pièce pour que je perde toute logique, irrémédiablement attirée par sa présence.
Bien sûr, nous avons eu plusieurs occasions de rester seuls et il nous était difficile de se voir sans se toucher.
Nous rêvions tous les deux de réaliser certains de nos fantasmes, mais la vie en a décidé autrement.
Au fil du temps, les lettres sont devenues plus rares, il arrivait qu’il se passe même quelques années sans que nous n’en échangions.
D’ailleurs, ces lettres s’étaient transformées en mails, puis nous avons eu quelques moments de complicité intime via messagerie instantanée.
Pourtant, malgré le temps qui passait, notre alchimie demeurait intacte. Bien qu’en couple, je me laissais aller parfois à un mail nocturne en réponse à l’un des siens.
Des lettres érotiques… au lit, enfin
Il y a quelques années, nous nous sommes revus lors d’un séjour près de chez lui. Cela faisait quelques années que nous ne nous étions pas vus, et durant lesquelles nous n’avions eu aucun échange, ou à peine.
Pour la première fois, nous avons cédé à la tentation de réaliser l’un de nos fantasmes.
Alors que je venais de rompre, sa situation personnelle nous empêchait d’aller trop loin (encore une fois, nous n’étions pas synchrones).
Nous ne nous sommes pas touchés une seule fois mais nous avons joui, chacun de notre côté, en nous parlant.
Il y avait une porte entre nous mais nous pouvions échanger des mots et des paroles.
La nature de nos propos était la même que dans nos lettres. Il me disait ce qu’il voulait me faire, je lui en disais autant.
Nous ne nous sommes même pas regardés, mais nous avons pris beaucoup de plaisir et j’en garde un très agréable souvenir.
Je crois que ce jour-là a marqué un tournant dans cette relation si particulière.
Stopper la correspondance érotique par culpabilité
Par la suite, mes choix de vie ont fait que j’ai voulu stopper cette correspondance définitivement. Ce fut difficile car parfois, nous nous appelions sur Skype et le voir mettait tous mes sens en émoi.
Et puis l’année dernière, il m’a fait part d’un projet personnel et m’a envoyé un autre texte.
Ce fut avec beaucoup de surprise et de plaisir que j’y découvrais le récit de nos retrouvailles quelques années auparavant.
Sauf que cette fois, c’était un peu différent. Il me racontait avec la même plume, mais avec plus d’authenticité ce que nous avions fait.
Et puis, pour le plaisir de l’imaginaire, il a ajouté une histoire alternative à notre rencontre ce jour-là, qui correspondait à d’autres fantasmes jamais partagés en vrai.
J’ai aimé le lire, mais étant de nouveau en couple, j’étais très gênée et n’ai pas voulu donner suite.
Cependant, parfois, il m’arrivait d’aller rechercher son histoire pour la relire et me remémorer cet épisode intense que nous avions vécu.
Couper les ponts… sans succès
C’est dans ce contexte que l’année dernière, un soir, je me suis surprise à lui écrire un petit mail rapide où je lui faisais part de ce que je m’apprêtais à faire.
Il était tard, mais lui ne dormait pas.
Malgré toutes les promesses que je m’étais faites, dès lors qu’il m’écrivit sur Skype, je sus que cette fois, je ne résisterais pas.
Une fois de plus, nous avons eu un échange plus que torride, où la caméra ajoutait un peu de fantaisie et d’excitation à nos ébats virtuels.
Au cours de ces dernières années, j’ai tenté plusieurs fois d’essayer ce type de correspondance avec d’autres personnes, mais jamais aucune ne fut aussi satisfaisante que celle qui dure depuis plus de 15 ans avec R.
Outre cette tension sexuelle que l’on partage, je ne connais personne ayant une imagination aussi fertile que la sienne, ni sachant maîtriser aussi bien l’écriture.
Depuis cet échange l’année dernière, j’ai tenté de nouveau de mettre un frein à nos échanges, par culpabilité.
Il m’envoyait des messages très équivoques de temps à autres et il m’était difficile de ne pas lui répondre comme j’en avais l’habitude.
Malgré tout, je continuais à relire son récit, régulièrement, ainsi que notre dernier échange dont il avait pris soin de m’envoyer la copie.
Après avoir longtemps réfléchi, je me suis dit que si au bout de presque 20 ans, nous en étions toujours au même point, que cette attirance était toujours aussi incontrôlable, alors je pouvais assumer mes fantasmes avec lui sans avoir de remords.
Honnêtement, que pouvais-je y faire ? Rien. Absolument rien.
Les fantasmes, en discuter ou les taire ?
Et puis, une fois de plus, nous avons été amenés à nous revoir par la force des choses.
Ces retrouvailles furent assez déroutantes.
Nous nous sommes retrouvés seuls le temps d’une soirée, et pour la première fois, nous avons eu une profonde discussion sur notre relation sur nos fantasmes, parfois difficiles à assumer ou du moins à partager avec nos conjoints.
J’ai déjà essayé d’en parler à mes partenaire mais cela n’a pas été facile pour moi.
Tous ceux qui ont partagé ma vie ne nourrissaient pas le même intérêt que moi pour le sexe. Ils aimaient faire l’amour mais n’ont jamais été pas du genre à pimenter nos ébats.
Je pense que je peux parler de mes fantasmes avec mon conjoint, mais pas de tout. J’ai peur de son regard, de son jugement.
J’ai aussi compris que ce n’est pas parce que mes partenaires aiment moins le sexe que moi qu’ils m’aiment moins.
Cela peut être frustrant parfois mais j’arrive à gérer cet aspect-là dans mon couple.
Une alchimie indescriptible avec R.
Et puis il y a ce truc, cette attraction chimique qui nous lie depuis des années, qui réveille un désir profondément enfoui, totalement incontrôlable, et ce malgré tous nos efforts pour l’ignorer.
Notre soirée de retrouvailles s’est sagement terminée. Je n’imaginais pas faire tout ce que mon corps réclamait alors que mon mec était là, sous le même toit que nous.
Je sais en revanche que si nous avions été seuls, nous aurions cédé à la tentation.
Avant de monter nous coucher, j’ai attiré R. contre moi, seul contact que je me suis autorisé ce soir-là.
Ce fut extrêmement difficile de résister, son bassin plaqué contre le mien, mon regard plongé dans le sien, je sentais qu’il était dans le même état que moi.
À partir de ce soir-là, à son retour chez lui, loin d’ici, nos échanges ont pris un nouveau tournant.
Nous avons de nouveau recommencé à correspondre, ainsi qu’à nous envoyer des récits beaucoup plus longs, mais ils avaient une toute autre saveur.
Notre discussion avait permis de lever un tabou et nous sommes devenus plus crus, partageant et assumant entièrement des fantasmes jamais avoués et encore moins partagés.
Nous sommes allés jusqu’à nous envoyer des photos, des vidéos et nous voir via Skype ce que je n’avais plus osé faire depuis des années.
20 ans après les premières lettres érotiques
J’ai bien conscience que tout ceci ne pourra pas durer éternellement, même si j’ai le cœur serré à l’idée que ça s’arrête.
Pour l’instant, je ne suis pas prête, et même si l’un ou l’autre décide de mettre à un terme définitif à nos échanges, je doute fortement que nous y arrivions réellement.
Presque 20 ans ont passé le début de notre relation épistolaire. Malgré plusieurs tentatives et avec toute la meilleure volonté du monde, nous n’avons jamais réussi à passer à autre chose.
Entre nous, il n’est pas question d’amour, ni de sentiments, hormis une affection particulière.
Je n’imagine pas ma vie avec R. tout comme il n’imagine pas sa vie avec moi. Notre relation est d’une toute autre dimension.
Il y a cette attraction chimique, que nous ne contrôlons pas, et puis il y a ce sentiment d’interdit qui joue énormément.
Peut-être que si nous pouvions explorer nos sexualités avec nos propres conjoints, les choses pourraient être différentes, mais je n’en suis même pas certaine.
Et puis, nous partageons ce goût pour l’écriture et pour ma part, nos échanges sont aussi un exutoire.
Je sais que je peux tout écrire car en plus de prendre du plaisir à me lire, R. ne portera aucun jugement.
Séparer mon couple de la correspondance érotique
Je pense que j’ai réussi à faire la part des choses entre ma vie de couple et ma relation avec R.
J’ai longtemps culpabilisé mais j’ai réalisé que parfois, il y a des choses que nous ne pouvons pas maîtriser.
Je préfère garder ce secret, pour moi d’abord, et parce que je sais que cela ferait souffrir mon partenaire.
Ensuite, parce que la relation que je partage avec R. appartient à MA sexualité, tout en ayant des conséquences positives sur ma sexualité de couple.
Lorsque j’ai envie de me donner un orgasme, de sortir mon sex-toy ou de regarder un porno, je le fais seule parce qu’il s’agit de mon intimité, et pas celle que je partage dans mon couple.
Malgré tout l’amour que je porte à mon conjoint, je ne cesserai jamais d’être attirée par R.
Alors j’ai décidé d’assumer pleinement cette partie de moi.
Enfin, ce qui nourrit le plus cette relation, c’est le fantasme et l’interdit et nous savons pertinemment qu’entre fantasme et réalité, le fossé peut être profond…
Nous ignorons si nous oserons un jour franchir le pas de l’infidélité, et cette incertitude est une part de notre lien si fort.
Jusqu’à ce que l’un de nous décide d’arrêter, nous continuerons à nous écrire.
À cultiver nos fantasmes, à explorer toutes les possibilités, pour vivre ce nous sommes réellement et que seuls l’un et l’autre pouvons comprendre et partager pleinement.
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Crédit photo image de une : ©️ The Classic
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