— Article initialement publié le 25 mars 2015
J’ai fait la première année de médecine (ou PCEM1). Deux fois. Et j’ai aimé ça. C’était dur. Mais pourtant, j’ai l’impression que j’ai gardé un bon souvenir.
La première année de médecine, celle qui te change
En même temps, mon cerveau a la capacité incroyable de zapper les trucs chiants qui lui arrivent, et de n’en retenir que le meilleur. Alors je sais plus trop.
J’étais loin de mon amour, et ça a été dur pour lui. J’ai été dure avec lui.
La première année de médecine, PCEM1, ou P1 de son petit nom.
Ça vous change, ça vous enlève un peu de votre insouciance, et vous en ressortez différent. Un peu plus froid-e, un peu plus mûr-e, peut-être même un peu moins humain-e.
Dommage, n’est-ce pas ? Pour quelqu’un qui se destine à sauver des vies…
La rentrée en médecine, la fosse aux lions
Premier jour, rentrée. Je m’en souviens encore, et je crois que je n’oublierai jamais. On s’avance dans un couloir bondé, l’amphi est juste après. On entend comme des coups de tonnerre un grondement qui monte de plus en plus, avec des hurlements qui se font de plus en plus proches alors qu’on s’avance vers l’entrée.
Et puis on entre dans la salle. L’amphi est déjà rempli, tellement qu’on ne sait même pas comment d’autres arrivent encore à entrer. Tous les rangs du fond sont pleins. Pleins de Doublants. Les Doublants, cette faune assez spéciale qu’on rencontre bien assez tôt quand on débarque en médecine.
Les Doublants, comme leur nom l’indique, sont là pour la deuxième fois. Ils sont passés par là où tu passes toi. Ils savent déjà combien tu vas souffrir, combien peu tu vas dormir, et pourquoi l’année prochaine, tu seras à leur place.
Primants, quelle réalité ?
Car toi tu es Primant. Et comme la banderole blanche en immense lettres rouges collée devant l’estrade te l’indique « TU VAS SOUFFRIR, PRIMANT ». Sympa comme accueil, tout de suite, ça met dans le bain.
- Sans compter la grosse b*** en papier+scotch de 2m de long qu’ils frappent sur la table. (z’ont dû passer au moins 1h + 5 ou 6 ramettes pour la faire, merci les arbres)
- Sans compter les avions en papier qui volent toutes les minutes au dessus de ta tête pour aller atterrir sur l’estrade. (encore merci les arbres et le mec qui nettoie après)
- Sans compter les boulettes (ou plutôt les ballons, vu la taille) de papier que tu reçois dans le dos, parce que toi, primant, tu n’as d’autre choix que de te mettre au premier rang (oui, celui juste devant la banderole).
- Sans compter que ce n’est que le premier jour, et que ce sera comme ça encore chaque jour, jusqu’à la fin de l’année.
- Sans compter qu’après des semaines, que dis-je, des mois de matraquage de cerveau, tu ne pourras plus JAMAIS t’empêcher de penser « SUUUUUCE » chaque fois que quelqu’un te parlera de « processus » ou autre mot se terminant pas « usse »…
Le concours de médecine, cet univers impitoyable
Et au bout d’un an, parce que tu es normalement constitué-e, (certains aliens au cerveau démesuré arrivent à passer le concours en une seule fois, cool pour eux) tu reviendras sur ce banc de fac. Tu ne seras plus au premier rang. Tu seras Doublant.
Et avec une joie plus que perverse, tu te mettras aux derniers rangs pour accueillir le Primant plein d’innocence qui débarque tout fraichement avec son Bac dans la poche.
Et tu crieras ta haine pour ce concours de m*** qui empoisonne ta vie depuis un an. Tu hurleras ton désarroi de jouer ta vie sur deux uniques jours. Devenir médecin ou pas.
Comme je l’ai dit plus haut, bizarrement, je garde peu de souvenirs de mes deux P1. Je me souviens que j’ai plutôt aimé. Mais je pense qu’au fond, j’ai dû virer automatiquement de mon cerveau les trucs uncool…
Ou alors, c’est parce que la suite était pire. Alors en comparaison, la P1, c’était le paradis. Pour ceux qui ne savent pas. Le concours de médecine est pour 3 professions médicales : médecin, dentiste et sage-femme.
Le concours a un numerus clausus. C’est à dire qu’il y a un nombre de places limité chaque année pour le nombre de reçus. En gros, si t’as 15/20 de moyenne mais que t’es pas dans les 200 premiers, bah tu l’as dans l’os. Rassurez-vous, normalement, si vous avez 15 au concours de PCEM1, il y a peu de chance que vous ne soyez pas dans les 200 premiers…
Le concours de médecine : et après ?
Les premiers ont le choix. Médecine, dentaire, sage-femme. Et la plupart choisissent médecine. Certains choisissent dentaire ou sage-femme, parce que c’est ça qu’ils veulent faire, « Médecine ? Jamais de la vie ! »
Et puis ils y a les primants-super-doués-qui-ont-un-bon-classement-mais-pas-assez alors eux, ils préfèrent tenter le coup de revenir l’année d’après. Ce qui laisse la place à d’autres, comme moi, qui n’aurait pas dû avoir leur concours, mais qui l’ont, finalement. Mais pas pour ce qu’ils avaient prévu au départ. Je voulais faire médecine. Ah bah non, y’a plus que sage-femme. Bon ok, tant pis alors, c’est mieux que rien…
« Et les autres moins bien classés que toi qui voulaient VRAIMENT faire sage-femme ? » on te dira. « Rien à foutre » tu répondras. J’en ai chié pendant deux ans pour obtenir quelque chose, je vais pas tout lâcher pour faire le bon samaritain et laisser ma place à un péquenot qu’avait qu’à bosser plus !
Voilà.
Voilà comment 80% des étudiants sage-femme et futures sage-femmes ne se retrouvent pas là par vocation. Ne leur jetez pas la pierre, gardez-là pour ceux qui maintiennent ce système de sélection totalement aberrant quand on y pense…
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